Football – Ligue 1: Des anomalies à profusion

Football – Ligue 1: Des anomalies à profusion

Adjal Lahouari

  La saison 2018-2019 vient de prendre fin, au grand soulagement des vrais sportifs. Pourquoi ? Les réponses abondent. On commencera par le fléau numéro 1, la violence dans les stades, malgré les multiples campagnes et les initiatives visant à éradiquer ce phénomène, du moins le réduire à une proportion acceptable. De nos jours, un citoyen réfléchira avant d’aller dans un stade envahi dans sa quasi totalité par des jeunes vouant une passion sans bornes pour leurs clubs fétiches. Ensuite, et c’est très important, le niveau de jeu est souvent médiocre et rarement satisfaisant. Les raisons de ce nivellement par le bas sont nombreuses. A commencer par l’absence totale de stabilité des effectifs qui changent dans une très large proportion d’une saison à une autre, au gré des humeurs et des décisions des dirigeants, acculés par les supporters. Les longues carrières effectuées par les joueurs des décennies écoulées font partie d’un passé à jamais révolu. Le «nomadisme» est devenu le crédo des joueurs du temps présent, fortement attirés par les retombées financières peu en rapport avec leur rendement. Après tout, ils auraient tort de ne pas tirer profit de la surenchère créée, entretenue et encouragée par toutes les parties. De sorte que la majorité des joueurs de niveau moyen sont considérés et traités comme des cracks, avec le précieux concours des médias spécialisés dont, il faut le dire, c’est le «pain» quotidien. 

Argent et joueurs surestimés 

Dans le football algérien, l’argent coule à flots dans tous les sens. Les dirigeants, désireux d’engager les présumés meilleurs acteurs, se livrent à une furieuse surenchère qui plombe les caisses des clubs, vivant très au-dessus de leurs moyens, et ce malgré les mannes financières étatiques versées à cadences régulières. 

Très souvent, il s’agit de formations hétéroclites sans projet sportif ni philosophie de jeu, car les joueurs pensent d’abord aux salaires et primes, ne se souciant jamais du «spectacle» servi à ceux qui font la queue aux guichets. Entre les acteurs et les dirigeants, on retrouve les entraîneurs à qui sont assignés des objectifs le plus souvent démesurés par rapport aux potentialités des effectifs. Aussi, constamment sur un siège éjectable, les staffs n’ont d’autre choix que d’assurer, par tous les moyens, les meilleurs résultats possibles pour satisfaire leurs employeurs. C’est très rarement le cas compte tenu de la valse où ils ont le mauvais rôle. Car, la «championnite» demeure l’exercice préféré des dirigeants, très attirés par les résultats immédiats afin de «justifier» leurs fonctions. 

Dopage et paradoxes 

Assurément, l’édition 2018-2019 restera dans les annales par des événements consternants comme le dopage, à tel point que le docteur Djamel Eddine Damaradji, chargé de ce volet épineux au niveau de la FAF, a tiré la sonnette d’alarme, en précisant que «les cas de dopage ont dépassé les normes internationales !» Autre paradoxe absolument insolite. Le CRB, relégable au cours de la phase aller, a été considéré, en raison de ses bons résultats lors du cycle retour, comme le «champion virtuel» de la seconde phase, ce qui n’a pas empêché les Belouizdadis de batailler jusqu’à l’ultime journée pour assurer leur maintien. On précisera aussi, qu’à trois journées du clap de fin, neuf clubs étaient de potentiels relégables, une grave anomalie pour une compétition professionnelle et indique, plus que jamais, le nivellement par le bas. Par ailleurs, il ne faudrait pas oublier les intimidations et les agressions dont ont été victimes plusieurs clubs visiteurs, ce qui a certainement faussé des résultats. Les satisfactions, on les retrouve du côté de la JSK et du PAC, des équipes que personne n’attendait au coup d’envoi du championnat. Et ce n’est que justice si elles figurent sur le podium. Quant à l’USMA, elle fait tout de même preuve de régularité, s’installant en tête dès la deuxième journée. Cependant, pour accrocher leur huitième titre, les gars de Soustara ont beaucoup souffert. 

Le Paradou un modèle à suivre 

Sur le plan du jeu, nous sommes d’accord avec le sélectionneur national Djamel Belmadi qui a déclaré «que le Paradou a produit le football le plus attrayant.» On peut imaginer que si le PAC aurait bénéficié des ses joueurs transférés à l’étranger, il aurait fini très largement en tête sans aucun doute. Même les clubs à la moyenne d’âge basse ne sont pas assurés de poursuivre sur leur lancée dans la mesure où, encore une fois, les effectifs sont appelés à être changés cet été avec la forte tentation du recrutement. Enfin, force est de déplorer que certains arbitres n’ont pas été à la hauteur, même si tout un chacun reconnait la difficulté de leur tâche. Dans de telles conditions, il est illusoire de s’attendre à voir un championnat de bon niveau. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Le champion est censé être supérieur à ses rivaux. Or, l’USMA a dû attendre la dernière journée pour s’approprier le titre, avec un bilan significatif -à savoir sept défaites- qui l’installe dans le lot des champions de niveau moyen. Si son attaque a carburé, sa défense n’a pas fait preuve de solidité, avec 29 buts encaissés, ce qui explique sa précoce élimination de la Ligue des champions d’Afrique, à l’inverse des clubs tunisiens et marocains qui se distinguent actuellement sur la scène continentale. 

Un symposium, pour quoi faire? 

Au mois de décembre 2017, s’est tenu, avec force publicité, un symposium destiné «à la refonte du football algérien». Des résolutions ont été prises et des recommandations faites. Pour quels résultats sur le terrain ? Alors, où sont les solutions pour sortir cette discipline de la crise ? Il faudrait sans doute une vraie et profonde réforme, à l’instar de celle de 1977 qui a donné ses fruits les années suivantes. On nous rétorquera sans doute que les temps et la société ont changé, les données n’étant plus les mêmes, statut professionnel oblige, conformément aux prescriptions édictées par la FIFA, instaurant des droits et des devoirs. Certes, le problème est complexe, mais, répétons-le encore une fois, le remède existe et a pour non la formation continue par la création d’académies et de centres qui vont surgir dans le pays si l’on prend en compte les dernières décisions prises par le MJS, obligeant les clubs nantis et à forte assise populaire à ouvrir leurs centres. Après tout, comme l’a souligné Djamel Belmadi, «pourquoi un club sans stade, sans histoire et sans public, a réussi la gageure de mettre sur pied un club viable et performant grâce à son Académie et à son organisation. Alors, imaginez ce qui pourrait se réaliser ailleurs». Mais cela suppose du travail, de la passion et de la patience, des vertus, hélas, très rares actuellement où la politique du résultat immédiat reste le souci majeur des acteurs du football algérien.