Comme à chaque session d’examen du Baccalauréat, la question de la fraude durant ces épreuves et dans le milieu scolaire en général, défraie la chronique. Quelles en sont les raisons et les conséquences de ce phénomène sur l’élève et sur la société ?
Face à ce phénomène qui semble ancré dans les pratiques des générations, les pouvoirs publics ont décidé de frapper très fort cette année. Des sanctions allant jusqu’à la prison ferme et des amendes ont été prononcées contre les auteures de fraude, tant pour les candidats que pour leurs complices.
Or, il est à se demander si cela est vraiment suffisant ou du moins adéquat pour éradiquer cette pratique qui ne cesse d’entacher cette épreuve cruciale dans la scolarité des élèves ? Pour les spécialistes en la matière, le problème est plus complexe que ça, les conséquences aussi, d’ailleurs.
Interrogé par le quotidien Liberté, le professeur Fodil Mohammed Sadek de l’université de Tizi Ouzou a tenté d’éclairé la situation sur notamment les raisons derrière le phénomène de la fraude dans le milieu scolaire ainsi que les conséquences sur l’élève et la société.
Un signe de la mauvaise santé morale du système éducatif
D’emblée, il affirme qu’il s’agit de prime à bord du « signe de la mauvaise santé morale de notre système éducatif » et de « l’expression d’une école qui confond apprentissage individuel, par le biais de l’effort sur soi, et arrivisme qui ne s’encombre d’aucun scrupule pour grimper dans l’échelle sociale ».
Pour ce qui est des raisons qui ont tendance à pousser l’élève à user de cette pratique, l’intervenant met l’accent notamment sur « la pression exercée par la société sur des élèves », alors que ces derniers « ne comprennent pas toujours pourquoi ils vont à l’école ». Selon lui, l’élève recourt à la triche « pour avoir de bonnes notes, être classés parmi les bons élèves, et ainsi satisfaire leurs parents ».
Cependant, et dans ce cas, les notes obtenues ne reflètent guère le niveau réel de l’apprenant. Pour expliquer ce contraste, le Pr Fodil Mohammed Sadek soulève le point des « parents qui consultent régulièrement les enseignants pour s’enquérir de la progression réelle de leurs enfants », et « ceux qui veulent en découdre avec les enseignants, pensant à tort ou à raison que leurs enfants méritent de meilleures notes ». L’écart est palpable selon lui.
Que des pressions !
Ajouter à cela le fait que notre pays, à l’instar de beaucoup d’autres d’ailleurs, « ne propose pas d’alternative » concernant les élèves qui n’obtiennent pas l’accès aux études supérieures. Donc, « on a fait du bac le sésame unique pour la réussite sociale, et ne pas l’obtenir est devenu synonyme d’échec tout court », explique-t-il encore.
Et comme conséquence à ce point, le spécialiste souligne que « la pression devient toxique pour les candidats » qui sont donc « tentés par la fraude qui permet d’obtenir le symbole de la réussite scolaire ». Il en est de même pour les solutions proposées par les pouvoirs publics.
Pour le Professeur, « les autorités ne cherchent pas à comprendre le nœud du problème » mais « cherchent à le résoudre par un arsenal disproportionné de mesures tant organisationnelles que juridiques, perçues comme répressives par les candidats ». Or, cela ne suscite que d’autres pressions sur les candidats à l’examen.
Les conséquences du phénomène de la fraude à l’école
S’agissant de ce que pourra avoir ce phénomène comme conséquences, tant sur l’élève que sur la société, le spécialiste souligne d’abord que « les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain ». Donc, c’est très simple de « prédire les effets effroyables qui guettent la société dans le futur ».
Pour étayer ses propos, il explique qu’un « élève convaincu que la réussite scolaire et sociale passe nécessairement par la fraude aura beaucoup de mal à admettre l’honnêteté et l’intégrité comme piliers moraux dans la réussite de sa vie sociale, familiale et professionnelle ».
Dans ce sillage, il est on ne peut plus logique, voire inéluctable, de soulever la question du politique dans notre pays, qui est rongé par le phénomène de la fraude. Pour l’interlocuteur, « lorsque le système politique sur lequel est basé le système éducatif en question encourage la fraude (dans les élections par exemple), cela ne peut qu’encourager les enfants à imiter leurs parents ».