Dans un précédent papier, nous avons raconté comment nos malades subissent mille et une bêtises, inventées et honteusement mises en place par des gens sans le moindre bon sens, avant d’obtenir un rendez-vous chez un médecin spécialiste.
Si nos faux problèmes s’arrêtaient là, nous serions sans doute les plus heureux sur cette terre. Chez nous, nous avons «l’impératif de nous rendre!». Eh oui, nous devons obligatoirement nous rendre quelque part lorsque nous avons besoin de quelque chose. Notre conception du service est si archaïque qu’il est difficile de la dater. Pas même au carbone 14.
Comme dans les années cinquante, nous continuons toujours à aller payer notre consommation d’électricité à la caisse de l’entreprise avec ces différences que, dans les années cinquante, il n’y avait pas foule devant le guichet et l’on pouvait même payer l’agent qui délivrait la facture si on voulait éviter le déplacement alors que, de nos jours, il faut impérativement y aller et attendre patiemment notre tour.
Comme dans les années quarante, nous continuons à nous rendre à la banque pour retirer notre argent ou pour toute autre opération. La chaîne est de plus en plus longue devant les guichets et l’attente aussi. La différence avec les années quarante, c’est qu’il n’y avait pas d’attente et qu’il y avait moins de bruit alors que les files d’attente dans nos banques ressemblent à un marché où l’on entend de tout, à haute voix.
Comme dans les années trente, nous continuons à nous rendre sur les lieux pour payer notre consommation d’eau, nous continuons à nous bousculer les uns les autres devant les guichets des mairies, bien que celles-ci ont effectivement fait beaucoup d’efforts pour améliorer les choses. Mais, «Allah ghaleb», par coutume ou par entêtement, nous continuons encore à être obligés de nous rendre sur place pour retirer un acte de naissance, une résidence, un acte de mariage ou un acte de décès. En fin de compte, nos mairies sont toujours pleines malgré les énormes allègements de ces dernières années. Comme dans les années vingt, nous continuons à faire la queue devant les guichets de ce qui était le receveur des contributions diverses, pour payer nos amendes, nos impôts, nos taxes ou nos autres pénalités avec cette différence que les gens de l’époque étaient plus courtois et vous faisaient volontiers un sourire en contrepartie. Comme dans le lointain passé, nous continuons à aller sur place pour prendre un ticket de train, un billet d’avion ou pour nous informer à propos d’un horaire.
Nos agences de voyage nous obligent à rendre visite à leurs bureaux, nos avocats à les chercher dans des ruelles parfois mal signalées, nos restaurants à prendre place à leurs tables pour connaître le menu et les prix, nos assurances à patienter de longs moments pour nous informer quant à leurs offres etc…, etc. Ailleurs, dans des pays auxquels nous n’avons pourtant rien à envier, tout se passe autrement. Nul n’est plus tenu de se rendre quelque part. Les gens ne vont plus aux banques qu’exceptionnellement. Les cartes de paiement et les services «on line» leur évitent les déplacements inutiles et les attentes idiotes.
Ils ne vont nulle part pour payer leur consommation d’électricité ou d’eau, pour payer les tranches de leurs crédits, pour effectuer des transferts, payer leurs taxes ou leurs amendes, envoyer des mandats… tout se fait «en ligne», tout s’effectue à partir de chez soi, voire avec un simple smartphone. Rendre la vie plus facile aux citoyens est, en effet, un des objectifs majeurs des responsables de notre temps.
Les technologies modernes d’information et de communication ont vraiment rendu la vie des gens plus simple et plus facile là où elles ont été introduites.
Elles n’ont rien de gadgets. Ailleurs, on fait des réservations de vol, on retire sa carte d’accès sans bouger de chez soi. On cherche, on choisit sa destination pour les prochaines vacances, on effectue les réservations, on paie et on reçoit la facture sans bouger de chez soi.
On retire un acte de naissance ou tout autre papier sans sortir de chez soi, on achète, on commande… bref on fait tout ou presque sans jamais être obligé de rendre impérativement quelque part.
A quand ce sera notre tour de mettre un pied dans la modernité? En tout cas, pas tant que nous continuons à croire et à chanter sur tous les toits que nous avons développé notre pays mieux et plus que les autres.