Il y a 60 ans, le 16 décembre 1956, naissait la Radio secrète «Sawt El-Djazaïr el-horra el-moukafiha» (la Voix de l’Algérie libre et combattante), puis la Radio de la Révolution qui fera éclore un réseau de 15 radios à travers le monde arabe, de Tunis en passant par Benghazi, Damas, Le Caire, Baghdad, Koweit City et Rabat. Le Forum de la mémoire d’El Moudjahid, initié en coordination avec l’association Machaâl Echahid, est revenu, hier, sur le rôle considérable de cette Radio secrète dans le succès de la glorieuse Révolution de Novembre. Ce qui fera dire à Frantz Fanon que cette façon de procéder, faite de mots, de propos rapportés avec sincérité, constituait une arme plus forte que l’arsenal militaire mis en branle par la caste coloniale.
«Ici la Radio de l’Algérie combattante» ou encore «la voix du Front de libération s’adresse à vous, du cœur de l’Algérie».
Ces phrases retentissent encore dans la tête de nos parents. Ils vous diront tout le poids de ces mots et le confort moral qu’apportait la voix d’Aïssa Messaoudi.
Une voix qui a fait dire au défunt Houari Boumediène : «La voix d’Aïssa Messaoudi représente la moitié de la Révolution algérienne.»
C’est tout dire. Le Forum de la mémoire d’El Moudjahid, habitué à rembobiner le fil de l’histoire, est revenu, hier, sur cette épopée, avec les conférenciers Abdelkader Nour, qui a fait partie de cette jeune équipe qui avait choisi de combattre l’ennemi via les ondes, premier directeur de la Radio nationale, et Mohamed Zebda, le directeur actuel de la Chaîne I, digne héritière de la Radio de l’Algérie combattante.
Ainsi, on apprendra que ce sont 32 jeunes qui ont relevé le défi. Le défi de lancer la première radio algérienne dans le feu du combat.
C’était un certain 16 décembre 1956 sur les frontières ouest de l’Algérie. Une radio locale mobile, transportée par un camion GMC, a été créée aux frontières Ouest, avec un slogan : «Ici la Radio de l’Algérie libre et combattante, la voix du Front de libération s’adresse à vous, du cœur de l’Algérie.»
Les programmes de cette radio comportaient des informations sur les combats menés par les moudjahidine, mais également des commentaires politiques et militaires destinés au peuple. Le lancement s’est fait en présence d’Abdelhafid Boussouf, Houari Boumediène et Amar Tlidji. La durée des transmissions se limitait à 6 heures.
La radio clandestine n’aura duré que 9 mois. Et en cette courte période, elle a apporté un grand soutien à la lutte armée à travers son rôle mobilisateur, en dépit des moyens techniques limités dont elle disposait. Les présentateurs chargés de lire des éditoriaux politiques s’exprimaient en arabe, en kabyle et en français.
Cette radio a fini par connaître une phase de stabilité à partir du mois de juillet 1959. Les moyens de cette radio mobile étant très réduits, la Révolution algérienne s’était tournée vers le monde arabe pour défendre sa cause. C’est à travers les radios tunisienne, libyenne et égyptienne, notamment, que la radio clandestine faisait parvenir, durant les premières années de son existence, ses messages au peuple algérien et au monde.
Les programmes comportaient des communiqués militaires, des commentaires politiques, ainsi que des démentis à la propagande coloniale et d’autres programmes à caractère propagandiste et mobilisateur. Abdelkader Nour est également revenu sur cette nuit du 28 octobre 1962, date qui marque la nationalisation de la radio, de la télévision et du cinéma algériens.
Le premier directeur de la Radio nationale a souligné qu’un groupe composé de 34 techniciens, répartis astucieusement à travers 6 centres (Oran, Constantine, Ouled Fayet, Bordj El-Bahri, ainsi que les studios de la radio et de la télévision), ont pris le contrôle des équipements de transmission. Les jeunes qui avaient été affectés dans cette institution trouvaient scandaleux de travailler dans une entreprise où le drapeau français continuait de flotter.
Ils avaient alors décidé de reprendre les lieux et de relever un autre défi. Avec pour objectif la protection de l’identité nationale, surtout que l’on se préparait à célébrer le premier anniversaire du déclenchement de la Révolution de Novembre. Pour lui, l’équipe qui avait mené les négociations d’Évian ignorait que l’Algérie possédait des jeunes techniciens capables de faire tourner les machines de la radio.
Ce qui explique la clause 112 des Accords d’Évian, stipulant que la radio, la télévision et le cinéma devaient faire l’objet d’un accord ultérieur. Une foi les préparatifs terminés, Boumediène a été informé des intentions du groupe de journalistes et techniciens algériens qui s’apprêtaient à prendre d’assaut les centres de production et de transmission.
Aussitôt, une unité de l’armée a été dépêchée pour couvrir l’opération. «À 22h, Ben Bella a fait son apparition. Après avoir été informé de la situation, il donna son feu vert. C’est ainsi que la Radio est devenue algérienne. Depuis, elle a franchi de grandes étapes, et comme l’a si bien souligné Mohamed Zebda, aujourd’hui, cette institution présente dans tout le territoire compte 55 radios (entre locales, thématiques et radio internationale) et 3.700 travailleurs.