Faiblesse du débit internet en Algérie : “Il y a absence de volonté politique pour mieux faire”

Faiblesse du débit internet en Algérie : “Il y a absence de volonté politique pour mieux faire”

Les experts plaident pour la création d’un organisme autonome afin d’asseoir une véritable stratégie du numérique.

Ce sont des centaines de milliards qui partent en fumée à cause de la faiblesse du débit de l’Internet qui ne s’améliore guère. L’Algérie continue à occuper le bas des classements sans que les responsables du secteur ne s’en offusquent et s’entêtent à dire tout le contraire. Résultat des courses, les investisseurs étrangers hésitent à venir dans un pays pauvre numériquement et les investisseurs locaux n’arrivent jamais à optimiser leurs capacités de production réelles. “Nous ne pouvons pas nous extraire au reste du monde. Nous avons beaucoup de lacunes et ça ne sert à rien de se voiler la face”, s’accordent à dire les experts du domaine sollicités pour nous éclairer davantage sur le sujet. “La qualité de service par rapport à la connexion laisse à désirer et tous les Algériens en souffrent”, commence par faire remarquer l’expert en TIC, Farid Farah, enchaînant : “Le manque à gagner est très important même si les statistiques sont indisponibles mais il n’y a pas de doute : la mauvaise performance des réseaux opérationnels algériens fait fuir les investisseurs ou du moins les fait hésiter surtout pour des projets en relation avec les nouvelles technologies.” Il notera plus loin : “Les pertes en devises qui sont très importantes à cause de l’hébergement à l’étranger. Nous devons nous doter de Data center pour optimiser le coût du transport et de la fabrication de la donnée et nous doter de l’Intranet avec un réseau local.” Il poursuivra : “Le numérique en Algérie est symbolisé par une infrastructure matérielle qui demeure à ce jour insuffisante vu le débit de l’Internet et d’où notre mauvais classement. C’est que nous avons opté pour une mauvaise stratégie.” Il recommande : “Il ne faut pas perdre de vue le contexte mondial en la matière qui penche beaucoup plus vers le non-gouvernemental pour développer le numérique. Pour cela, il nous faut une stratégie globale pilotée non pas par un ministère mais par un organisme autonome qui ne dépend de l’État que par le financement et libérer, ainsi, les initiatives où le privé pourra jouer son rôle pleinement.”  Pour Youcef Boucherim, expert international en TIC, “il existe un manque de volonté politique pour faire ressortir toutes les potentialités de l’Algérie, ce qui nous fait perdre beaucoup d’argent”. Il argumente : “Les exemples du Kenya, de Singapour la plus grande ville intelligente, le   Botswana qui s’investit dans la 5G et le Rwanda et autres devraient beaucoup nous inspirer car il n’y a pas longtemps, ces pays se trouvaient dans des situations de crise et aujourd’hui ils deviennent des performeurs et c’est loin d’être un hasard.” Pour lui, il faut “axer les efforts sur le développement du contenu” qui “est un élément essentiel à l’origine de la faiblesse du débit et par ricochet du manque à gagner qui est encore plus important que les pertes”. Il explique : “Ce que les Algériens consomment comme data (Youtube, Google,  films, musique…) génère un bénéfice qui va ailleurs en l’absence de contenu et c’est un manque à gagner.” Du point de vue économique, notre interlocuteur reconnaît que “les pertes sont considérables et se comptent en milliards” et plaide pour “l’accélération en termes de législation pour être en adéquation avec l’ambition technologique”. Il appelle,  aussi, comme nombre de spécialistes, à “la création d’un organisme autonome qui serait sous la tutelle de la Présidence ou du Premier ministère pour mener la politique numérique”.

Nabila Saïdoun