Fin du Festival international de théâtre de Béjaïa : Un art qui se cherche et un festival bientôt en voyage

Fin du Festival international de théâtre de Béjaïa : Un art qui se cherche et un festival bientôt en voyage

Baisser de rideau sur le Festival international de théâtre de Béjaïa ! L’édition 2016 du FITB n’est plus qu’un souvenir et l’on pense déjà à celle de 2017 qui, selon une bonne source, devrait «voyager» vers d’autres régions du pays. Le FITB connaîtra de grands changements durant les prochaines années.

«Entre deux éditions, il fera escale dans une autre ville d’Algérie», indique notre source. «L’année prochaine, ce sera Timimoun qui accueillera le festival», précise-t-elle en expliquant que c’est conforme à l’esprit du Festival dont la vocation, outre le théâtre, est d’aller débusquer la richesse du patrimoine populaire algérien. «Faire voyager le festival, c’est important pour atteindre ce but», poursuivra notre source.

Non sans s’inquiéter des retombées négatives de la crise sur son avenir.

Cette année, rappelle-t-on, le budget du FITB a été raboté de 50%. «On ne sait pas encore si on peut stabiliser le budget au niveau qui a été alloué pour l’édition de cette année ou s’il y aura encore une nouvelle baisse», nous-a-t-on expliqué par ailleurs, alors que le commissaire du festival, Omar Fetmouche, a fait savoir que l’une des options pour «se soulager de la crise», c’est «de penser dès maintenant aux moyens de solliciter des sponsors» et d’éventuels mécènes amoureux du 4e art et de la culture d’une manière générale.

Pour Omar Fetmouche, l’enjeu est de garder à flot un festival qui a montré tout son intérêt pour la formation des jeunes artistes et toute son importance pour le rayonnement du théâtre en tant qu’expression artistique majeure dans notre pays. Sans compter l’aspect extraordinairement festif et convivial qu’il apporte à Béjaïa et aux autres prochaines villes d’accueil. Sans compter aussi les lieux de discussion et de réflexion qu’il ouvre aux festivaliers ainsi qu’au public sur des thèmes comme celui choisi cette année : «Le théâtre et le mythe méditerranéen» comme «jalon de notre intérêt à notre patrimoine et aux sources profondes de l’identité théâtrale algérienne», ajoutera le commissaire.

A propos d’avenir, ce n’est pas seulement du festival dont il s’agit, mais de toute la production théâtrale algérienne : un sujet largement débattu en marge des spectacles de scène auxquels le public bougiote a été convié. Pour Azezni Ahcen, metteur en scène de «Bouziane Lefhel», un des handicaps du théâtre dans notre pays aujourd’hui «n’est pas dans la crise de création et de production de pièces de qualité, il est avant tout dans la condition des gens du théâtre». «Il est dans la précarité des comédiens et des professionnelles du théâtre», qui se battent pour survivre et continuer dans leur art. «Ce qui est devenu quasi impossible», a renchéri le dramaturge en affirmant que le théâtre est devenu le parent pauvre de la culture en Algérie.

Lamento, mais note d’espoir et de résistance

«Pour les plus chanceux des professionnels et des comédiens notamment, les sitcom ou les feuilletons leur offrent une voie et tremplin intéressants, mais pour le reste ils n’ont pas d’autre choix que de travailler dans des administrations ou dans des activités à mille lieues de la culture et des espaces où des comédiens et d’autres peuvent s’épanouir et se construire dans la durée», témoignera Azezni Ahcen, dont l’avis est «largement partagé» par Lilia, une jeune comédienne de 17 ans, qui a vécu sa première expérience sur les planches, sous la direction du dramaturge chilien Mauricio Celedon, qui a assuré comme on l’a mentionné dans ces colonnes une formation de plusieurs jours, du 22 au 31 octobre dernier, destinée entre autres à la mise en valeur du théâtre de rue.

Sonia, jeune comédienne qui passe son baccalauréat l’année prochaine, affirme que «bien que son désir est de faire de la scène sa vie et son métier», elle hésite «à cause des conditions des comédiens de théâtre». «Leur vie, je le vois tous les jours, est synonyme de précarité, de plus le théâtre est devenu tellement codifié chez nous qu’il ne laisse presque pas de liberté aux comédiens, toujours les mêmes sujets, des metteurs en scène qui commencent à faire jouer leurs comédien en arabe classique. J’estime qu’avant de chercher l’identité du théâtre, il faut déjà laisser jouer le comédien dans sa langue maternelle», tonne-t-elle. Et d’ajouter avec ferveur : «La seule forme de théâtre qui offre cette liberté, dans le jeu, la langue, le sujet c’est le théâtre de rue !» «Mais cette forme, nuance-t-elle, ne peut pas faire vivre décemment et artistiquement un artiste, du moins pour le moment dans notre pays».

Mohamed, membre de la coopérative de Sindjab de Bordj Menaiel, a un regard moins noir. Il affirme que «l’heure n’est pas au pessimisme». «Le théâtre en Algérie renaît de ses cendres», affirme-t-il. Pour ce jeune comédien, «on est en train de reconstruire notre théâtre, détruit par l’assassinat réel ou symbolique des gens qui lui ont permis d’exister et de s’épanouir. Le théâtre renoue avec le public qui retrouve plaisir à se diriger vers une salle pour regarder une pièce. On doit rester sur ce constat et aller de l’avant même si les conditions de vie sont exécrables, je pense que cela va permettre à nous, comédiens, de nous battre sur deux fronts : pour notre art et pour notre dignité d’artiste».

Un discours magnifique et bien pesé. Et qui donne certainement raison au constat du commissaire du FTIB qui a déclaré que «le festival a été un succès !». C’était peu après la soirée de clôture, vendredi dernier, à la Maison de la culture Taous Amrouche. Dernière pièce à être jouée à ce moment-là, Barbaros, une création turque dans laquelle ont évolué 31 comédiens pour retracer l’épopée des frères Barberousse. Tout un symbole.