Tébessa, une ville inondée jusqu’à la noyade au moindre orage depuis une dizaine d’années au moins, manque paradoxalement d’eau potable. Cette situation, qui perdure, irrite notamment les habitants des quartiers populaires de Zaouïas, Rafana, El-Jazira, El-Mizab, pour ne citer que ceux-là.
Nul n’ignore qu’à Tébessa, les pénuries quasi permanentes d’eau sont à l’origine d’un grand nombre de manifestations de colère qui ont failli tourner à l’émeute populaire. On se rappelle également que le wali de Tébessa, M. Bouguerra, a eu à se pencher personnellement sur le problème de l’alimentation en eau potable et qu’il a tenu pour fautive la direction de l’agence locale de l’Algérienne des eaux de ces pénuries et notamment de la déperdition du peu de ce précieux liquide qui reste dans les conduites, alors que les robinets du citoyen sont désespérément à sec. Lors de la visite qu’il a effectuée à Tébessa, fin août dernier, le ministre des Ressources en eau et de l’Environnement, Abdelkader Ouali, a également exprimé son mécontentement devant la situation qui prévaut en matière d’AEP dans cette wilaya.
S’en prenant en termes sibyllins, mais non moins sévères, au premier responsable de l’agence locale de l’ADE, qui assistait à la présentation d’un exposé sur le secteur des ressources en eau dans la wilaya de Tébessa, Abdelkader Ouali a estimé que “la problématique du déficit en alimentation en eau potable ne réside pas dans les ressources en eau mais dans la gestion de ces ressources” et que “ce genre de comportements néfastes ne peut être toléré dans un secteur ayant figuré à titre de priorité dans les différents plans de développement initiés par l’État algérien”. Ironie de la situation, le ministre autant que le wali de Tébessa ne se sont pas aperçus que le fameux exposé sur les moyens à mettre en place pour lutter contre les déperditions d’eau, qu’ils étaient en train d’entendre en ce moment précis, leur était présenté par un cadre du bureau d’études coréen Dongm Yeong Progress, ce qui aurait été normal si la direction de l’ADE ne l’avait pas introduit comme étant l’un de ses propres techniciens, poussant l’outrecuidance jusqu’à lui faire porter une tenue de travail siglée au nom de l’agence. L’instant a été figé sur des photos qui ont été publiées sur les réseaux sociaux et que les internautes n’ont pas manqué de railler, qualifiant, entre autres commentaires désobligeants, les responsables de l’ADE de tricheurs et d’arnaqueurs.
Cette mascarade autant que celle qui a consisté en la mobilisation d’une troupe folklorique dans la pure tradition tébessie, avec un renfort de cavaliers de fantasia armés de fusils pour accueillir le ministre et la délégation qui l’accompagnait le samedi 27 août, font l’objet de toutes les moqueries dans cette ville, où le commun des citoyens ne quémande qu’un peu d’eau chez soi pour se désaltérer et ainsi en finir avec l’achat ruineux des citernes remplies de liquide à la couleur et au goût douteux. Et de regretter que l’audit interne accablant effectué par la zone ADE de Souk-Ahras, en début d’année, met nommément en cause ce responsable dans des supposées malversations.
Ce qui aurait dû, à tout le moins, déclencher une enquête administrative, considère-t-on. Conscients de tous les dépassements dont a pu se rendre coupable ce directeur réfractaire aux lois de la République, ces mêmes citoyens en sont à se demander aujourd’hui s’il faut encore accorder un quelconque crédit aux déclarations de redressement du ministre ou encore de leur wali. Une députée de la wilaya de Tébessa, qui se soulève, elle aussi, contre les agissements de ce dernier, rappelait, la semaine dernière seulement, qu’elle s’était fait le porte-parole de la population auprès des plus hautes instances du pays pour dénoncer cette impunité. En vain. Il y a lieu de signaler que Tébessa dispose de 153 puits d’un débit de 104 000 m3 par jour, de six retenues collinaires et d’un barrage d’une capacité de 4,7 millions de m3, ainsi que de deux périmètres irrigués situés dans les communes de Bir Dhab d’Aïn Zerga (240 ha), et que malgré toutes ces ressources, le déficit en matière d’AEP dans cette wilaya est de l’ordre de 24 000 m3/jour.