Les présidents de l’APN et du Sénat viennent de qualifier la situation financière du pays de très difficile. En fait, ces affirmations sont des euphémismes. La situation est beaucoup plus grave, selon une source sûre. Pour deux raisons essentielles. Une source proche du secteur indique d’abord que la collecte de l’impôt a été très en deçà des prévisions de recettes fiscales ordinaires inhérentes à la loi de finances 2017.
Seconde raison : les autorités s’attendent à un prix du baril entre
55 et 60 dollars. Or, les prix du pétrole évoluent actuellement à 51-52 dollars et ne sont pas près d’atteindre d’ici à la fin de l’année les
60 dollars, selon un spécialiste. Cette situation n’est pas sans conséquence sur les entrées en devises du pays et sur le niveau des recettes fiscales pétrolières.
Autre fait : résultat de cette conjoncture, les ministère des Finances, de l’Énergie et la Banque d’Algérie n’arrivent pas à s’entendre, ajoute la même source sur le prix de référence, l’un des fondamentaux sur lequel sera basé la loi de finances 2018 dont le texte est en voie de finalisation.
L’autre facteur qui accroît les difficultés financières du pays est le niveau des importations. L’institution des licences d’importation n’a permis qu’une très légère diminution de la facture importation. Au rythme du premier semestre, elle s’élèvera à plus de 40 milliards de dollars, soit en deçà de l’objectif du gouvernement précédent : 30 à 35 milliards de dollars.
Cette situation met la pression sur le gouvernement actuel : déficit énorme du budget, déficit de la balance commerciale, déficit de la balance des paiements. Les marges de manœuvre du gouvernement Ouyahia sont donc très réduites.
L’Exécutif précédent n’a pas mis en place des alternatives aux financements publics : émission de nouveaux emprunts obligataires, nouveaux recours au marché monétaire, financements non conventionnels. Selon le même spécialiste, l’Algérie n’a d’autre choix que de jouer sur l’ajustement du dinar, c’est-à-dire les dépréciations successives du dinar pour réduire le déficit du budget qui sera plus important en 2017 par rapport aux projections de la loi de finances 2018. Il faut savoir que la Banque d’Algérie a opéré de successives dépréciations du dinar par rapport à l’euro et au dollar américain ces dernières semaines. Un spécialiste prévoit qu’à ce rythme, le dinar risque de s’échanger à 140 DA pour un euro.
Cette dévaluation du dinar conjuguée à l’insuffisante maîtrise du commerce intérieur marquée par les pratiques spéculatives favorise une hausse importante des prix. Le taux d’inflation pourrait atteindre les 8% fin 2017, voire en 2018, un niveau jamais enregistré depuis au moins quinze ans, ajoute la même source. Cette situation met la pression sur le pouvoir d’achat de la majorité des citoyens et présente des risques au plan de la stabilité sociale.
L’Algérie, en définitive, n’a d’autre choix pour réduire l’énorme déficit du budget que d’œuvrer à un élargissement de l’assiette fiscale via, en particulier, la fiscalisation de l’informel, une meilleure collecte de l’impôt et une réduction des subventions à l’énergie qui coûtent plus de 10 milliards de dollars, préconise le spécialiste.
K. Remouche