C’est un homme certes affaibli par l’intervention chirurgicale qu’il a subie et les conditions de son incarcération que les membres de sa famille décrivent, mais il a le moral au beau fixe et garde espoir en l’aboutissement du mouvement populaire.
Même le temps n’a pas été clément. Un ciel maussade couvre les hauteurs d’Alger, précisément à Hydra, en cette après-midi de lundi. Plus gris encore dans la demeure de Lakhdar Bouregâa, qui passe sa seconde semaine au pavillon carcéral de l’hôpital Mustapha. Une brise froide fait trembler les feuilles des longs arbres qui ornent la cour. Un vent de tristesse. Encore plus fort ce sentiment à l’intérieur de la maison.
La famille est abattue. Encore plus son épouse, qui a des difficultés à parler de l’état de santé de son mari à qui elle a rendu visite lundi. “Il est devenu petit”, confie-t-elle d’une voix à peine audible, les yeux pleins de larmes, malgré son courage. Il a beaucoup maigri, voulait-elle dire. “Il a perdu beaucoup de poids. Ses bras ont bleui”, raconte-t-elle avec peine. Il ne peut, d’ailleurs, pas se lever, ajoute sa fille, en détaillant qu’avant, il se mettait debout quand “nous lui rendions visite”. Lundi, il était assis sur une chaise ordinaire, il a essayé de se lever, mais il n’a pas pu. Cependant, son moral est au beau fixe, précise son neveu, qui est quasiment son sosie, n’était la différence d’âge. Il est d’autant plus affecté lui aussi parce que, orphelin, c’est son oncle Lakhdar qui l’a élevé. Il le considère comme son père, n’ayant pas connu le sien. Il est dans toutes les démarches entreprises par la famille pour le libérer. Il déplore toutefois le silence des moudjahidine, de leur organisation et surtout celui du ministère. “Nous avons même saisi le conseil des droits de l’Homme, mais nous n’avons reçu aucune réponse, aucune réaction”, regrette-t-il.
Et la famille s’inquiète de la dégradation de son état de santé, lui qui a subi sa cinquième opération chirurgicale. Et les conditions dans lesquelles il se trouve ne lui permettent pas de se rétablir rapidement. Tous les membres de sa famille que nous avons rencontrés, plaident pour qu’il ne retourne pas à la prison d’El-Harrach. Cela risque de lui être fatal, craignent-ils. “Il n’est pas en âge de tenir le coup”, explique son épouse sur un ton qui dénote son désarroi, en rappelant sa première incarcération dans une Algérie qu’il a contribué à libérer. “Il a passé sept ans, mais il était encore jeune et pouvait tenir”, ajoute-t-elle.
Elle semble encore plus touchée quand elle évoque la manière avec laquelle il a été interpellé. “Ils ne lui ont même pas laissé le temps de s’habiller correctement. Il portait une gandoura”, précise-t-elle, en rappelant qu’il a été très affecté par le portrait humiliant et dégradant que certaines chaînes de télévision ont brossé de lui. “Il ne pardonnera jamais à ceux qui l’ont sali”, dit-elle. Cependant, même affaibli, il demeure fidèle au mouvement populaire qu’il continue de soutenir et d’encourager. “Il a un grand espoir et est convaincu en l’avènement d’une nouvelle république algérienne”, raconte encore sa fille, qui est très active notamment sur les réseaux sociaux. Elle lance, elle aussi, un appel pour sa libération. Parce qu’il est inadmissible, voire inhumain, qu’il continue à croupir en prison, lui qui est un héros de la Révolution, âgé et malade.
L’atmosphère dans la maison est envahie par l’émotion. Malgré cette sensation de vide, toute sa famille nourrit l’espoir d’une éclaircie dans ce ciel devenu brumeux depuis son arrestation. Dehors, les rafales de vent continuent de perturber les arbres, accompagnées de fines gouttes de pluie, comme pour achever cette autre journée de peine et de douleur de sa famille.
Djilali B.