Ce mardi soir, France 2 a diffusé un documentaire percutant intitulé « Soumission chimique : pour que la honte change de camp », co-réalisé par Linda Bendali, une journaliste indépendante d’origine algérienne.
Le film met en lumière un phénomène trop souvent ignoré : le viol sous soumission chimique.
Ce mode opératoire de plus en plus répandu et pourtant peu documenté consiste à droguer les victimes avant l’agression, rendant le viol presque « invisible » et sans traces.
Linda Bendali, collaboratrice régulière de médias tels que Charlie Hebdo, Sciences et Avenir, et Le Nouvel Observateur, a voulu, à travers ce documentaire, briser le silence autour de cette forme de criminalité systémique.
« Je parle de phénomène systémique, car en faisant mes recherches, je me suis rendue compte que dans de nombreux cas, c’était un mode opératoire banalisé », explique la co-réalisatrice.
Elle souligne qu’en raison de l’utilisation de substances comme le GHB, la drogue dite du violeur, les victimes se retrouvent souvent sans souvenirs de ce qui leur est arrivé.
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Mais paradoxalement, ces cas ne sont presque jamais identifiés sous le terme de « soumission chimique ».
L’élément déclencheur du projet fut le témoignage de Caroline Darian, fille de Gisèle Pélicot, qui a alerté sur la dangerosité de cette pratique.
Le documentaire montre que, bien que l’on associe souvent le phénomène aux boîtes de nuit ou aux rencontres avec des inconnus, la soumission chimique se manifeste tout autant dans la sphère privée, que ce soit au sein des foyers, entre amis ou sur le lieu de travail.
« C’est toujours le même mode opératoire : établir la confiance, préparer la dose, et l’agresseur sait exactement comment l’effet va se manifester. La victime, elle, n’a aucune chance de s’en sortir », confie Linda Bendali.
Un témoignage sur la banalisation du viol
Les femmes qui témoignent dans le documentaire ont enregistré leurs récits bien avant que le procès de Dominique Pelicot ne fasse la une.
Toutefois, la médiatisation de l’affaire a renforcé leur courage à parler. Ces femmes racontent des expériences terrifiantes, où des agresseurs les manipulent « comme un morceau de viande » ou orchestrent un « viol parfait, qui ne laisse pas de traces », les piégeant sans leur laisser la moindre chance de réagir.
L’une des grandes préoccupations soulevées dans le film est la culpabilité injustement portée sur les victimes, une honte renforcée par la société, qui souvent préfère se détourner du phénomène.
« Le viol sous soumission chimique reste mal compris, poussant de nombreuses victimes à se sentir responsables de ce qui leur est arrivé », explique Bendali.
Un appel à l’action : former les forces de l’ordre et sensibiliser
Si le GHB est souvent cité dans les médias comme étant la « drogue du violeur », Linda Bendali précise que ce n’est en réalité qu’une petite partie du problème.
Elle affirme que dans près de 70 % des cas, les agresseurs utilisent des médicaments prescrits en pharmacie, comme des anxiolytiques, des somnifères ou des analgésiques, pour rendre leurs victimes inconscientes.
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Et ce fléau reste largement sous-évalué. « Le véritable défi est de pouvoir prouver la soumission chimique. Le prélèvement capillaire dans les trois jours reste la méthode la plus fiable », indique-t-elle.
Pour la journaliste, la priorité ne réside pas dans l’ajout du consentement au code pénal, mais dans la formation des policiers et gendarmes pour qu’ils puissent mieux traiter les plaintes liées à ce type de violences.
« Il est crucial de sensibiliser les forces de l’ordre afin qu’elles puissent mieux comprendre et soutenir les victimes de soumission chimique », conclut Linda Bendali.
Le documentaire diffusé ce mardi soir sur France 2 a réussi à exposer au grand jour ce fléau invisible, mettant en lumière la réalité crue des violences sexuelles chimiques.
À travers ce travail courageux, Linda Bendali nous pousse à reconsidérer ce que l’on sait sur le viol et à changer de perspective sur la manière dont la société et les autorités le traitent.