Etienne Nacereddine Dinet, l’artiste de mes rêves…Un voyage dans le temps à la « Cité du bonheur »

Etienne Nacereddine Dinet, l’artiste de mes rêves…Un voyage dans le temps à la « Cité du bonheur »

Hommage à Etienne Dinet mort le 24 décembre 1929

Après une multitude de cauchemars inexplicables, le rêve arriva. Je me retrouve dans une oasis saharienne, je cherche derrière la belle palmeraie et je remarque au loin des profils de femmes en tenues traditionnelles algériennes.

Une de ces belles créatures au charme naturel et inapprivoisable s’affairait à coudre une peau de chèvre. « La guerba », le frigo traditionnel des zones arides en Algérie servait de réservoir d’eau. En raccommodant une peau de chèvre et en ajoutant du genièvre et de l’huile de cad, l’eau stocké restait très fraîche et avait un goût particulier et très aromatisé. A côté de cette gracieuse pureté se trouvait une autre splendeur aussi naturelle et aussi intouchable, cette dernière frottait du linge sur une planche de bois dans des allers retours interminables. Le geste noble, le regard fixe et l’allure parfaite, faisait de cette manière de nettoyer le linge un fantasme incontournable pour n’importe quel mâle de passage. C’est dans ce décor féérique et sableux que je compris toute l’inspiration et tout l’attachement que pouvait avoir ce bourgeois du Loiret pour cette région. Etienne Nacereddine Dinet a épousé la langue et la religion de ces autochtones. Doté d’une personnalité séduisante, d’une culture extraordinaire et d’une force de caractère imposante, Dinet fait partie de cette espèce de personnes convaincues et passionnées qui peuvent changer la trajectoire de leur vie uniquement par amour. Je le rencontrai assis à côté de son ami de toujours Slimane Ben Brahim. C’était une très belle journée de printemps, un printemps ensoleillé et chaud. Les reflets du soleil sur le sable faisaient rayonner sur les lieux une couleur or. Recroquevillé dans sa djellaba blanche Nacereddine me paraissait tel une perle précieuse au milieu d’un gros collier en or. Ce qui est sûr c’est que l’endroit m’inspire. L’atmosphère qui y règne est tellement apaisante que je compris très rapidement à quel point ce lieu pouvait être une retraite. Une retraite pour des âmes fatiguées comme la mienne ou une illumination pour des génies comme Etienne. Je m’approchai de lui timidement, une timidité ou plutôt une peur, celle qu’on ressent à l’approche de personnages exceptionnels. Le thé fut servi à une telle vitesse que je n’ai même pas eu le temps d’enchaîner sur quoi que ce soit après mon salamalec. L’ambiance doucereuse me range en mode contemplation. Les mots ne pouvaient plus s’extirper. Je ne voulais qu’une seule chose, rester dans cet endroit le plus longtemps possible. Des hommes calmes et talentueux, des femmes généreuses et disponibles. Le paradis de mon imaginaire pessimiste était loin de ressembler à ce lieu divin.

Slimane m’aborda en me demandant le but exact de ma visite. Je lui répondis que j’étais à la recherche de repères pour cicatriser d’énormes plaies laissées durant ce siècle. Ma réponse ne surprit personne. Je compris après une petite observation de l’ambiance qui y régnait et de la tranquillité du lieu que c’était plus de l’indifférence qu’autre chose. Après un long moment de palabres sur la vie de la communauté et sur les bienfaits de la vie à la « Cité du bonheur », Etienne me proposa de le suivre dans son atelier au bord de l’Oued Bou-Saâda. Arrivés dans le temple de la beauté, je réalisai à quel point la profondeur de l’artiste pouvait enrichir et ornementer le déjà beau.

Obsédé par l’obligation d’engagement qui nourrit mon temps, je lui posai la question qui m’a ramené jusqu’a lui. Je lui demandais ce qu’il pensait de la colonisation française de son pays d’accueil l’Algérie. Il me fixa du regard et il me dit ceci : »Apprécie la beauté ».

Il savait qu’il ne pouvait rien contre le destin. Il savait que sa mission était autre. Il savait que le bien était dans le beau.

Etait-il égoïste? Il était juste artiste. B.H