À la veille de la 77ᵉ commémoration des massacres du 8 mai 1945, l’historien français, Benjamin Stora, est revenu sur cet épisode sombre et sanglant de la résistance algérienne face à la France coloniale. Les événements du 8 mai 1945 témoignent des crimes odieux commis par les forces coloniales à l’encontre du peuple algérien et comptent parmi les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité les plus barbares du 20ᵉ siècle.
Invité par le journaliste Marc Perelman sur un plateau de France 24, l’historien français, spécialiste de l’Algérie, Benjamin Stora, a évoqué les événements sanglants du 8 mai 1945, un jour où plusieurs milliers d’Algériens, sortis manifester pacifiquement, avaient perdu la vie, victimes de la répression française barbare, particulièrement dans les villes de Sétif, Guelma et Kherrata.
L’historien français a d’abord contextualisé cette manifestation, expliquant qu’elle intervenait au lendemain de la fin de la Deuxième Guerre mondiale en Europe. Benjamin Stora a révélé qu' »une première manifestation avait eu lieu le 1er mai de la même année, menée par des Algériens ayant combattu comme soldats auprès de l’armée française, durant la Guerre Mondiale ». Selon lui, ces soldats algériens manifestants « pensaient que leurs efforts allaient être récompensés par la libération du leader Messali Hadj, arrêté le 23 avril 1945, et la libération de l’Algérie ».
Lors de cette interview, l’historien Benjamin Stora a retracé « le début de la manifestation du 8 mai 1945 à Sétif, marquée par le jeune scout brandissant le drapeau national algérien », notant, dans ce même sens, que « la manifestation et le port du drapeau n’étaient pas autorisés ». L’historien poursuit son récit en rajoutant que « les manifestants, au nombre de dix mille environ, chantaient l’hymne national algérien ».
« Il y a eu, disant, un policier qui a tiré sur le porteur de drapeau algérien, ce qui a provoqué, naturellement, une stupéfaction ensuite une colère très grande parmi les manifestants qui s’en sont pris aux européens qui étaient là présents. Donc il y a eu effectivement des européens qui ont été tués à Sétif et dans les environs de Sétif », a raconté Benjamin Stora précisant qu’au total « 102 européens avaient été tués ».
D’après lui, « la manifestation s’était répandue dans d’autres villes du constantinois », et « la répression s’était tournée au massacre ». En effet, l’historien a considéré ces événements comme une véritable « guerre de représailles » mise en œuvre et qui aurait duré approximativement deux mois ». « La répression était très dure ce jour-là (le 8 mai 1945) à Sétif, aussi à Guelma avec les milices européennes et à Kherrata, mais fondamentalement la répression a duré deux mois, mai et juin durant l’année 1945 faisant plusieurs dizaines de milliers de victimes », a-t-il révélé.
Controverse autour du bilan exact des victimes
Interrogé par le journaliste sur la controverse autour du bilan officiel des victimes de ces massacres et le décalage entre les chiffres de l’Algérie et de la France, l’historien a expliqué que le chiffre officiel des victimes communiqué par les autorités algériennes et qui s’élève à 45 milles victimes, remontait à l’année 1945, soit au moment où les faits avaient eu lieu.
Ainsi, Benjamin Stora a estimé que tous les chiffres communiqués, malgré leurs différence, étaient importants et colossaux, citant, à titre d’exemple, « le chiffre avancé par les services américains s’élevant à 30 milles morts » ainsi que celui communiqué par « l’armée française, faisant état de 1200 morts ». Dans ce même sens, l’historien a rappelé que ce chiffre considérable reflétait « les exécutions sommaires qui avaient eu lieu, mais aussi les assassinats et les arrestations arbitraires commis par l’armée française, ainsi que les milices qui avaient été formées spécialement à cet effet ».