« Il y aurait 10 000 médecins algériens, formés par l’Algérie, qui exercent en France, et qui profitent au système français », affirmait le docteur Bekkat Berkani Mohamed, président du conseil national de l’ordre lors du Forum El Moudjahid du 10 janvier passé (1).
Un chiffre qui a fait la une des journaux, et créé le débat sur de nombreux plateaux de télévisions. Si l’invité du Forum El Moudjahid, a fait le bon diagnostic concernant les raisons qui poussent nos praticiens à quitter le pays (manque de considération, conditions de vies difficiles…etc), son intervention comprend des déclarations erronées (volontairement?) et qui portent à confusion.
En effet, selon une étude du Conseil National de l’Ordre des Médecins Français (CNOM), publiée en novembre 2014, et sur laquelle se serait basé M. Mohamed Bekkat Berkani, il y aurait 10 000 médecins algériens exerçant dans les hôpitaux de France, mais seulement 27.7% d’entre eux sont diplômés en Algérie, alors que les 71.1% restants (soit 7100 médecins) sont diplômés des universités de l’Hexagone.
Le diplôme algérien de médecine non reconnu en France, et niveau des médecins non homogène !
Les déclarations du docteur Mohamed Bekkat Berkani, sous-entendent, que nos médecins sont prisés à l’étranger au point où même les Français se les arrachent, alors que la vérité est toute autre. Soyons plus sérieux. Même si la France a un besoin accru de médecins, elle ne reconnaît pour autant pas le diplôme de médecine algérien. La raison est simple : le médecin algérien est mal formé, surtout ceux qui ont gradué les 15 dernières années, il nécessite souvent, de longues années de formations, avant de le mettre en circuit en tant que médecin.
Questionnés par le magazine scientifique, Science et vie en février 2014 (2), sur le regard qu’ils portent sur leurs homologues qlgériens, des médecins français partagent le même sentiment que le niveau des médecins formés en Algérie a baissé depuis quelques années. « J’ai l’impression que les médecins algériens étaient meilleurs il y a dix, quinze ans. Il y a eu un moment où l’apprentissage est devenu très livresque. Des médecins, excellents en termes de connaissances pures qui, une fois face à un patient, ne sont pas bons », estime le docteur Matthias Wargon, médecin urgentiste en région parisienne.
Selon ce médecin, le niveau des médecins formés en France ou même en Tunisie est homogène, alors que celui des médecins algériens peut varier du tout au tout. « Il y a des pays pour lesquels je vais être moins méfiant comme la Tunisie, que je situe au même niveau que la France. Pour les Algériens, je vais avoir un a priori moins favorable », reconnaît Matthias Wargon, qui a eu manifestement quelques expériences malheureuses avec des médecins algériens.
Huit à dix-ans avant d’être inscrit à l’ordre des médecins Français
L’intervention du docteur Bekkat peut laisser croire que chaque jour, des dizaines de médecins venus directement d’Algérie s’inscrivent, tout de go, à l’Ordre des médecins Français. « Vous n’avez qu’à aller sur le site de l’ordre des médecins français pour voir le nom de nouveaux médecins algériens inscrit », s’enflamme-t-il. Pourtant la réalité est beaucoup plus complexe et nuancée que ce que laisserait croire une telle déclaration. Il existe une possibilité pour les médecins d’exercer comme simple infirmier, en se procurant une autorisation délivrée par des instituts habilités, avec comme condition, une formation à temps plein de 700 heures ou de 20 semaines, réparties entre un enseignement théorique et un stage d’évaluation des compétences.
Pour exercer le métier de médecin, c’est une toute autre paire de manches. Avant 2012, les médecin devaient refaire quasiment leur cursus depuis le début, soit, dix-huit-ans d’études pour une spécialité. Depuis la loi du 1er février 2012, les praticiens passent un examen de vérification des connaissances, pratique et écrit. Ils doivent également passer une période probatoire de plusieurs années dans des services de soins agréés pour la formation des médecins internes français. Après quoi, ils repassent un second examen sur présentation d’un dossier professionnel pour pouvoir, enfin, prétendre déposer un autre dossier devant une commission d’autorisation d’exercice de l’Ordre des médecins de France.
« En moyenne, il s’écoule entre huit à dix ans entre le moment où le praticien pose le pied en France et le moment où il obtient l’autorisation d’exercer », expliquait en 2014 à Science et vie, Hocine Saal, médecin urgentiste et vice-président du Syndicat national des praticiens à diplôme hors Union européenne. C’est pour dire que tout ne se passe pas comme essaye de nous l’expliquer l’auguste doctteur Bekkat Berkani. Qu’on cesse de chatouiller l’orgueil national avec de telles approximations ! Et qu’on dise la vérité sur le niveau abyssal de nos universités car on ne peut tromper un peuple tout le temps, pour paraphraser un président américain.