Montréal – Deux semaines après l’explosion d’un train au cœur d’une bourgade québécoise, la police a annoncé vendredi que le bilan définitif de l’accident, le pire au Canada en 15 ans, était de 47 morts.
Ce chiffre a été arrêté par les enquêteurs bien que cinq dépouilles soient encore introuvables, a indiqué Michel Forget, inspecteur de la Sûreté du Québec (SQ, la police provinciale), lors d’une conférence de presse.
«Nous sommes tout de même en mesure de vous informer que les différentes enquêtes, différentes recherches, (…) nous permettent aujourd’hui d’établir un chiffre du nombre de disparus: on considère le nombre de personnes décédées à 47», a dit M. Forget.
L’explosion samedi 6 juillet, vers 01h30 locales (05H30 GMT) d’un convoi ferroviaire de 72 wagons-citernes en plein centre-ville, suivie d’un gigantesque brasier ayant duré une quarantaine d’heures, a anéanti une trentaine de bâtiments (commerces, restaurants et logements).
Du Premier ministre canadien Stephen Harper, au patron de la société ferroviaire américaine en cause, les personnes qui se sont rendues à Lac-Mégantic depuis la tragédie ont évoqué «une zone de guerre».
La «zone rouge» de 2 km carrés située en plein centre-ville est toujours considérée comme «une scène de crime» par la police québécoise qui mène l’enquête la plus complexe de son histoire.
Les enquêteurs ont d’ailleurs décidé vendredi de suspendre les recherches jusqu’à dimanche, le temps d’acheminer du matériel lourd, notamment des grues, afin de déplacer les wagons accidentés, a dit l’inspecteur Forget.
La recherche et l’identification des dépouilles sont encore particulièrement ardues, l’incendie ayant atteint 3.000 degrés selon les pompiers. Les services de médecine légale ont notamment demandé aux proches des victimes de leur remettre les brosses à dents des personnes disparues pour permettre un traçage ADN.
Ainsi, seuls 22 corps ont été formellement identifiés jusqu’à présent, a indiqué le bureau du médecin-légiste. Les premiers éléments de l’enquête indiquent que le conducteur du train de la société américaine Montreal, Maine & Atlantic (MMA) avait immobilisé le convoi dans un village voisin et l’avait quitté avant l’arrivée de son remplaçant.
«L’enquête du BST (Bureau de la sécurité des transports) a permis de déterminer que la force de freinage appliquée était insuffisante pour immobiliser le train sur une pente descendante de 1,2%», a déclaré vendredi Ed Belkaloul, un responsable de l’enquête.
Le train s’était remis à rouler peu à peu avant de dévaler une pente et d’arriver en trombe dans la petite ville touristique de 6.000 habitants où il a déraillé.
Le train, qui transportait du pétrole provenant de l’État américain du Dakota du Nord, se dirigeait vers une raffinerie de l’est du Canada et devait passer par le Maine.
Les premiers éléments recueillis sur place ont permis au BST de transmettre deux recommandations urgentes de sécurité au ministère canadien des Transports, a souligné M. Belkaloul.
Ces «avis de sécurité» portent sur l’immobilisation du matériel roulant et sur les trains laissés sans surveillance.
Les enquêteurs, a poursuivi Ed Belkaloul, demandent notamment au ministère des Transports de revoir «la règle 112» sur l’immobilisation des trains, qui prévoit «qu’un nombre suffisant de freins» doivent être enclenchés sur les wagons, tout en laissant cette question à la discrétion du conducteur du convoi.
Le BST demande en outre au ministère «de revoir toutes les procédures d’exploitation des chemins de fer pour s’assurer que les trains transportant des marchandises dangereuses ne sont pas laissés sans surveillance sur la voie principale».
Les enquêteurs ont examiné la voie ferrée menant à Lac-Mégantic, ainsi que 22 wagons en particulier et interrogé le conducteur et d’autres employés de la société MMA.
Ils effectuent aussi des travaux d’imagerie avec l’aide d’experts gouvernementaux américains afin d’enregistrer des données en trois dimensions du site de l’accident et de différentes pièces du convoi.
La tragédie de Lac-Mégantic constitue le pire accident au Canada depuis 1998 et le crash d’un avion de la compagnie Swissair, qui avait fait 229 morts.