Il s’agit d’une histoire qui résonne avec celle des trente années de djihadisme mondialisé. Ainsi, l’Algérien Saber Lahmar, incarcéré durant huit ans dans la prison de Guantanamo, innocenté avant d’être accueilli par la France en 2009, qui comparaîtra devant le tribunal correctionnel de Paris, entre le mardi 10 mai et le vendredi 13 mai 2022, pour avoir suscité et organisé le départ de jihadistes présumés vers l’Irak ou la Syrie.
Saber Lahmar naît au mois de mai 1969 et grandit à Constantine dans un pays algérien. Après avoir obtenu une licence de sciences islamiques, celui qui est présenté par la justice comme un ancien membre du Groupe armé (GIA) est parti à Médine, en Arabie Saoudite, pour achever son cursus. Il fait ensuite son apparition en Bosnie-Herzégovine dans les années 1996 à 2001, soit quelques temps après le conflit qui a laissé 100 000 morts derrière lui. En effet, les combattants jihadistes ont soutenu la résistance bosniaque contre l’offensive serbe.
Celui-ci travaillait notamment à la bibliothèque du centre culturel saoudien, au sein d’une grande mosquée située à Sarajevo et réputée pour être un point de rencontre privilégié pour les islamistes. Les Bosniaques le remettent aux Américains début 2002 en compagnie de cinq autres Algériens accusés d’avoir planifié un attentat visant l’ambassade américaine à Sarajevo. Il est ensuite transféré dans la prison militaire de Guantanamo où il demeure jusqu’en 2008.
Il était considéré comme « un guide religieux », il tient des propos violents
Ce dernier est finalement innocenté par la justice américaine, à la suite de quoi, le président Nicolas Sarkozy a accepté le principe de voir arriver sur le sol français deux ex-détenus appartenant au camp à la sinistre réputation. Ceux-ci se nomment Lakhdar Boumediene et Saber Lahmar, qui ont posé le pied en France le 1er décembre 2009. « Guantanamo restera avec moi pour le reste de ma vie. Ce n’était pas une torture normale et ça n’a pas duré huit jours », a-t-il déclaré à l’AFP en 2012.
Son parcours en France depuis 2010 est relaté dans une décision de renvoi en jugement du 17 février 2022, signée par deux magistrats antiterroristes et consultée par l’AFP. « Apparemment considéré par ses pairs comme un érudit » en matière d’islam, voire un « guide religieux », il a vite officié en tant qu’imam de la mosquée de Saint-André-de-Cubzac (Gironde) mais également dans une salle de prière à caractère clandestin installée au-dessus du restaurant de Mohamed H, un autre prévenu.
Saber Lahmar est accusée de faire preuve d’un « ancrage dans l’islam radical » – ce que celui-ci conteste – en tenant des « propos très violents » au cours de ces discours « s’attaquant aux juifs, appelant au meurtre des apostats et au martyre ». Il est suspecté de maintenir des liaisons avec plusieurs personnalités du djihadisme sur le territoire français, y compris Taoufik Boussedra, un Tunisien jugé en 2011 dans le cadre d’une affaire dite « Cherifi » pour son financement d’Al-Qaïda, Lionel Dumont, un braqueur ex-membre du « gang de Roubaix », et Mohamed Achamlane, responsable du groupe Forsane Alizza.