Par Wafia Sifouane et Aghilas Sadi
A peine le nouveau gouvernement de Noureddine Bedoui annoncé que les réactions se sont enchaînées à grande vitesse.
Guettant la moindre information et rebondissement dans la situation politique, les citoyens ont été les premiers à réagir à cette annonce, qui intervient au lendemain de l’appel du chef d’état-major Ahmed Gaïd Salah, à l’application des articles 102, 7 et 8 de la Constitution. Des manifestations nocturnes ont eu lieu à Alger et dans de nombreuses wilayas pour dire «non» au nouveau gouvernement mis en place pour gérer les affaires courantes. Sur les réseaux sociaux, les appels à sortir manifester vendredi se sont multipliés.
Les partis politiques, de leur côté, n’ont pas tardé à s’exprimer, qualifiant la désignation de ce nouveau gouvernement d’énième «provocation» ou encore de «nouvelle tentative de sauvetage du système». C’est le cas du parti Talaïe el Hourriyet, dont le président Ali Benflis a qualifié la formation de ce nouveau gouvernement de «coup d’épée dans l’eau». Tout en regrettant l’implication de «forces extra constitutionnelles», Benflis estime que «la formation du nouveau gouvernement relève plus de l’acte provocateur qui attise la colère légitime, que d’une volonté d’apaisement que les circonstances exigent. Le régime et ses alliés auront ainsi joué la carte du pourrissement jusqu’au bout dans une ultime gesticulation pathétique et dérisoire». «Le peuple veut un changement de régime, il lui est proposé un faux changement de Gouvernement. C’est tout un système politique que le peuple pousse vers la sortie et c’est un jeu pathétique de chaises musicales qu’on lui offre, en cultivant l’illusion qu’il suffira à briser son élan et à taire sa colère», ajoute-t-il.
Un avis partagé par le Parti des travailleurs, qui qualifie cette action de «nouvelle tentative de sauvetage du système, matérialisée dans un pseudo-changement dans le gouvernement», dans son communiqué, qui accuse le gouvernement d’être dans le «déni», car, «par-delà les personnes qui ont intégré le gouvernement, sélectionnées sur la base de critères obscurs et qui, pour certaines, relèvent de l’ubuesque, cette vaine opération de replâtrage, attribuée au président de la République est un contournement de la volonté de l’écrasante majorité de chasser un système obsolète et périmé… C’est un déni clair des aspirations de la majorité du peuple d’exercer sa pleine souveraineté».
Le Front des forces socialistes n’a pas tardé à réagir, également, en accusant le gouvernement de vouloir gagner du temps. «Le régime cherche à gagner plus de temps pour réorganiser ses rangs et préparer ses prochains coups politiques», a-t-il indiqué dans son communiqué. Il a souligné que «le maintien du général de corps d’armée Gaïd Salah dans son poste au gouvernement résonne, à lui seul, comme une cinglante réponse à ceux qui croyaient au miracle au sein du sérail». Dans ce sillage, le FFS a dénoncé la «propagande médiatique qui vise à créer l’incompréhension et la confusion» chez les Algériens et dans l’opinion publique, accusant, ainsi, le système de vouloir affaiblir le mouvement populaire. Le Parti a conclu son communiqué en revenant sur sa proposition de sortie de crise pour l’avènement d’une 2e République et en appelant les citoyens à maintenir la pression.
Pour le Mouvement de la société pour la paix (MSP), la nomination d’un nouveau gouvernement relève «du mépris et du manque de considération» à l’encontre du peuple. Il a indiqué que la démission du Président et la vacance du poste sans avoir engagé des réformes sont «un complot contre le mouvement populaire». De son côté, le Rassemblement actions jeunesse (RAJ) a qualifié la formation du nouveau gouvernement de «véritable insulte à l’intelligence des citoyens» et «d’énième manœuvre pour préserver les intérêts du système».
Pour Abdelouahab Fersaoui, du RAJ, il s’agit d’une tentative d’«étouffer le mouvement populaire… Le système n’a pas la volonté politique d’amorcer un processus de changement pour répondre aux exigences de la rue. Ce sont des gens qui ne cherchent que leur maintien à la tête du pouvoir». «La solution à la crise ne peut être en aucun cas constitutionnelle, car la Constitution s‘est vidée de son sens, la solution doit être politique», a-t-il affirmé. Le président de RAJ a indiqué que la crise ne peut être solutionnée sans la démission du Président et la mise en place d’une période de transition avec de nouvelles personnalités.
Pour sa part, la Confédération des syndicats algériens (CSA) rejette également le gouvernement de Nourredine Bedoui. Réunis hier à Alger, les organisations syndicales, membres de la CSA, ont exprimé leur opposition au nouveau gouvernement et leur décision de ne pas travailler avec eux. « Nous rejetons la composante du gouvernement de Bédoui que nous boycottons», lit-on dans le communiqué du CSA. En outre, le CSA réitère son opposition au contenu de la lettre envoyée au peuple algérien par le président de la République, le 14 mars dernier, dans laquelle il propose une feuille de route de sortie de crise. Durant la même réunion, le CSA a décidé de mener deux actions de protestation, le 10 avril prochain, pour marquer son soutien au mouvement populaire et son adhésion aux revendications exprimées par ce dernier. Il s’agit d’une grève générale dans tous les secteurs d’activité suivie par une marche nationale des travailleurs qui démarrera de la place du 1er-Mai à Alger.
En plus du rejet du gouvernement de Nourredine Bedoui et du soutien aux revendications du peuple, les syndicats membres de la CSA veulent, à travers leurs deux actions, dénoncer l’ingérence étrangère et appeler le peuple algérien à poursuivre sa lutte pour la satisfaction de ses revendications relatives au départ du système.
Dans son document, le CSA appelle tous les travailleurs algériens quel que soit leur secteur d’activité à participer en force aux marches populaires de vendredi. C’est la première réaction de la Confédération des syndicats autonomes depuis le début du mouvement le 22 février dernier. Il y a lieu de rappeler que le CSA milite toujours pour arracher son agrément. Sa première tentative de se faire enregistrer auprès du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale, datant du 30 décembre, s’est heurtée au refus de ce dernier de lui délivrer le récépissé de dépôt. <