Gouvernement : Chahut et cancans

Gouvernement : Chahut et cancans

Les dissensions au sein du gouvernement, l’éventualité de la tenue d’un congrès extraordinaire du FLN et l’état de santé du président de la République pourraient bousculer les dernières phases d’une stratégie dont l’objectif premier est de mettre à plat tous «les contre-pouvoirs».

Il est vrai que l’état de santé de Bouteflika n’est plus un secret pour personne mais le plus inquiétant aujourd’hui est le rapprochement de ses contrôles médicaux à l’étranger, ce qui n’a rien de rassurant. Le dernier communiqué de la présidence de la République qui a fait état du déplacement du chef de l’Etat en France (Grenoble ndlr) pour «une visite privée» aux fins de subir des contrôles médicaux, a été certainement décidé pour ne pas laisser la rumeur prendre des dimensions alarmantes en ces temps où des «forces» jusque-là insoupçonnées et inoffensives, pourraient surgir de l’ombre pour être comptées parmi ceux qui veulent faire basculer le pouvoir «réel» en leur faveur.



Tout le monde sait que l’avion présidentiel est mis en veille sur le tarmac de l’aéroport militaire de Boufarik au cas où le besoin d’évacuation du président s’impose. Mais des sources sûres d’El-Mouradia affirment que le «Glam» décolle régulièrement depuis quelques temps parce que la santé du président connaît «de nouveaux soucis». L’on parle ainsi de «va-et-vient «permanents» pour surveiller de probables évolutions aux conséquences incontrôlables».

Connu pour avoir une âme soufie, enfant de zaouïa qu’il a toujours été, Bouteflika a compris depuis 2005, année de sa première évacuation en France pour de sérieux problèmes de santé, qu’il ne récupérera plus les forces de battant et de baroudeur qu’il avait à son intronisation. « Il ne reste président que pour terminer sa stratégie, il en est d’ailleurs à la fin, ce qui lui permettra de quitter son poste sans aucun remords», nous dit un haut responsable.

L’on s’interroge sur ce qui pourrait rester d’une «stratégie» d’un homme qui a voulu accaparer tous les pouvoirs et l’a réalisé malgré toutes les animosités et les rancœurs que tous les milieux qui détiennent ne serait-ce qu’un semblant de force, ont exprimé à son égard depuis qu’il avait annoncé sa candidature en 1999 à ce jour.

DERNIERS BAROUDS D’HONNEUR

Les batailles ont été rudes pour et contre lui. Il en gagné pas mal et en est même sorti indemne. Ou presque, si l’on s’en tient à la détérioration de son état de santé. Mais là n’est plus un fait politique de contingence même si certains milieux ont déjà fait état de «démêlés» avec son frère qui auraient provoqué son accident vasculaire.

En tout cas, depuis 2014 à ce jour, tout ce qui agite la scène nationale semble être son «œuvre» parce que les méthodes de destitution du plus petit au plus grand responsable lui ressemblent grandement. Pour l’histoire, l’on rappelle que Dr Mohamed-Seghir Nakache, un des bras de droit du président de la République Ahmed Benbella, dont il a été le ministre de la Santé et plus tard au temps de son parti MDA, disait de Bouteflika que s’ «il est mis dans une caverne avec tout autour plein de scorpions, il ne sera piqué par aucun d’entre eux tellement il sait comment les éviter».

La sortie médiatique du général à la retraite Mohamed Mediène, ex- chef du DRS, n’en est pas moins étrange à ce «jeu». Toufik ne semble pas vouloir se faire oublier. D’autant que sa mise à la retraite a été passée par les soins de la présidence de la République comme un fait anodin tout autant que celles des généraux qui l’ont été avant lui. L’on pourrait penser que Bouteflika a écrit sa stratégie comme un testament pour que ceux qui l’exécutent ne se trompent ni de personne ni de méthode. L’homme n’est pas venu pour plaire ni pour gérer les humeurs. Sa revanche sur un système qui l’a exclu durant plus d’une vingtaine d’année, a été prise.

Il l’a cassé comme il le voulait. Son intention d’en détruire les derniers remparts, donnerait incontestablement à ceux qui l’ont supporté pendant ces quinze dernières années, l’ultime occasion de le supplanter même s’ils savent qu’il risque de partir plus tôt qu’ils ne pensent. Le «sursaut» public et bien tardif de Tewfik -hors institution- pour les besoins d’un Etat de droit et d’une justice indépendante, semble faire partie de ces derniers barouds d’honneur qui accompagneraient des départs qu’il sait programmés depuis qu’il était en poste. Il est craint que tous les coups soient permis pour des réhabilitations, même tardives, de vieux démons.

«FARCES ET ATTRAPES» POUR UN DEBLAIEMENT DE TERRAIN

L’ébullition de la scène politique nationale en démontre les revers et les travers d’un personnel politique dont les querelles de bas étage sont comme pour amuser la galerie. Un jeu de rôle bien orchestré pour une politique-spectacle sans précédent. Le SG du FLN en a été bien formé pour exécuter les sales besognes au profit d’un pouvoir qui ne pense épargner personne dans son œuvre de déblaiement du terrain. La trappe dans laquelle est tombé Saïdani en tergiversant avec une légèreté déconcertante sur le conflit opposant le Sahara occidental au Maroc en est la plus grosse.

Au milieu de ce chahut et ces cancans, la tenue d’un congrès extraordinaire du FLN n’est pas exclue, selon des membres de son Comité central. L’idée du pouvoir de Bouteflika est de procéder à des recentrages au sein de ce parti « sans déjuger personne ». Le président de la République tout autant que le chef d’état-major, le général de corps d’armée, Ahmed Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense, ont bien félicité le FLN pour avoir tenu son 10ème congrès « avec succès ».

Les deux grands responsables ont fermé les yeux sur « la mauvaise » identité des congressistes, l’exclusion de beaucoup de ces anciens membres, la composante du CC de militants qui ne l’ont jamais été à l’exemple de l’actuelle ministre des TIC qui en a eu la carte trois mois après sa désignation, de la Kasma de Sidi Bel-Abbès. L’éventuelle tenue d’un congrès extraordinaire sera, selon nos sources, «pour nommer un nouveau SG du parti en remplacement de l’actuel dont les missions de «dénigrement de tout ce qui bouge » devraient en principe, toucher à leur fin.

Il serait en outre, question de changer les textes réglementaires et de réviser à la baisse le nombre des membres du CC. Les « redresseurs » auraient en même temps le droit d’assister aux travaux à condition qu’ils réajustent leur revendication première, de faire annuler le 10ème congrès par la justice à la tenue d’un congrès extraordinaire qui, nous dit-on, « aura toute latitude de revoir et changer ce qui en est sorti ». Entre Louh et Belkhadem, comme «potentiels» remplaçants de Saïdani, les avis des «militants» vont et viennent au gré des échos qu’ils arrivent tant bien que mal à saisir ici et là. Ceci, même Belkhadem a, disent nos sources, «trop de gens contre lui au sein du pouvoir». La nomination d’un grand nombre de ministres du gouvernement Sellal dans le CC, figurerait elle aussi comme «point important» à l’ordre du jour. Rien n’est conclu, rien n’est tranché.

QUAND LE TEMPS N’EST PLUS UN ALLIE

Les «idées» se bousculent à la veille d’une année qui devrait être nouvelle non seulement sur le calendrier mais surtout pour les changements qui restent à opérer par le cercle présidentiel. Bouteflika a promis une Constitution révisée «très prochainement» depuis le 1er novembre. Il doit savoir que le temps, de par ses multiples inconnues, n’est jamais un allié.

Les dissensions survenues récemment au sein du gouvernement obligent à des permutations de portefeuilles et même à décider de départs importants. L’absence du ministre de l’Industrie et des Mines de la conférence nationale sur l’agriculture organisée à Aïn-Defla le 26 novembre dernier n’est pas passée inaperçue. Chamailleries autour de qui décide de quoi, le 1er ministre ou ses ministres dont certains ne le considèrent que «comme un simple coordonnateur». Le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales semble avoir pris le bâton de pèlerin que Sellal avait en main depuis trois ans.

C’est Mohamed Bedoui qui est chargé de faire le tour du pays pour sensibiliser les autorités locales sur l’impérative relance du développement local en ces temps de vaches maigres. La tâche n’a rien de facile dans la mesure où l’intersectoriel ne fonctionne que rarement. Surtout quand le duo Bouchouareb-Haddad occupe les devants de la scène pour servir des intérêts qui ne sont pas forcément compatibles avec ceux du 1er ministre ou ceux des collectivités locales au risque de les faire s’entrechoquer bruyamment.