Barack Obama a retrouvé ses dossiers même s’il ne rentre officiellement de vacances que lundi 7 septembre, après s’être reposé dans la résidence présidentielle de Camp David.
S’il se repose… Car sa première semaine de vacances a été plutôt active, occupée par l’annonce, depuis sa villégiature de Martha’s Vineyard, de la reconduction de Ben Bernanke à la tête de la Réserve fédérale (Fed, la banque centrale américaine) puis par le décès du sénateur Ted Kennedy, poids lourd du Parti démocrate.
Vacances chargées, rentrée également. Steven Hurst, l’analyste politique de l’agence Associated Press, caractérise l’agenda présidentiel pour septembre de « tortueux » et « gargantuesque ».
Sur la table le président aura à régler un certain nombre de dossiers épineux et pour certains, mal engagés. En voici les principaux :
La réforme de l’assurance santé. La menace politique la plus importante à court terme réside dans l’incapacité de la Maison Blanche à imposer une réforme de l’assurance santé.
M. Obama a deux objectifs. D’abord offrir une couverture médicale à toute la population (actuellement, 48 millions à 50 millions d’Américains n’en ont pas).
Ensuite, réduire ses coûts. Le système américain, privé à 80 %, est le plus onéreux et le moins efficace du monde développé.
Sur ce sujet, le président, parti avec un soutien très fort de l’opinion, a semblé ne pas savoir répondre aux coups de boutoir de ses adversaires républicains et pour partie démocrates.
Son administration a tangué. A la mi-août, elle indiquait qu’une assurance publique concurrente du secteur privé n’était « pas l’essentiel » du plan.
Les républicains ont senti l’hallali. Très vite, les caciques démocrates, comme le président du comité national du parti, Howard Dean, ou la présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, ont rectifié le tir : il n’y a pas d’autre option qu’une assurance publique…
Depuis, le parti ne sait plus trop où il va ni comment. « Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? », demandait, le 18 août, le chroniqueur Howard Fineman, du Washington Post et de la chaîne CNBC.
Chacun a son explication, mais tous accréditent l’idée que M. Obama est mal en point. S’il s’entête à imposer une assurance publique, le risque est grand de voir les élus démocrates dits « centristes » joindre leurs voix à l’opposition.
S’il y renonce, les progressistes du parti menacent de le lâcher. Sa majorité à la Chambre et au Sénat est telle qu’il devrait obtenir le vote d’une loi.
Le contenu ne sera pas connu dès septembre. Mais M. Obama devra très vite dégager une stratégie.
L’économie et le social. La situation s’améliore, clament les économistes. Lawrence Summers, principal conseiller économique du président, annonce un retour « hautement probable » à la croissance dès ce semestre.
Le problème est que la reprise annoncée est statistique. L’opinion ne la perçoit pas : le chômage continue de grimper et on lui dit qu’aucune amélioration de l’emploi n’interviendra avant un an.
Wall Street rebondit, mais l’Américain moyen constate que si les grandes banques annoncent à nouveau des profits considérables, leurs petits établissements locaux souffrent : 84 ont fait faillite depuis le 1er janvier.
Et la FDIC (l’agence publique qui assure les dépôts bancaires) a indiqué, le 28 août, que 416 petites banques étaient « en risque d’insolvabilité ».
L’impact de ces informations sur l’opinion est dévastateur. Une majorité d’Américains se prononce aujourd’hui contre les plans de sauvetage économique et financier en cours.
La CIA en procès. Depuis l’annonce par le ministre de la justice, Eric Holder, d’éventuelles poursuites judiciaires contre des membres de la CIA impliqués dans des tortures, un premier foyer de tension interne menace la Maison Blanche.
Leon Panetta, que le président a nommé à la tête de la CIA, fulmine : aux yeux de ses agents, il perd la face.
L’ancien vice-président Dick Cheney, lui, en rajoute. Il est « très fier » de son bilan et ne renie rien, tortures incluses.
« Pas besoin de procureur pour savoir ce que je pense », a-t-il déclaré le 30 août à Fox News. Il a aussi laissé entendre que s’il était convoqué par un procureur, il ne se rendrait pas à la convocation.
Le Proche-Orient. La nomination de George Mitchell comme envoyé spécial avait heureusement surpris les pays arabes et inquiété Israël.
Aux Etats-Unis, les partisans d’un retour à une diplomatie plus « équitable » se réjouissaient.
Depuis, un sentiment de déjà-vu s’installe. Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a résisté sans concession majeure aux pressions américaines.
Le vrai test devrait intervenir fin septembre. M. Obama pourrait esquisser, devant l’Assemblée générale de l’ONU à New York, un plan américain pour une paix israélo-palestinienne.
Irak-Iran. Depuis janvier, alors que le retrait des troupes américaines des villes irakiennes prévu le 30 juin laissait craindre une recrudescence des attaques, l’Irak avait connu une nette diminution de la violence.
Tout a volé en éclats le 19 août, lorsque 101 personnes ont été tuées et 600 blessées lors d’un double attentat à Bagdad.
Dimanche 30 août, on apprenait que les deux auteurs des attentats 19 août sortaient d’une prison américaine (depuis janvier, l’armée américaine a relâché 5 000 de ses 15 000 détenus).
La veille, on avait compté 15 morts et 54 blessés dans une série d’attaques.
Le « calme » et la nouvelle sécurité dont se prévalaient le gouvernement irakien de Nouri Al-Maliki et les forces d’occupation au printemps semble très loin.
Certains, à Washington, pensent que la date butoir donnée au régime iranien – répondre favorablement d’ici la fin septembre à la main tendue de Barack Obama – n’est pas étrangère à la dégradation enregistrée en Irak.
Afghanistan-Pakistan. Lundi, le général Stanley McChrystal, chef des forces de l’OTAN en Afghanistan, a présenté ses recommandations : « La victoire reste possible » à condition de « changer de stratégie ».
Sinon, la défaite est certaine. C’est l’avis de l’expert Anthony Cordesman, du Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS), qui l’a écrit le même jour dans le Washington Post.
Or changer de stratégie nécessite d’envoyer plus de troupes au moment où l’opinion américaine y est de plus en plus hostile (60 % d’opinions favorables il y a trois mois ; 49 % fin août, selon un sondage Washington Post-ABC News).
Le mouvement « antiguerre » américain se reconstitue autour de l’Afghanistan. Les comparaisons avec le Vietnam se multiplient. Le mois d’août a vu tomber 47 « boys » : le plus grand nombre de victimes depuis l’intervention en 2001.
Pour la première fois, la semaine dernière, un sénateur démocrate, Russell Feingold, a demandé à M. Obama « un calendrier flexible de retrait » des troupes américaines. Comme pour l’Irak.