Pour la photo et en direction des peuples africains qui n’ont pas arrêté de fustiger la Françafrique, notamment les francophones des ex-colonies de la France, le président français a préféré s’afficher avec son homologue sud-africain, anglophone et hôte de la Coupe du monde de foot.
Le sommet France-Afrique a pris fin sans décisions emballantes. Ce n’est pas tant l’agression barbare d’Israël qui, au fait, venait d’intégrer l’OCDE en grande pompe qui a porté ombrage à la rencontre franco-africaine que l’absence de décisions. La France n’avait rien à offrir de nouveau et d’original à un continent pratiquement en péril dans tous les domaines, et dont les richesses ont, jusqu’ici, été dilapidées à la fois par les multinationales et ses propres nomenklaturas. La France a également sa grande part dans le pillage de l’Afrique. La Françafrique n’est pas une invention sémantique.
C’est bel et bien l’ordre colonial reconduit sous des formes actuelles. Alors, pour ne pas avoir à rappeler ces lourdes vérités historiques, Nicolas Sarkozy s’est payé un sommet du genre des Assemblées générales de l’Onu.
À Nice, il a été question de tout et de rien. De l’écologie et du climat à la bonne gouvernance ! Encore que sur ce dernier sujet, le mot d’ordre de l’Élysée : pas de commentaires sur comment est gérée l’Afrique. Au pire, prudence et doigté. Pas de sujets qui fâchent, et quand il a bien fallu en parler, le président français a choisi de se noyer dans des généralités et de faire la promotion de la démocratie, de donner des consignes, comme devant un parterre de collégiens.
Il ne fallait surtout pas susciter la méfiance, la colère des autocrates qui peuplent le continent noir et que la France sait qu’ils sont prêts à se jeter dans les bras d’autres parrains, lesquels, aujourd’hui, sont nombreux à frapper aux portes de l’Afrique. Et puis, certainement pour faire plaisir à ses invités, le sommet, qui aura duré une journée et demie, s’est déroulé à huis clos. On est de loin de la transparence chantée à pleins poumons par Paris avant la rencontre et même par Sarkozy lui-même à l’ouverture du sommet.
Le président français, de son côté, devait être aussi satisfait car ce ne sont pas ses invités qui l’auraient épinglé sur les nombreuses lois liberticides de la France depuis son arrivée à l’Élysée : celles portant sur le flux migratoire, l’identité, la burqa, l’impossible réunion des familles, etc. La politique française, et ce sont des ONG françaises qui l’ont souligné à Nice, a accentué avec Sarkozy l’intensité de la répression et du rejet des Africains.
Pour la photo, et en direction des peuples africains qui n’ont pas arrêté de fustiger la Françafrique, notamment les francophones des ex-colonies de la France, le président français a préféré s’afficher avec son homologue sud-africain, anglophone et hôte de la Coupe du monde de foot. Pour les pays du “carré”, les dirigeants des quatorze ex-colonies françaises, en plein cinquantenaire des indépendances, sont invités à un sommet “familial” les 13 et 14 juillet à Paris, avec défilé de leurs troupes sur les Champs-Élysées ! Les réseaux de l’ombre sont loin d’être démantelés.
D’autant, il faut le dire et le redire, des dirigeants africains restent plus préoccupés par leur pérennité au pouvoir et, à ce sujet, ils savent qu’ils peuvent compter sur la complicité de Paris.
Ses prédécesseurs en ont abusé, alors pourquoi Sarkozy ferait-il l’exception d’autant qu’il n’a rien d’autres à offrir ? La France est en crise contrairement à la Chine, au Brésil et à l’Inde en pleine expansion et insatiable en matière de consommation de matières premières. Les échanges avec ces nouvelles puissances sont aussi inégaux, mais paraissent moins frappés du sceau néocolonialiste.
Comme rappelé à l’ordre par les réseaux de la Françafrique, Sarkozy avait renoncé à faire “la rupture” annoncée au début de son mandat. D’où le retour à ces rituels qui n’ont plus raison d’être, sauf à régler des problèmes dans les rencontres de coulisse. Mais la nécessité du changement se fait de plus en plus sentir sur le continent où les demandes sociales et politiques s’accroissent.
De nos jours, le monde revendique davantage de concret et vite. Le sommet de Nice a voulu innover en faisant confronter des patrons des deux rives, mais on demande à voir si ces rencontres en ateliers favoriseront des échanges entre milieux d’affaires.
Sont-elles axées sur les investissements, les joint-ventures, la création d’emplois ? Participeront-elles véritablement à la lutte contre la pauvreté, le chômage endémique, l’exode des forces vives ? Quand on sait que le sommet s’est articulé autour de trois grands huis clos entre chefs d’État portant sur la “place de l’Afrique dans la gouvernance mondiale”, le “renforcement de la paix et de la sécurité”, les questions de “climat et développement”, il y a de quoi douter, franchement.
Et puis, les commentateurs français eux-mêmes ont conclu que la France a ébauché mardi, à l’occasion de son 25e sommet avec l’Afrique à Nice, une nouvelle stratégie pour maintenir ses positions commerciales et en gagner sur le continent africain, de plus en plus convoité par les géants chinois ou indiens. Un sommet de trop !
Djamel Bouatta