L’approche sécuritaire de l’Union européenne n’a pas réussi à dissuader les candidats à l’émigration clandestine et les milliers de réfugiés syriens à tenter leur chance en Europe.
Confrontée depuis des mois à un flux sans précédent de migrants et de réfugiés, qu’elle ne contrôle plus, l’Europe tente de trouver une issue rapide, sans le moindre engagement politique, à voir la série de solutions qu’elle propose à chacune des rencontres qu’elle organise à ce sujet. Au sommet Union européenne-Afrique de la Valette à Malte, qui s’étale sur deux jours (hier et aujourd’hui), Bruxelles propose encore de l’argent aux pays africains pour freiner le flux de migrants et de réfugiés qui traversent la mer Méditerranée pour atteindre le Vieux continent, au péril de leur vie. La Commission européenne veut mobiliser une enveloppe de 3,6 milliards d’euros qu’elle versera à un fonds pour l’Afrique, qui doit aussi apporter sa contribution. Ce montant irait, selon la Commission européenne au financement de projets de développement destinés ou portés par les jeunes africains dans les pays dont sont originaires ces milliers de personnes qui fuient le continent. L’Europe se propose aussi d’aider l’Afrique à solutionner la crise des réfugiés en interne, causée par la guerre et les crises politiques à répétition. Des millions de personnes s’entassent depuis des années dans les camps pour déplacés, sous la responsabilité des organismes humanitaires onusiens qui éprouvent du mal à se financer. Mais l’argent ne suffit pas pour mettre fin à ces départs en masse qui touchent certains pays africains, pourtant riches en ressources naturelles et peu peuplés. Dans sa démarche pour freiner le flux migratoire et résoudre la crise des réfugiés, l’Europe, du moins certains pays membres de l’UE, se refuse d’admettre que les causes premières de ce drame sont l’instabilité politique et sécuritaire dans les pays de départ et de transit. Le soutien apporté par certains pays aux régimes politiques locaux, en fermant les yeux sur la situation des droits de l’Homme en contrepartie de l’obtention de marchés juteux, est au cœur du problème. Pourtant, des capitales européennes continuent d’user d’une sémantique qui démontre que les intérêts économiques passent devant le respect des droits humains. À la veille du sommet de La Valette, l’organisation non-gouvernementale Human Rights Watch (HRW) a rendu public un communiqué dans lequel elle a appelé aussi bien l’Europe que les États africains à respecter les droits humains, à l’occasion de cette rencontre.
“Quoique les objectifs de ces projets puissent être louables, il est alarmant de voir accorder des financements à des agences et à des forces de sécurité de pays comme le Soudan, l’Érythrée, l’Éthiopie et la Somalie, qui sont parmi les principaux pays d’origine des réfugiés, justement à cause de leurs violations des droits humains”, a affirmé Judith Sunderland, directrice adjointe de la division Europe et Asie centrale de HRW, lit-on sur le site de l’organisation. “Tous les projets doivent être soigneusement étudiés et soumis à des examens réguliers afin de détecter les éventuels problèmes en matière de droits humains”, a-t-elle ajouté, bien que cela soit difficile, voire quasi-impossible dans ces pays qu’elle cite et dont les régimes sont aussi bien totalitaires que fermés sur eux-mêmes.Des organisations non-gouvernementale n’ont pas cessé, elles aussi, de manifester et de militer en faveur d’une autre politique européenne en Afrique, où les régimes en place sont bâtis sur le principe de la présidence à vie de la majorité des chefs d’États. Agé de 91 ans, le président du Zimbabwe, Robert Mugabe, est la malheureuse illustration d’une situation politique qui pousse les jeunes africains à fuir leur pays. D’autres ONG, comme Amnesty International, accusent : “L’UE cherche à externaliser son problème migratoire”, pour éviter la colère de ses peuples. Piégée par l’égoïsme de quelques-uns de ses États-membres, l’UE manque de cohésion concernant le dossier des migrants et des réfugiés et toute action qu’elle mène, en ignorant l’aspect politique de la crise, aura des résultats limités pour ne pas dire qu’elle sera vouée à l’échec.
L.M.