Guerre de libération : le FLN luttait au nom de principes et de droits démocratiques collectifs (politologue)

Guerre de libération : le FLN luttait au nom de principes et de droits démocratiques collectifs (politologue)

PARIS- Le Front de libération nationale (FLN) luttait, durant la guerre de libération (1954-1962), « au nom de principes et de droits démocratiques collectifs, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes », a affirmé mercredi à Paris le politologue français Olivier Le Cour Grandmaison.

« Le FLN luttait au nom de principes et de droits démocratiques collectifs: le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Et au nom de droits et libertés individuels et fondamentaux violés de façon systématique par la France coloniale de l’époque », a expliqué le politologue spécialiste des questions liées à l’histoire coloniale dans un entretien à l’APS.

Pour cet universitaire « que le FLN ait été amené à commettre des attentats est une chose qui a pu, hier et aujourd’hui encore, susciter des débats légitimes », mais « cela n’enlève rien à la légitimité du combat mené alors pour mettre un terme à plus d’un siècle d’exploitation et d’oppression coloniales, et de discriminations constantes à l’endroit de ceux qui furent appelés avec mépris des +indigènes+ d’abord, des +Français musulmans d’Algérie+ ensuite ».

Olivier Le Cour Grandmaison a voulu, dans ce contexte, rappeler « à ceux qui, dans l’Hexagone, continuent d’entretenir le mythe de la colonisation-civilisation, que la France, tout au long de la colonisation de l’Algérie, n’a pas hésité à recourir au terrorisme d’Etat pour défendre l’ordre colonial dès qu’il était menacé, de même après le déclenchement de la guerre d’Algérie, le 1er novembre 1954 ».

« Tortures, exécutions sommaires, disparitions forcées, déportation massive des civils û plus de deux millions de personnes soit le quart de la population totale-, telles furent les principales méthodes employées alors par la France », a-t-il précisé.

Des rapprochements singuliers qui ajoutent la confusion à la confusion

A une question sur la comparaison faite par l’écrivain Boualem Sansal, dans une chronique publiée par Le Monde le 19 juillet dernier, entre le FLN et l’organisation terroriste Daech, au lendemain de l’attentat de Nice, l’universitaire a estimé que « si penser, c’est distinguer, il me semble que c’est assez peu penser et beaucoup amalgamer que de comparer la lutte conduite par le FLN, au cours de la guerre d’Algérie entre 1954 et 1962, avec les attentats commis par l’EI (organisation terroriste autoproclamée +Etat islamique+) ou revendiqués par lui ».

« J’ignore quelles sont les motivations de Boualem Sansal et sur le fond peu m’importe », a-t-il dit estimant qu’il est « légitime et nécessaire » de critiquer la « mythologie nationale » et l’usage qui a été fait en Algérie depuis 1962 de la guerre de libération et la « mythologie impériale républicaine » d’hier et sa réhabilitation présente par un nombre croissant de responsables politiques de droite et d’extrême droite.

« Autre chose est de se livrer à des rapprochements pour le moins singuliers qui ajoutent la confusion à la confusion dans un contexte politique national et international qui nécessite, au contraire, d’essayer de penser de façon adéquate les événements dramatiques qui se déroulent au Moyen-Orient, au Maghreb et en Europe », a-t-il expliqué.

Pour lui, « l’EI, quant à lui, mène un combat politico-religieux qui vise à instaurer un Etat de type totalitaire dans les régions où ses forces combattantes sont établies, et parmi les moyens employés, il y a évidemment la terreur de masse. Terreur dont sont victimes d’abord et avant tout les populations irakiennes, syriennes et kurdes, lesquelles constituent plus de 85 % des victimes de l’EI », soulignant que « cette précision n’enlève rien à l’horreur des attentats commis en Europe en générale, et en France en particulier, assurément, mais cela permet néanmoins de rappeler quelques vérités trop souvent oubliées ».

La restitution des crânes de résistants algériens, une reconnaissance des crimes 

Par ailleurs, interpellé au sujet de la pétition en ligne exigeant la restitution à l’Algérie les têtes de résistants algériens massacrés au début de la colonisation, Olivier Le Cour Grandmaison a indiqué qu’il figure déjà parmi les signataires.

« Ce geste serait une juste reconnaissance des crimes commis à l’époque et une façon de rendre justice à toutes celles et à tous ceux qui ont subi dans leur chair les violences coloniales de la France entre 1830 et 1962 », a-t-il affirmé, rappelant qu’en ce domaine, la France « demeure très en retard sur plusieurs autres anciennes puissances coloniales comme la Grande-Bretagne, par exemple, qui a non seulement reconnu certains crimes commis dans son empire mais qui, en plus, a parfois accordé des réparations financières aux victimes ».

D’après lui, « il est donc temps que les plus hautes autorités françaises, par la voie du chef de l’Etat, reconnaissent enfin les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre commis en Algérie au cours de la période coloniale ».

Au sujet de la question mémorielle, il a relevé que le 25 mai 2016, le président François Hollande a déclaré, au cours d’une émission de radio, qu’il avait voulu « réconcilier toutes les mémoires », soulignant que « quatre ans après son élection, il est indispensable que cette promesse soit enfin tenue relativement aux Algériens, entre autres ».