Filière avicole : 70% de l’activité dans l’informel

Filière avicole : 70% de l’activité dans l’informel

Telle qu’elle évolue actuellement, la filière avicole reste loin des normes.

Les spécialistes, autant que les producteurs et les associations de consommateurs ne cessent d’attirer l’attention des pouvoirs publics sur la situation de non-conformité du point de vue sanitaire et sur le caractère informel qui prend de l’ampleur au sein de cette branche d’activité. Ce qui finit par fausser toutes les prévisions, alors que les prix ne dépendent d’aucune logique commerciale.

Ce constat a été réitéré, encore une fois, lors de la 15e édition du Sipsa Agrofood, Salon international dédié à l’élevage, l’agroalimentaire et l’agroéquipement qui s’est déroulé du

14 au 17 mai 2015 à la Safex. Intervenant au cours d’un forum sur l’aviculture, Dr Nacer Idrès, expert en production et santé animales et vice-président de la Fondation Filaha Innove, souligne que 70% des éleveurs ne disposent pas d’agréments sanitaires. Pis encore, 80% des abattoirs n’ont pas d’agrément sanitaire. Ceci engendre de nombreux risques sur le plan sanitaire. Sans compter les éleveurs occasionnels qui profitent de la période du ramadhan pour s’improviser éleveurs, juste pour se sucrer sur le dos du consommateur. Il notera par ailleurs que l’essentiel des intrants de nutrition des poulets est importés. Le fait que ces matières premières sont surutilisées dans la production de poulets fait que le ratio de production est très élevé, aggravant la facture d’importation. En effet, le ratio de production est de 3,5 kg de maïs pour un kilo de poulet, alors que la norme est de 2 kg de maïs pour un kilo. L’expert évoque également la nécessité de spécialiser tous les segments entrant dans la chaîne de la filière avicole.

Le citoyen paie au final trois fois le prix du poulet

Cette spécialisation, selon lui, est d’autant plus exigée pour minimiser les pertes qui ne se limitent pas à l’importation des intrants uniquement, car il y a d’autres pertes supplémentaires relatives à la consommation supérieure à la norme internationale des aliments de volaille. Allant dans le même sens, Lalaa Boukhalfa, expert avicole, explique que la filière vit une crise chronique depuis les années 2000. L’instabilité des prix et le déséquilibre entre l’offre et la demande conduisent à des crises conjoncturelles non maîtrisables. Selon lui, il y a un grand déficit en matière d’abattage. Les abattoirs existants, dont aucun n’est certifié, ne prennent en charge que 20% de la production. Il ajoute que 90% de l’activité est entre les mains du privé alors que 70% de cette dernière se fait dans l’informel. En effet, dans les zones rurales, la réalisation de bâtiments d’élevage avicole est devenue une opération courante et leurs propriétaires ne se voient aucunement dans l’obligation de solliciter une autorisation auprès des services agricoles locaux ou des autorités locales.

Outre les bâtiments d’élevage, certains opérateurs de la filière se lancent de plus en plus dans la réalisation d’abattoirs clandestins utilisant des équipements qui échappent à tout contrôle et aux normes sanitaires et industrielles. La tendance n’est pas sans entraîner des conséquences négatives sur la qualité des viandes proposées à la vente ou sur la santé des consommateurs, notamment durant la saison estivale où les conditions de stockage et de la chaîne de froid sont rarement respectées.

La crise de la filière à l’origine des flambées périodiques des prix du poulet

Tout ceci fait que le citoyen achète, au final, le poulet jusqu’à trois fois son prix. Ce qui n’est pas normal, selon l’expert qui plaide pour l’instauration d’une charte sanitaire, de groupement d’intérêt (spécialisation) et d’un observatoire qui aura à recenser les opérateurs et leurs capacités de production. à écouter ces experts, l’on constate que beaucoup reste à faire et que les différentes mesures prises en faveur de la filière par les pouvoirs publics n’ont pas été efficaces. C’est d’ailleurs l’avis du président du conseil interprofessionnel de la filière avicole, Kali Moumène, qui estime que l’administration n’a pas fait grand-chose pour la filière.