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C’est avec une grande préoccupation et une inquiétude certaine que les Algériens ont suivi les images chocs qui ont émaillé la journée du samedi, devenue un jour sombre pour les autorités françaises.
La manifestation des Gilets jaunes s’est transformée en émeutes à Paris, mais aussi partout en province, pour le troisième samedi consécutif. Mais cette fois, les échauffourées ont atteint un niveau préoccupant car, dans bien des cas, les milliers de gendarmes et policiers mobilisés se sont vite retrouvés dépassés par les évènements. Loin de se contenter de ces «hauts faits», les manifestants n’ont pas caché leur détermination à poursuivre les blocages tout au long de la semaine et ils ont même annoncé par avance un come-back le samedi prochain, pour de nouvelles barricades devenues coutumières sur l’avenue prestigieuse des Champs Elysées. Samedi dernier, d’autres lieux tout aussi symboliques du prestige et de l’histoire de France ont vu déferler les hordes de casseurs venus manifestement pour en découdre avec les forces de l’ordre, aux cris de «Macron, démission» ou de «Macron, dégage».
L’Arc de Triomphe a été tagué, des combats à mains nues, des nuages de gaz lacrymogènes et des bruits assourdissants de flash-ball y ont eu lieu la journée et durant une partie de la nuit.
De nombreux magasins ont été pillés, des véhicules incendiés. La manifestation des gilets jaunes du samedi 1er décembre, théâtre de nombreux débordements, restera pour longtemps dans les mémoires car, de l’aveu même des observateurs abasourdis, on n’a pas vu de telles scènes «depuis mai 1968». A peine rentré du sommet du G20, le président Emmanuel Macron a tenu une réunion de crise réunissant le Premier ministre Edouard Philippe, celui de l’Intérieur Christophe Castaner (accompagné de son secrétaire d’Etat Laurent Nunez) et François de Rugy, ministre de l’Ecologie pour analyser les conséquences de l’incroyable journée vécue par les beaux quartiers parisiens dont le traumatisme ne s’effacera pas de sitôt. Et pour cause, les Gilets jaunes, un mouvement non structuré et en gestation continue, entendent poursuivre ces manifestations, mises à profit par les «casseurs» de l’extrême droite dans le but évident de faire tomber la République en marche, et ces millions de manifestants en majorité pacifiques, soutenus par 70% des Français, selon un sondage fort crédible ne se contentent plus de réclamer la suppression de l’augmentation des taxes sur les hydrocarbures et exigent désormais toute une panoplie de mesures sociales et économiques, telles que le rétablissement immédiat de l’ISF (Impôt de solidarité sur la fortune), la généralisation du CDI (contrat à durée indéterminée) et autres symboles d’une vie meilleure.
Car il faut bien se rendre compte que ce mouvement, parti d’une conjoncture anodine par laquelle le président Macron décide une prochaine hausse des prix de l’essence et du gasoil, a pris des proportions inimaginables sous les coups de boutoir d’un gouvernement qui manque singulièrement d’imagination et davantage encore d’empathie, droit dans ses bottes mais sans doute à l’étroit pour avancer convenablement. La preuve, cela fera deux semaines que des voix appartenant à tous les bords, de droite comme de gauche, s’évertuent à appeler au dialogue et à l’instauration d’un moratoire sur le programme brutal du gouvernement Macron. En vain, pas même l’ombre d’une écoute ou d’une réelle attention à l’égard de cette France profonde qui souffre le martyre, confrontée à des fins de mois critiques et n’ayant plus de réelle perspective quant à une possible résurgence. Arrogant et condescendant à l’excès, Emmanuel Macron a réussi le tour de force de faire mieux que François Hollande puisque sa côte de popularité est nettement moindre par rapport à celle de son prédécesseur dont les résultats sont arrivés un peu tard pour le dédouaner. Jupitérien jusqu’au-boutiste, il risque de mettre le feu aux poudres à un point de non-retour.