France, jours difficiles à venir pour les musulmans

France, jours difficiles à venir pour les musulmans

Il ne faut pas se le cacher. Les attentats terroristes de Paris et leur terrible bilan provisoire (plus de 130 morts et 200 blessés) vont avoir d’immenses conséquences sur le plan intérieur et pas simplement en matière de sécurité. Si pour l’heure, l’appel à l’unité nationale du Président François Hollande semble, plus ou moins, entendu – Nicolas Sarkozy a tout de même exigé une «inflexion de la politique extérieure française» – rien ne dit que cette unanimité solidaire va perdurer, dans les prochaines semaines.

C’est d’autant plus vrai que d’autres attentats sont à craindre, à court et moyen termes. En effet, l’Organisation pour l’Etat islamique (EI) a fait de la France l’un de ses principaux objectifs et l’on se doute que la menace va perdurer tant que la situation ne sera pas réglée en Syrie (et elle n’est pas près de l’être).



On connaît, déjà, les conséquences de ces tueries immondes. La première est d’ordre politique. Il est évident que le grand «gagnant» de ce drame est le Front national. Ce dernier a déjà commencé à entonner son chant de dénonciation habituelle. La porosité des frontières, l’immigration, le phénomène des réfugiés en provenance du Proche-Orient et, enfin, l’existence de communautés musulmanes françaises proches, travaillées par l’islamisme vont être brandies comme autant de raisons ayant facilité le drame. Jouant sur l’émotion et la colère d’une population déjà traumatisée par les attentats de janvier dernier, le FN mais aussi une partie de la droite, voire même de la gauche, vont donc tenter de tirer tous les dividendes électoraux, cela à quelques semaines des élections régionales.

La seconde conséquence est d’ordre social. Il ne fait nul doute que les jours qui viennent vont être difficiles pour les musulmans de France, qu’ils soient ou non pratiquants. D’ailleurs, on leur demande déjà de se désolidariser de ces actes de sauvagerie comme si cela ne tombait pas sous le sens. Comme si on pouvait être solidaire de ces psychopathes. Ce point est connu. En temps normal, il est demandé aux musulmans de ne pas verser dans le communautarisme et, quand survient, un attentat, ils sont sommés de se désolidariser d’une racaille avec laquelle ils n’ont ni affinité ni liens. Que répondre ainsi à l’acteur Mathieu Kassovitz, auteur du tweet suivant : «Mes amis musulmans. Descendez dans la rue et faites vous entendre. Sinon vous méritez l’amalgame dont vous êtes victimes» ? Quand la bêtise atteint un tel niveau, il n’y a plus grand-chose à dire…

D’autres messages sont encore plus directs et réclament qui, une expulsion des musulmans et arabes de France ou la lutte sans merci contre une supposée «cinquième colonne» qui activerait au profit de l’EI. Ces exigences et ces mises en cause font leur petit chemin, au sein de la société française. Il ne fait nul doute que cela va renforcer la défiance croissante à l’égard de l’Islam et, plus encore, des musulmans. Samedi matin, les mines de certains Français d’origine maghrébine en disaient long sur leurs craintes. Déjà éprouvés par les lendemains des attentats contre Charlie Hebdo et l’hypercasher de Vincennes, ils savent que les manifestations, plus ou moins brutales, d’islamophobie vont se multiplier. Surtout, ils savent que cette islamophobie, cette peur, avouée ou non des musulmans, va continuer à faire son travail de sape et que ses effets insidieux provoqueront des dégâts, pendant longtemps.

Il est vraisemblable que, passé le silence actuel, des personnalités promptes à attaquer l’Islam et les musulmans vont vite donner de la voix. Déjà exécrable, le climat de l’Hexagone va être encore plus pourri et c’est la paix civile qui est, désormais, menacée. L’objectif de l’EI est connu. Outre les attentats et les victimes qu’ils ont faites, les terroristes souhaitent que s’enclenche le cycle infernal des représailles et des contre-représailles. Ce scénario n’est plus impossible. Il suffit que, demain, un acte violent vise délibérément la communauté musulmane – une mosquée ou un quartier populaire – pour que la France bascule dans le néant. En somme, il faut espérer que la raison primera.

Tout va, donc, dépendre du sens de la responsabilité des uns et du sang-froid des autres. Pour les premiers, c’est-à-dire les hommes politiques et les personnalités médiatiques, il est à espérer que c’est le discours de la raison qui va s’imposer ainsi qu’une introspection sérieuse sur les raisons de ces attaques. Des raisons tout autant liées à la politique de la France au Proche-Orient et à la marginalisation d’une partie de sa population. Celle qui vit dans «les quartiers», ces mêmes quartiers qui se sont embrasés, il y a dix ans, sans qu’une vraie politique de développement, de désenclavement et d’intégration. Pour les seconds, la retenue va devoir être de mise. Sur-réagir en raison d’inévitables provocations islamophobes et contribuer, ainsi, à aggraver les tensions.