La France est-elle en train de changer carrément sa position par rapport au conflit syrien ?, c’est du moins ce que suggère Laurent Fabius qui a estimé que l’ensemble des forces syriennes doivent s’unir.
Jeudi dernier, en marge de la conférence internationale sur le climat, le ministre français avait envisagé une possible collaboration avec une armée syrienne dont le président Assad ne serait plus le chef. «Il n’est pas possible de travailler avec l’armée syrienne tant que M. Bachar al-Assad est à sa tête. Mais à partir du moment où il y aurait eu une transition politique et où M. Bachar ne sera pas le chef des armées, on peut très bien s’associer à ce qui sera l’armée syrienne. Mais dans une transition politique opérée», avait-il déclaré. «L’expérience des dernières décennies, que ce soit en Irak ou en Afghanistan, montre que des forces occidentales au sol apparaissent vite comme des forces d’occupation.
Les opérations doivent être menées par des forces locales : syriennes modérées, arabes, kurdes, le cas échéant en coordination avec l’armée syrienne, ce qui est impossible sans transition politique», a expliqué M. Fabius dans son interview de samedi au quotidien régional. Pour l’analyste Hasni Abidi, qui préside un think-thank basé en Suisse, cette dernière déclaration traduit une «nouvelle inflexion de la position française». On constate de plus en plus l’échec des bombardements de la coalition contre l’EI, donc on amorce un tournant», note M. Abidi, interrogé par l’AFP. «Les Français veulent rassurer les Russes, qui soutiennent Bachar, en leur montrant que leur position n’est pas dogmatique. La France veut une grande coalition, donc elle cède sur cette conditionnalité qu’est le départ immédiat de Bachar», analyse-t-il.
Moscou, qui a commencé ses frappes aériennes en Syrie le 30 septembre contre les «terroristes» de l’EI, est accusée de viser les rebelles hostiles au régime syrien, et mènent une grande partie de ces bombardements dans des régions (notamment Idleb et Lattaquié) où l’EI n’est pas présent.
Deux réunions internationales, associant pour la première fois les alliés militaires du régime syrien, Moscou et Téhéran, ont eu lieu à Vienne cet automne.
Une feuille de route a été mise au point, prévoyant une réunion de l’opposition et d’éléments du régime syrien, la mise en place d’un gouvernement de transition et l’élaboration d’une nouvelle constitution. De nouvelles discussions sur la Syrie doivent avoir lieu «dans la deuxième quinzaine de décembre à New York», a rappelé samedi M. Fabius devant la presse. Mardi à Ryad, l’ensemble de l’opposition au régime syrien et certains groupes armés, à l’exception des Kurdes, se réuniront pour bâtir une plateforme commune en vue de futures discussions avec le pouvoir. Opposés à l’envoi au sol de contingents massifs de troupes, la France, comme les Etats-Unis, sont à la recherche de solutions politiques ou militaires impliquant les acteurs locaux ou régionaux qui pourraient mettre fin à plus de quatre ans de guerre en Syrie.
Jeudi à Belgrade, le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, a ainsi plaidé pour l’intervention de troupes au sol arabes et syriennes qui combattraient l’EI, reconnaissant que le conflit «ne pourra pas être gagné complètement avec les seules frappes aériennes». Il n’a pas exclu une participation de l’armée syrienne, à un moment ou à un autre de l’évolution de la situation. «Si nous parvenons à mettre en place une transition politique, nous allons permettre à toutes les nations et entités de se rassembler. L’armée syrienne, ensemble avec l’opposition (…) Les États-Unis, ensemble avec la Russie et d’autres, iront combattre Daech» (acronyme arabe de l’Etat islamique), a-t-il déclaré.
Synthèse R. I.