Front El-Moustakbel : Belaïd appelle à l’apaisement

Front El-Moustakbel : Belaïd appelle à l’apaisement

Dans son allocution inaugurale, lors de la tenue, hier, de la 3e session de son conseil national, à l’Office, village des artistes à Zéralda, et à laquelle ont pris part les anciens ministres de la Santé, Yahia Guidoum, de l’Enseignement supérieur, Amar Sakhri, ainsi que Samir Chaâbna, chargé des affaires de la communauté algérienne établie en France, Belaïd insiste sur l’identification du problème endémique que traverse le pays, crise d’éthique qu’autre chose.

«D’aucuns veulent nous passer la pilule d’une crise économique, avec ces incidences sociales et politiques. Non ! Nous avons une crise d’éthique. Une éthique politique qui nous fait défaut, particulièrement, comme l’illustre les pratiques et les propos des hommes censés la représenter». L’acte politique serait devenu, selon l’orateur, synonyme d’invectives, de diffamation et d’échanges injurieux, qui n’honorent nullement ceux qui en font usage. La légitimité du pays est en jeu. «La création d’une Commission nationale, indépendante, élue par le peuple est devenue urgente. Sa mission est de superviser les élections». Rendre la légitimité au pays ne le rendra que davantage fort. C’est ce qui a donné au conférencier ces mots à consonances patriotiques sans pareil. «J’aimerais être un citoyen faible dans un pays fort, qu’un responsable fort dans un pays faible». L’ancien de l’UNJA ne mâche pas ses mots pour mettre en exergue la hausse des faits liés au clientélisme, à la corruption et à d’autres indicateurs de la dilapidation des deniers publics. Comme il ne ménage pas les nouveaux richards, adeptes du gain facile, qui, malheureusement, ne versent pas dans l’investissement, créateur de richesses, mais plutôt dans l’acquisition des biens immobiliers en France, Suisse, Allemagne et en Espagne. «Une oligarchie qui s’enrichit sur le dos du pays, donc du peuple, mais qui fait bénéficier des pays étrangers des recettes qu’elles a engrangées, souvent, en contournant la Loi», précise-t-il.

Belaïd pointe un doigt accusateur sur les institutions de l’État, coupables, à ses yeux, d’avoir fatalement cassé les compétences. La casse a été la conséquence logique de la promotion du piston et de la «ch’kara», comme des critères de détention de postes de responsabilité à différentes échelles, «une responsabilité qui se vend et s’achète».

Pour le conférencier, l’État a omis d’investir dans l’homme, colonne vertébrale, selon ses dires, du développement dans tous les domaines. Au contraire, il a fait de l’homme (du bas peuple, ndlr), l’esclave de l’homme. «L’allégeance aux hommes et non aux institutions : c’est ce qui est devenue la base de fonctionnement de celles-ci», éclaircit Belaïd le fond de sa pensée.

Se plaçant dans une position médiane, entre soutien inconditionnel au président le République, Abdelaziz Bouteflika, et opposition qui ne considère nullement les périls pour atténuer de sa position, Abdelaziz Belaïd a eu des mots très pertinents pour lesquels il a été ovationné debout. «Soutenir qui ? Abdelaziz Bouteflika a-t-il besoin de soutien ? Non, on doit soutenir le pays, le peuple pas le “koursi” ! S’opposer contre qui ? Est-ce le moment de le faire ? Au lieu de s’entraider, au moment où le bateau coule, on doit préparer l’après-Bouteflika.» Et de faire de la prospective, à l’horizon 2020, empreinte de valeurs humaines.

«Nous devons préparer nos enfants, les générations futures. Semons le bien au lieu de perpétuer les relents de discorde et les germes de la haine et des conflits. Évitons les conflits programmés, actionnés par des lobbies tassés dans des laboratoires situés quelque part». Allusions à peine voilées sur les échanges, par médias interposés, entre responsables politiques, plutôt enclins à s’offrir des tribunes visant le règlement de comptes qu’autre chose à même de tirer le pays vers des lendemains meilleurs. Et de tenir ces propos qui ont provoqué l’hilarité, «car, en vérité, tout ce qui se passe dans le pays m’a permis de tirer cette conclusion : le peuple est serein et calme ! Ce sont nous, hommes politiques et responsables de diverses tendances, qui sont en train de troubler sa quiétude».

Concernant l’institution militaire, Belaïd insiste, après avoir loué les efforts consentis par ces éléments dans la préservation de la “Souveraineté” du pays, d’éviter de l’impliquer dans les règlements de compte qui minent la Nation et, partant, d’immuniser le pays contre la casse de ses institutions, processus entamé depuis 1988, et qui s’est étendu, selon l’orateur, vers tous les pays maghrébins et arabes, devenus cibles potentiels pour leurs richesses desquelles on veut les déposséder. L’indépendance de la Justice est un thème qui a été également abordé par l’ancien «unjiste». «La matérialisation de celle-ci reste tributaire de l’indépendance du juge, qui ne devait plus dépendre d’une hiérarchie administrative, en la personne du procureur de la République. Car, quand on désigne une personne, on la soumet à notre décision. Donc, à mon avis, il faut que le Conseil suprême de la magistrature, que préside le président de la République, doit être élu par les juges, cela ne fera qu’assurer à cette institution une autonomie dans la décision». En conclusion, à l’issue de la conférence de presse, Abdelaziz Bélaïd a recommandé à la presse de jouer un rôle important dans l’atténuation des facteurs de tension qui gangrènent le pays. Message qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd.

Zaid Zoheir