Nerf de la guerre en ces temps de période électorale, l’argent reste un des plus grands tabous, difficile à briser. Soumis à des règles clairement définies en matière de financement de leur campagne, les candidats préfèrent néanmoins savamment éviter le sujet.
Au troisième jour de la campagne électorale, les cinq candidats en lice pour la présidentielle continuaient leurs périples. Des déplacements nécessitant une logistique et donc un budget. Conséquent ou pas, il reste l’un des secrets les mieux gardés.
Les candidats et leurs entourages préfèrent esquiver les questions ou, tout au mieux, donner des réponses évasives. Et pourtant, l’argent, il doit en être beaucoup question avant et pendant le lancement d’une campagne électorale. Les déplacements, les frais de transport, de location de quartiers généraux, de permanences dans les wilayas, les billets d’avion et les affiches nécessitent la mobilisation de fonds importants.
Comment s’y prennent les candidats ? D’où provient leur financement ? L’omerta est totale. Même interrogés, les candidats esquivent les questions, préférant rester dans les généralités ou rappeler les dispositions de la loi organique portant régime électoral. Aucun d’entre eux, ni de leur entourage immédiat n’a souhaité répondre clairement à la question. Elle est visiblement gênante.
Sur les cinq postulants, quatre sont adossés à un parti politique tandis que Tebboune fait l’exception en se présentant en candidat « libre ». Qu’ils soient organiquement liés à une formation politique ou pas, d’où sortir les ressources pour financer une campagne électorale ? La question fait l’objet de tout un chapitre dans la loi organique portant régime électoral. Il y est spécifié clairement le plafond à ne pas dépasser, les sources des revenus mais également la traçabilité.
C’est ainsi que l’article 190 stipule que les campagnes électorales sont financées au moyen de ressources provenant de la contribution des partis politiques, de l’aide éventuelle de l’Etat, accordée équitablement, et des revenus des candidats. Par revenus du candidat, le texte en question fait référence aux « fonds en espèces, ainsi que ceux provenant de ses biens immobiliers et mobiliers ».
Quelles que soient les capacités du candidat ou de ses bailleurs de fonds , la loi plafonne les dépenses puisque, selon l’article 19, « les dépenses de campagne d’un candidat à l’élection du président de la République ne peuvent excéder un plafond de cent millions de dinars pour le premier tour. Ce montant est porté à cent vingt millions de dinars en cas de deuxième tour ». Pour éviter toute circulation de grosses sommes en liquide, un compte de campagne doit être ouvert au nom du candidat conformément aux dispositions de l’article 196 qui précise que « le candidat à l’élection du président de la République ou à la liste de candidats aux élections législatives est tenu d’établir un compte de campagne retraçant, selon leur origine et selon leur nature, l’ensemble des recettes perçues et des dépenses effectuées. Ce compte, présenté par un expert comptable ou un commissaire aux comptes, est adressé au Conseil constitutionnel et à l’Autorité nationale indépendante des élections ».
Aucune contribution émanant de l’étranger, de quelque nature qu’elle soit, n’est tolérée. Si le Conseil constitutionnel ne valide pas les comptes de campagne, il ne peut être procédé aux remboursements prévus aux articles 193 et 195 de la présente loi organique qui précisent que « tous les candidats à l’élection présidentielle ont droit, dans la limite des frais réellement engagés, à un remboursement forfaitaire de l’ordre de dix pour cent ». Ceci pour la théorie. En pratique, très peu d’informations sur la manière dont les candidats reçoivent des soutiens en monnaie trébuchante ne filtrent. Pourtant, ils sont nombreux les hommes d’affaires qui courtisent les candidats dans l’espoir d’un retour d’ascenseur.
Les revenus d’un parti politique seuls ne peuvent assurément pas garantir à un candidat de mener campagne convenablement. D’ailleurs, des disparités existent entre candidats. Si certains ont pu se permettre le luxe d’être présents dans beaucoup de wilayas pour des meetings, le programme de leurs concurrents comporte clairement moins de points de chute. Idem pour les permanences au niveau local.
Pour cette élection, les candidats issus des partis politiques ont choisi leurs sièges comme quartier général à l’exception de Bengrina. Toutes ces dépenses seront théoriquement passées au peigne fin par des commissaires aux comptes mandatés par l’Anie. Cette dernière promettait de vérifier les sources de financement en s’engageant à demander aux candidats de les révéler. Une tâche qui nécessitera la levée de la grande opacité qui entoure le financement de la campagne électorale.
Nawal Imès