Comme chaque année, l’approche du mois de ramadhan laisse place à la résurgence des comportements spéculatifs, provoquant des pénuries et des flambées des prix des produits enregistrant une hausse conséquente de la demande. Ne dérogeant pas à la règle, les ménages s’apprêtent à subir la même fièvre, cette année également, malgré les appels des pouvoirs publics et autres organisations pour le maintien de l’équilibre du marché des produits agricoles de base.
D’ores et déjà, la fédération nationale de protection du consommateur met en garde contre des signes préliminaires susceptibles de provoquer de fortes fluctuations des prix durant cette période. Pour une meilleure illustration de la problématique, le premier responsable de ladite organisation, Hariz Zaki, se penche sur le cas des viandes rouges mettant en avant les contradictions et les errements des pouvoirs publics quant à la gestion de cette filière. D’un côté, le responsable de la fédération de protection des consommateurs trouve incompréhensible le refus des importations de viandes fraîches auprès des pays où les prix proposés sont extrêmement compétitifs, à l’instar du Soudan ou la Mauritanie, alors que, d’un autre côté, des autorisations sont attribuées pour l’importation de viandes congelées à partir de marchés lointains, en l’occurrence les pays d’Amérique latine.
En conséquence, avec les frais supplémentaires qu’engendre le transport maritime, les viandes congelées arrivent sur le marché national avec un prix de revient qui ne diffère pas significativement de prix des viandes fraîches. Pour lui, l’argument sanitaire invoqué pour le refus des viandes importées de Soudan est intenable.
En revanche, le seul mobile de cette situation pénalisante pour le consommateur, notamment durant le mois de ramadhan, est la puissance des lobbies détenant les commandes du marché de la viande et dont l’unique objectif est le maintien des prix de ce produit à des niveaux élevés. Cependant, les autorités, à leur tête les ministères du Commerce et de l’Agriculture, se contentent, de leur côté, de rassurer les ménages en évoquant l’activation des mécanismes de régulation déjà mis en place, allusion faite au Syrpalac à travers lequel des stocks sont constitués pour être mis sur le marché durant les périodes de forte demande. Pourtant, ce système ne cesse de montrer son inefficacité d’année en année, depuis sa mise en œuvre en 2008.
Au-delà des différentes visions que chaque partie développe pour la lutte contre la spéculation, est-il réellement logique que des produits comme les viandes rouges connaissent une telle flambée dans un pays où le cheptel ovin ne compte pas moins de 25 millions de têtes, soit presque une tête par deux habitants dans l’absolu ? Interrogation que se posent de nombreux spécialistes en la matière mais dont la réponse est difficile à trouver dans un climat marqué par une confusion avérée en termes de statistiques agricoles et au moment où les circuits informels détiennent plus de 50% du marché.
En outre, le déséquilibre du marché des viandes demeure incompréhensible d’autant plus que les responsables du secteur font état de performances remarquables que la filière enregistre ces dernières années. Ainsi, en se référant aux résultats du premier quinquennat de la politique de renouveau agricole, la filière en question a enregistré une croissance moyenne de 12,5% entre 2010 et 2014 et la production de viandes rouges, (ovine, bovine et caprine) atteint les 500 000 tonnes/an. Au volet relatif à la concentration géographique de la production de viandes rouges, trois wilayas des hauts plateaux se distinguent en totalisant 20% du potentiel global. Il s’agit de la wilaya de Djelfa qui produit, à elle seule, 9%, suivie d’El Bayadh et Msila avec un cumul de 11%.
Mourad Allal (L’Eco n°113 / du 1er au 15 juin 2015)