Pour sa deuxième journée, le festival culturel national pour musique de jeunes, (FCNMJ) a proposé samedi soir une belle affiche au stade Omnisports d’Oum El Bouaghi.
La tête d’affiche n’est autre que la star oranaise Zahouania qui, il faut le dire, jouit d’une très grande popularité auprès de la jeunesse auressienne. «Même Michael Jackson n’aurait pu attirer sur lui autant d’attention» commente un jeune spectateur.
A vrai dire ici le raï dans ces hautes et austères contrées du pays chaoui est très apprécié, c’est une «denrée» musicale qu’on consomme quotidiennement et sans aucune modération. C’est le groupe Dar el Bahri de Constantine, représentant la communauté gnaouie de la ville des Ponts suspendus qui a ouvert le bal.
Il a été suivi ensuite par Zingdah (Arc-en-ciel en langue tamazight de Ouargla), autre groupe de musique gnaouie qui chante aussi bien en arabe, en berbère qu’en anglais. Créé en 1990, Zingdah se veut être le porte-parole de la « diversité des rythmes, des mélodies et des poésies » qui cohabitent à Ouargla. Cette formation composée de 7 musiciens interprète un corpus local appelé Diwane de Ouargla qui comprend « Lekhwan » et la gamba, chantés en arabe, un genre assimilable au gnaoui.
Sauf que, nous explique Yedder Tahar le leader de cette formation musicale, « le ganoui ouarglien a abandonné le goumbri, nous n’utilisons que le deff et les castagnettes ». Zingdah prépare actuellement une tournée en Algérie et « probablement en Europe » avec Bruno Morana comme directeur artistique, lequel sera assisté par Khaled Louma, chanteur des T 34.
Il compte aussi sortir un album au mois d’octobre prochain. Pour Yedder, l’institution des festivals « a permis aux artistes de concevoir des projets et de se forger une identité. » Dirigé par Med Hadi Hachani, Dar el Bahri qui reprend à son compte le nom de la zaouiya des Gnaouas de Constantine, est un groupe musical qui s’appuie sur le dynamisme d’une association qui entend perpétuer la mémoire des ancêtres.
Le gnaoui constantinois est plus proche de celui des Tunisiens que de celui des Marocains d’après Hachani. La troupe qui accompagne Zahouania est dirigée par Toufik Hedroug, un monsieur qui a fait ses preuves à la radio, dans la régie musique.
Les artistes sont ensemble depuis l’organisation de l’événement « L’Année de l’Algérie en France », depuis ils se sont embarqués dans une aventure tout aussi passionnante qu’exaltante. Le secret de la réussite de cette union réside, selon Hedroug, dans le fait « que nous convenons au style de Zahouania».
Une ambiance de match de football
Le stade Omnisports au trois-quarts rempli semblait être investi par 2 types de public. Alors que la galerie de droite, (qui comportait aussi un carré réservé aux familles) s’est montrée très fébrile, remuante et protestataire, celle qui lui fait face observait un calme olympien des plus étrange, comme si on était dans un match de football. Les agents de la police se sont déployés en grand nombre autour des 2 galeries pour empêcher les spectateurs d’accéder à l’intérieur du stade.
Les jeunes sous haute surveillance policière ont donc dansé et hurlé de toutes leurs voix sur les gradins. Malgré la beauté du spectacle, il y avait de la tension dans l’air. Les gradins ont eu un comportement similaire que celui qu’elles ont l’habitude d’observer face à une partie de foot. Les « Allez les verts fusent » ainsi que les « Ichawiyen !»
« Si on permet aux jeunes de descendre sur le tartan, cela risque de mal finir » tente d’expliquer un membre du comité d’organisation. « L’année passée on avait permis au public de venir sur la pelouse, et de se défouler tout près de la scène mais les choses ont mal tourné, tout le monde voulait serrer la main à Lotfi Double Kanon, la foule excitée s’est ruée sur lui avec une telle énergie qu’il était difficile de la maitriser, un policier s’est interposé pour empêcher quelqu’un de sauter sur le cou du chanteur qui a d’ailleurs échappé au lynchage, je vous jure que ces jeunes-là sont prêts à mourir rien que pour exprimer leur admiration pour leur star ».
C’est, semble-t-il, pour cette raison que les organisateurs ont opté pour ce positionnement de la scène qui ne permet en fait qu’à une seule galerie de voir les artistes de face l’autre ne pouvant les voir que de dos, alors qu’on aurait pu, fait-on observer, installer les planches sur le côté latéral. Yedder Tahar de Zingdah trouve absurde la façon dont on a arrangé la scène.
« Hier (Vendredi, NDLR) j’ai été à Bordj Bou Arréridj pour le festival de la musique actuelle, c’était vraiment différent, ça n’a rien à voir avec ce qui s’est passé ici, les jeunes ont soif de ce genre d’événements, je me demande pourquoi Lotfi Double Kanon se produit ici qu’une seule fois l’an, il ne faut s’attendre à rien de bon en cantonnant le public dans les gradins, là il ne fera que rouspéter » fera-t-il observer.
La soirée qui a débuté à 21 h 30 se termine à minuit 30 sur les rythmes endiablées de Zahouania qui a réussi avec tact et ce, grâce à ses capacités de communication à subjuguer et à amadouer un public très énergique et exigeant.
Par : Larbi Graine