Peut-on encore espérer récupérer les sommes faramineuses détournées au cours des dernières années par ceux que la rue a nommé «El Issaba» ou la bande ? Si les 5 candidats à la magistrature suprême ont été unanimes à faire de cette exigence populaire un de leurs engagements de campagne pour des raisons électoralistes évidentes, pour l’expert en économie Abdelhak Lamiri, en revanche, cette tâche est loin d’être facile vu le grand retard déjà accusé par les autorités pour agir.
Evalués globalement à quelque 500 milliards de dollars, les fonds détournés au cours des dix dernières années pourraient être en effet perdus à jamais et il ne pourra être possible d’en récupérer qu’une infime partie, en raison des grands retards déjà accusés pour agir, affirme Abdelhak Lamiri sur les ondes de la Radio algérienne dont il était, hier, l’invité de la rédaction de la chaîne 3. Pour étayer son propos préconisant d’agir très vite dans de tels cas, le docteur en économie cite deux exemples récents d’Etats ayant été confrontés à des situations similaires, à savoir l’Egypte et la Tunisie, et qui ont tous les deux réussi leur pari grâce à la réactivité de leurs autorités. En Egypte, a-t-il affirmé, des notes ont été adressées aux banques étrangères immédiatement après la chute du président Moubarak, pour procéder au blocage des comptes du président déchu et ceux de son entourage politique et familial, permettant ainsi de récupérer «plus de 90% des ressources détournées». Idem pour la Tunisie, a-t-il ajouté, où les autorités ont réagi très rapidement et ont ainsi réussi à mettre la main sur «l’argent de la corruption» déposé à l’étranger. Contrairement à ces deux pays, en Algérie, «il n’y a pas eu d’actions dans cette direction», a-t-il regretté avant de prévenir : «Plus on attend, plus les sommes détournées vont être dirigées vers des paradis fiscaux, d’où il sera extrêmement difficile de les récupérer (…)».
Nous avons, constate-t-il, «perdu beaucoup de temps que nous risquons de payer cher». Le Dr Abdelhak Lamiri préconise cependant de solliciter la coopération de l’organisme multi-gouvernemental dédié à ce type de situation au sein de l’ONU, qui aide les pays confrontés aux mêmes abus de récupérer leurs dûs, d’une part, et les canaux diplomatiques au niveau bilatéral, d’autre part. M. Abdelhak Lamiri ne peut enfin s’empêcher de s’interroger sur la pertinence d’une telle entreprise visant à recouvrer ces ressources financières, «si l’on continue d’avoir à faire au même système économique». Pour lui, «les ressources risqueraient alors d’être de nouveau dilapidées faute, relève-t-il, d’avoir des institutions capables de créer de la richesse», à la place des appareils administratif et économique actuels, «qui détruisent la richesse».
Houari Barti