Et maintenant ?

Et maintenant ?

Par Kamal Guerroua

Et voilà que Ahmed Gaid Salah, le vice-ministre de la Défense s’invite dans le débat public et appelle directement le Conseil constitutionnel, à partir de la 4e Région militaire, à la destitution de Bouteflika, en appliquant l’article 102 de la Constitution! Eurêka ! Les militaires découvrent, enfin, que le pays est gouverné par un grand malade et qu’on est au bord du gouffre ! Bouteflika est désormais lâché par son plus fidèle soutien, dans une période très délicate, pour lui et son clan. Est-ce le retour en force de l’armée, cette grande muette «gardienne de la maison», en politique après un règne présidentiel de vingt-ans sans partage ? Est-ce une manipulation de plus pour tromper le petit peuple et saboter son élan inédit pour la liberté ? Ou est-ce un préambule à la période de transition dont on ne connaît pas encore les contours ? De toute façon, le clan Bouteflika est politiquement déjà fini avant cette déclaration-là.

Tous ses piliers sont tombés et les défections de ces derniers jours que ce soit au FLN, les syndicats ou les partis-godillots qui tournent dans son orbite, l’ont achevé. En plus d’avoir donné à l’international une mauvaise image du fonctionnement de l’Etat, ce clan-là a détruit les institutions et les armoiries qui font de ce dernier une citadelle de droit et de souveraineté. Les Algériens, lassés par les tergiversations du «Système» à se réformer, ont décidé de battre le pavé et de faire entendre leurs voix, bravant la peur malgré tout l’arsenal répressif mis en place. Ni les allusions directes de la nomenklatura au scénario syrien et au démembrement de l’Etat irakien, ni le fantôme du chaos n’ont pu les en dissuader. Aujourd’hui, la perspective d’un changement radical du système enchante tous les jeunes qui, pour beaucoup d’entre eux, n’ont connu que Bouteflika comme président.

Le réveil générationnel s’est fait de manière spontanée alors qu’il aurait dû être encouragé et canalisé, dès le départ, comme sous d’autres cieux, par l’intelligentsia. Cette dernière n’est, dans notre cas de figure, outre son vieillissement, qu’une «abrutigentsia», budgétivore qui s’accroche aux dividendes de la rente et aux lambris dorés. Une chose étant sûre, en effet, avec ce Hirak, l’époque du tutorat a laissé place à la fronde et à la révolte.

Poussés dans leurs derniers retranchements, les oligarques sortent maintenant leurs couteaux pour s’étriper sur la place publique. Et pour solde de tout compte, ils se rejettent la responsabilité du désastre, en tentant de se racheter, avant qu’il ne soit tard, une virginité auprès d’un peuple qui les vomit. Le Grand Soir est à l’approche et, loin d’être une jacquerie ou une simple révolution du palais, la dissidence des opprimés ne tardera pas à les atteindre, tous, dans leurs terriers.

L’Algérie vient d’enterrer toute une époque de son histoire et démontre, au monde entier, que l’espoir de la démocratie est permis, tant que la conscience citoyenne est au rendez-vous !