Plus qu’un simple appel, une revendication. Ils sont de plus en plus nombreux les pédagogues, didacticiens et autres spécialistes à réclamer l’instauration, pour certaines spécialités scientifiques et techniques, d’une année préparatoire en langue française. Objectif : mieux préparer l’étudiant et réduire le taux d’échec en première année universitaire.
Si hier on se lamentait sur les élèves qui ânonnent en 6e année, aujourd’hui c’est l’étudiant qui devient l’élément central de la problématique. A ce sujet, Mme Naïma Benammar, enseignante à l’ENS d’Oran, fait un constat pour le moins sévère : « Le français qui est enseigné en Algérie en tant que langue étrangère
(…) ne semble pas avoir pallié le seuil d’exigence. » Explicite, la spécialiste dira que, pour la langue de Molière, l’apprenant fait plus de 1.200 heures dans l’enseignement général.
Arrivé à l’université, « il est incapable de structurer une phrase, faire une analyse, résumer, encore moins synthétiser un document ». Où est la faille ? La question est de savoir quelle compétence enseigner : linguistique ou communicative? « Il s’agit de s’interroger sur les procédures d’accès pour l’apprenant au sens étranger, que ce soit au niveau de la perception ou de la compréhension de l’oral et de l’écrit. Plus on apprend, plus on devient performant, plus on exige de l’apprenant de démontrer ses compétences. Malheureusement, souvent l’apprenant, avec le volume horaire imparti à la discipline, avec les contenus consistants des programmes, n’arrive même pas au niveau seuil qu’est la moyenne », déplore Mme Benammar. L’universitaire ajoute que « pour déterminer le degré d’atteinte des objectifs pédagogiques, on élabore des échelles d’évaluation visant à évaluer les composantes linguistique, discursive, sociolinguistique, pragmatique et interculturelle, telles que définies dans les modèles de la compétence de communication ; en fait il s’agit de définir le niveau de qualité à partir duquel on considère une performance langagière comme réussie ».
S’ajoutent les changements de statut de langues. En effet, le français passe du statut d’une langue étrangère enseignée à celui de langue d’enseignement de disciplines ou implicitement langue véhiculaire du savoir universitaire. Dans cette perspective, des études ont montré que les difficultés que rencontrent les étudiants et qui sont à l’origine de leur échec et/ou abandon des études sont liées en grande partie à la non-maîtrise de cette langue étrangère. Si aujourd’hui un dispositif existe avec l’avènement du LMD, à savoir la programmation de la langue française dans toutes les filières scientifiques, techniques, il s’avère, en revanche, que dans la pratique, l’enseignement dispensé, dans la majorité des cas, par des enseignants vacataires, donc non spécialistes, se limite à un cours de FLE (français général) ou de terminologie issue d’une approche lexicale mettant en relation la langue et la discipline. Ne répondant guère aux besoins réels des étudiants, cet enseignement demeure subsidiaire et très peu efficace.
De son côté, Ouardia Aci, chercheur spécialiste en socio-didactique et ex-chef du département de français à l’Université de Blida, avait déclaré que des moyens existent pour remédier à cette situation. Elle soulignait que « les universités disposent de centres d’enseignement intensif de langues. Cela permet aux élèves de suivre des formations intensives pour se remettre à niveau. Mais dans de nombreux cas, ce n’est pas suffisant ».