Face au terrorisme, l’Allemagne envisage la déchéance de nationalité

Face au terrorisme, l’Allemagne envisage la déchéance de nationalité

Le ministre de l’Intérieur allemand a proposé, jeudi, plusieurs mesures pour renforcer la lutte contre le terrorisme. Parmi elles, la déchéance de nationalité des binationaux qui « participent aux combats à l’étranger pour une milice terroriste ».

L’Allemagne ouvre à son tour le débat sur la déchéance de nationalité. Le ministre de l’Intérieur, Thomas de Maizière, a proposé jeudi 11 août une batterie de mesures à la suite d’une série d’attaques, dont a été victime le pays en juillet.

Le ministre de l’Intérieur a rappelé, lors ce de discours, qu’il était déjà possible de priver de leur nationalité allemande les binationaux combattant dans les forces régulières d’un pays étranger. Ils sont plus de 800 jihadistes à avoir quitté l’Allemagne pour la Syrie et l’Irak, selon un décompte au mois de mai des services secrets allemands. Près d’un tiers d’entre eux est déjà rentré en Allemagne et environ 140 autres ont été tués. Quelque 420 seraient encore en territoire syrien ou irakien.

Débat sur l’utilité de la déchéance de nationalité

Tout comme en France, où la déchéance de nationalité avait été proposée par le gouvernement à la suite des attentats du 13 novembre, avant d’être abandonnée en mars, cette mesure devrait également susciter un vif débat outre-Rhin.

De son propre aveu, Thomas de Maizière va devoir travailler dur pour imposer cette mesure aux sociaux-démocrates, partenaires incontournables au sein du gouvernement de coalition de la conservatrice Angela Merkel.

Parmi les autres mesures proposées jeudi, la création du motif d’arrestation de « mise en danger de la sécurité publique » pour pouvoir placer en détention rapidement des étrangers suspectés de préparer des attaques. Il s’agira aussi, selon le ministre de l’Intérieur, d’accélérer les procédures d’expulsions.

Pour Yan Saint-Pierre, consultant en antiterrorisme, cette mesure est « une bonne idée » : « C’est une façon de dire que, ceux qui se prononcent ouvertement pour menacer la société allemande, il faut les prendre au sérieux le plus tôt possible », affirme-t-il à France 24.

« On ne peut pas interdire tout ce qu’on rejette »

Thomas de Maizière s’est, par ailleurs, opposé à une interdiction du port du voile intégral, réclamée par certains responsables conservateurs. « On ne peut pas interdire tout ce qu’on rejette et je rejette le port de la burqa », a-t-il assuré.

Enfin, le ministre a proposé de gonfler les effectifs de la police « dans les prochaines années de plusieurs milliers de personnes », d’investir dans les technologies de reconnaissance faciale, de fonder un office central chargé de lutter « contre la criminalité et le terrorisme sur Internet’, notamment « les communications entre terroristes » et « le commerce illégal d’armes » sur le Darknet.

Anne Mailliet, correspondante de France 24 en Allemagne, considère que les nouvelles mesures proposées par le ministre de l’Intérieur ont pour but de rassurer la population, mais aussi d’enrayer la montée en puissance des populismes qui nourrissent leurs discours de réactions post-attentats racistes et xénophobes.

Le pays a été profondément choqué par les attaques revendiquées en juillet par l’organisation État islamique (EI), puis par la fusillade de Munich, le 22 juillet, au cours de laquelle un jeune Allemand, admirateur d’Hitler et imprégné de théories racistes, avait tué neuf personnes dans un centre commercial.

Dans la foulée de ces attaques, la chancelière, qui avait ouvert grand les frontières aux réfugiés, a vu sa popularité plonger de 12 points à 47 % d’opinion favorable, selon un sondage début août

Yan Saint-Pierre estime, quant à lui, qu’Angela Merkel n’a pas changé le cours de sa politique après les attaques de juillet. « Elle se sert des circonstances pour faire avancer son programme mais il n’y a pas vraiment de grands changements », nuance-t-il.