Dans une conjoncture politique des plus incertaines, le FCE, acronyme devenu notoire de Forum des chefs d’entreprise, ressemble aujourd’hui à s’y méprendre au radeau de la Méduse qu’à une organisation forte et sûre de son fait. Il semble loin, en effet, le temps où cette organisation était au-devant de la scène médiatique et politique. Lorsque n’importe quelles options économiques du gouvernement recevaient l’aval tacite ou affiché du Forum.
L’association principale du patronat algérien était partie pour avoir un poids significatif dans le débat social ou politique du pays, à l’image du Medef en France ou du CBI britannique. Le bouleversement politique qui s’en est suivi a complètement arrêté en vol cette évolution. Bien avant, des signes avant-coureurs laissaient entrevoir le début des turbulences au FCE avec le scandale du Forum africain, qui s’est accentué avec le changement du statut de l’organisation patronale. Plusieurs membres du FCE se sont retrouvés exclus du droit de vote. Des membres fondateurs ont démissionné. Le basculement du pays dans une crise politique à l’issue incertaine a indubitablement eu un effet direct sur cette association des patrons, dont le rôle dépassait visiblement son cadre initial, durant les présidences antérieures. Après la démission d’Ali Haddad, actuellement en prison, du poste de président du Forum des chefs d’entreprise, le conseil exécutif élit le 7 avril Moncef Othmani, président par intérim du syndicat des patrons, pour une période de trois mois.
Le président par intérim avait pour principale mission de préparer l’organisation de l’assemblée générale ordinaire pour l’élection d’un nouveau président. Le 24 juin, l’Assemblée générale désigne à l’unanimité Sami Agli au poste de président pour un mandat de 4 ans. Sami Agli, membre depuis plusieurs années de l’association, qui a manqué de passer au statut de syndicat, le ministère du Travail ayant rejeté la requête, est aujourd’hui le patron d’un FCE qui semble se chercher. L’ex-délégué de Biskra et membre fondateur de Jil FCE arrive à la tête de l’organisation dans un moment délicat.
Quel avenir pour le patronat ?
A plusieurs reprises, Sami Agli, à la limite de l’agacement, l’a souligné, «l’ADN du FCE est de ne plus faire de la politique, nous l’avons payé cher». Ou encore « plus personne ne fera de la politique au sein de l’organisation, celui qui veut la faire, qu’il la fasse en dehors du FCE, sans utiliser son nom ou ses moyens entre autres». La posture est on ne peut plus claire. Le nouveau FCE ne veut plus visiblement être assimilé à la politique.
Les dégâts semblent énormes et les effets de cette proximité désastreux. Désormais, l’association des patrons n’est plus ce qu’elle était. Durant l’université d’été, d’habitude une véritable kermesse plus politique qu’économique, l’absence des officiels a été particulièrement remarquée. Il est vrai que la conjoncture empreinte d’inconstances explique cette désertion. Des patrons, et pas des moindres, sont actuellement en prison attendant leur jugement dans des affaires diverses, où se mêlent affaires économiques et collusions politiques. D’autres sont dans la nasse du contrôle judiciaire, patientant de passer devant le juge. Cette atmosphère inédite impose un climat lourd que le nouveau patron du FCE a du mal à contenir. Dans un pays, qui passe par une phase délicate de sa vie politique immédiate, l’avenir du FCE reste incertain.
Quel sera le rôle futur de cette organisation, dont le rôle premier est de protéger les intérêts des patrons, alors que l’Algérie de demain est à refonder sur le plan économique ? Une question à laquelle le nouveau FCE aura encore du mal à répondre. Du moins jusqu’à la fin de la crise politique.