La justice grecque va décider du sort du parti néonazi Aube dorée dont le dirigeant et quatre députés passent leur première nuit en prison après un spectaculaire coup de filet policier en réaction au meurtre, il y a dix jours, d’un musicien antifasciste.
Des poursuites pénales ont été engagées dans la nuit par le procureur contre le député et chef du parti Nikos Michaloliakos, contre les quatre autres députés et quinze membres du parti arrêtés dans la journée.
Les poursuites sont ouvertes sous le chef de « participation à une organisation criminelle » et « direction » de cette organisation s’agissant de Nikos Michaloliakos. La présentation des mis en cause aux deux juges d’instruction désignés pour suivre ce dossier doit intervenir dans les cinq jours, selon une source judiciaire.
C’est à ces juges qu’il reviendra de prononcer l’éventuelle inculpation des députés et membres d’Aube dorée interpellés. En attendant leur comparution, les cinq députés restent détenus. Le cadre du flagrant délit dans lequel est menée cette procédure dispense d’une consultation du Parlement pour une éventuelle levée de leur immunité parlementaire.
Les autorités grecques ont frappé un grand coup samedi contre le parti néonazi, dix jours après le meurtre de Pavlos Fyssas, 34 ans, un rappeur antifasciste poignardé à la sortie d’un café d’une banlieue d’Athènes par un membre d’Aube Dorée.
Organisation criminelle
L’image saisissante de Nikos Michaloliakos, 56 ans, sortant menotté des bureaux de la police grecque à Athènes pour être transféré en début de soirée au tribunal a tourné en boucle sur les chaînes de télévision du pays.
« Rien ne nous fera plier ! », « Nous n’avons peur de rien ! », ont lancé les élus arrêtés. Toute la journée, quelques centaines de supporters d’Aube dorée rassemblés devant les locaux de la police avaient ponctué leur attente du cri de ralliement « Sang, honneur, Aube dorée », dans une mer de drapeaux grecs.
Le vaste coup de filet survient alors que la Grèce en crise poursuit ses négociations avec ses créditeurs internationaux et prendra début 2014 la présidence tournante de l’Union européenne.
Au total, 32 mandats d’arrêt ont été émis par la Cour suprême chargée de l’enquête sur le meurtre de Pavlos Fyssas et sur d’autres infractions imputées à des membres d’Aube dorée, a précisé lors d’une conférence de presse le porte-parole de la police. Un sixième parlementaire du parti est encore recherché. Deux agents de la force publique soupçonnés de liens avec les néonazis comptent parmi les vingt interpellés de la journée.
Le ministre de l’Ordre public, Nikos Dendias, a qualifié cette journée « d’historique pour la Grèce et l’Europe: « cela prouve à tous, notamment aux jeunes, que l’Etat de droit n’est pas nu et impuissant (…) ».
Avant son départ pour Washington, le Premier ministre Antonis Samaras, leader d’une coalition conservateurs-socialistes, a réagi aux événements par trois mots, selon des sources gouvernementales: « Justice, stabilité, pas de nouvelle élection ».
La question d’élections partielles pourrait se poser si les députés arrêtés étaient inculpés et démissionnaient de leur mandat.
Le meurtre de Pavlos Fyssas a brutalement sorti les autorités grecques de leur atonie face aux agissements d’un parti soupçonné de nombreuses violences contre les étrangers et les militants de gauche.
Question d’image
La première réplique du gouvernement est survenue lundi avec la démission et la suspension de plusieurs cadres de la police grecque dans le cadre d’une enquête, toujours en cours, sur les liens entre les forces de police et les membres du parti néonazi.
La presse nationale a également sonné la charge contre Aube dorée, multipliant les révélations et témoignages anonymes d’anciens militants sur le fonctionnement paramilitaire du parti.
Parallèlement, la Cour suprême grecque mène des investigations tous azimuts et a relancé d’autres enquêtes enlisées sur une trentaine d’infractions attribuées à des membres d’Aube dorée.
Depuis octobre 2011, quelque 300 cas d’agressions et violences contre des étrangers vivant en Grèce ont été répertoriés et documentés par le réseau associatif antiraciste et de défense des droits de l’Homme Dyktio.
« Nous nous réjouissons que le mouvement antifasciste et antiraciste ait contraint le Premier ministre à des arrestations », a réagi l’association Keerfa, pilier de la lutte antiraciste, accusant les deux responsables politiques « d’avoir longtemps protégé l’action des néonazis ».
Des milliers de Grecs avaient manifesté mercredi contre le fascisme.
« Par ces arrestations, on a voulu stopper la dégradation de l’image de la Grèce à l’étranger », a déclaré à l’AFP l’analyste politique Ilias Nikolakopoulos évoquant un « message à usage aussi bien intérieur qu’extérieur ».
Surfant sur le chômage et la misère qui se sont aggravés en Grèce en raison de la crise, Aube dorée est entrée pour la première fois au Parlement lors des élections de juin 2012, raflant 18 des 300 sièges de la Chambre.