Gérard Aissa Ruot, représentant de Kinderdorf intenational, SOS village enfant Draria : «Nous avons fait des démarches auprès des autorités pour que certains de nos enfants puissent bénéficier d’un logement social»

Gérard Aissa Ruot, représentant de Kinderdorf intenational, SOS village enfant Draria : «Nous avons fait des démarches auprès des autorités pour que certains de nos enfants puissent bénéficier d’un logement social»

Écrit par Samira Dekkiche

SOS Kinderdorf International est une organisation présente dans 133 pays dans le monde depuis 1949. Elle s’est installée en Algérie au lendemain de séisme de Chlef (ex El Asnam), en 1980, pour la prise en charge des sinistrés. Elle a, par ailleurs, proposé une convention et un avenant qui ont permis de créer le village d’enfant SOS Draria, exploité à partir de 1992. Lequel village est assujetti à une convention datant de 1984 entre le gouvernement algérien et SOS Kinderdorf International, précisant que c’est SOS Kinderdorf Autriche qui est chargée de la gestion du site, faisant qu’il n’est pas tenu par la loi 12/06 sur les associations. Le représentant de SOS Kinderdorf International, Gérard Aissa Ruot, nous présente ce village d’enfants, unique en Algérie, et revient avec détails sur les missions et modes de prise en charge des enfants qui y sont accueillis.

Reporters : Peut-on connaître, M. Ruot, le nombre d’enfants pris en charge par votre organisation dans le village d’enfants SOS Draria ?

Gérard Aissa Ruot : Au début des années 2010, nous avions 200 enfants pris en charge, et actuellement, ils sont 145 enfants répartis sur trois paliers de prise en charge : ceux âgés entre 0 à 15 ans se trouvent dans la maison familiale, ceux de 15 à 19 ans dans un établissement appelé appartement encadré, alors que ceux qui sont âgés de 19 ans et plus se trouvent dans un appartement indépendant à l’extérieur de village. Les enfants âgés de 0 à 3 ans sont placés dans la maison familiale avec une mère professionnelle assistée par une tante. Chaque maman prend en charge entre 7 et 9 enfants dans une maison de 4 pièces sur 130 m² habitables. Après l’âge de 15 ans, les garçons sont séparés des filles. Toutefois, nous avons la spécifité de ne pas séparer les frères et sœurs, d’autant que 45% de nos enfants sont des frères et sœurs. Concernant la qualité d’âge allant de 15 à 19 ans, les enfants sont placés dans des appartements encadrés où il n ya pas de mère professionnelle mais un éducateur ou une éducatrice spécialisés qui font le travail d’une grande sœur ou un grand frère à travers une prise en charge visant à escorter ces enfants vers l’autonomie dans la vie. A 19 ans lorsque les enfants vont passer leur bac ou un examen de fin de formation professionnelle, ils se retrouvent à 3 ou 4 en appartement indépendant qu’on loue à l’extérieur de notre village et auquel est affecté un budget. Par suite, ils entament leur vie ailleurs dans l’autonomie. Mais, en réalité, la prise en charge ne s’arrête jamais, puisqu’ils resteront toujours nos enfants qui reviennent régulièrement rendre visite à leur mère, leur sœur et leur frère. Je tiens à signaler qu’une fois devenus autonomes, nos enfants se trouvent confrontés, comme beaucoup d’Algériens, au problème de logement. Nous avons effectué des démarches auprès des autorités pour que certains d’entre eux puissent bénéficier d’un logement social. Ces démarches n’ont pas encore abouti, mais on ne désespère pas, sachant que tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Je résume pour dire que la prise en charge de SOS village est basée sur 4 principes : la mère, personne de référence, les frères et sœurs qui vivent dans la même maison, la maison familiale au sein d’un village dans la communauté. C’est un concept international que l’on retrouve en Algérie, mais qui est mis en place par des Algériens.

Si des familles veulent adopter ces enfants, quelle type de procédures doivent-il suivre ?

Tous nos enfants sont placés ici par le juge des mineurs, suite à une décision de justice. Donc ils ne peuvent pas être adoptés ailleurs que dans le village sauf si le juge qui a placé l’enfant décide que cet enfant peut être placé en kafala. Il est d’ailleurs exceptionnel qu’un enfant au sein de village qui a fait l’objet d’une décision de justice soit placé en kafala par le juge des mineurs, parce que nos enfants et qui ne sont pas forcément des enfants n’ont plus de parents. Ces parents peuvent être en prison dans certains cas ou sont coupables de maltraitance envers leurs enfants dans d’autres. On retrouve de moins en moins d’enfants nés sous X au village.

Peut-on avoir une idée sur vos sources de financement ?

Elles nous viennent de la générosité de la société civile algérienne, alors que SOS Kinderdorf international garantit le budget de fonctionnement. Donc, plus on touche de dons localement, moins Kinderdorf donne, et lorsque c’est l’inverse, l’organisation garantit le budget de fonctionnement et donne d’avantage, parce qu’on n’est pas une société qui produit de l’argent, mais une société qui prend en charge des enfants privés de familles ou en situation de le devenir. Depuis 2005 au niveau international, SOS kinderdorf a développé un projet qui s’appelle programme de renforcement de la famille (PRF). Ce programme, mis en place au lendemain du séisme de Boumerdès, aide les familles nécessiteuses pour éviter qu’elles abandonnent leurs enfants. C’est un programme de protection que l’on développe actuellement dans 4 wilayas : Alger, Boumerdès, Tipaza et Tizi Ouzou. Actuellement on a plus de 450 enfants qui sont maintenus dans les familles biologiques qui, souvent, ont une femme comme tuteur, pour éviter l’abandon. Ce n’est pas un programme social, mais un programme sur trois ans pour former le tuteur à un métier, pour qu’il puisse vivre de son métier pour lequel il a été formé. Ce programme permet aux familles de développer des activités génératrices de revenus. Plus de 70% des familles qui ont bénéficié du programme sont aujourd’hui autonomes. Ce qui est un succès.

Sur quels critères ces familles sont-elles choisies ?

C’est nous qui recherchons ces familles, sur la base de critères bien définis pour qu’elles intégrent dans le programme. Comme premier critère à rempiler, doivent être volontaires pour s’en sortir. Il faut vouloir être formé pour développer une activité. Dans les zones rurales, comme Tizi Ouzou et Tipaza, on a fait un programme de réinsertion, mis à disposition des moutons, des chèvres et des ruches, et ça a très bien fonctionné. Les familles ont amélioré leurs revenus et ça leur a permis de garder leurs enfants et de les élever dans de bonnes conditions.