Guerre de libération : un document français « très secret » révèle l’ampleur de la torture en Algérie

Guerre de libération : un document français « très secret » révèle l’ampleur de la torture en Algérie

Le quotidien français Médiapart a publié, dimanche, une enquête intitulée « Guerre d’Algérie : ordres militaires pour généraliser la torture« , se basant sur des documents d’archives datant de 1957. Elle révèle que la torture durant la guerre de libération nationale était une pratique généralisée ordonnée par une instruction très secrète du général Raoul Salan, destinée à tous les hauts gradés de l’armée française.

Le média indique qu’après avoir été testée à Alger en 1957, la torture était recommandée pour une application généralisée par les généraux. L’enquête de Fabrice Riceputi désigne explicitement le général Raoul Salan comme l’auteur de l’instruction sur « l’interrogation des suspects« .

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La torture infligée aux Algériens généralisée par une instruction classée « très secrète »

Le journaliste souligne que cette instruction justifiait la torture en s’appuyant sur « les expériences récentes menées dans certaines régions, qui ont mis en évidence les bénéfices pouvant être tirés, notamment dans les villes, grâce à des interrogatoires poussés et immédiatement exploités« .

Selon ce document, « la note contraignante » a conduit les chefs militaires français à appliquer les ordres oralement, avec consigne de ne laisser aucune trace écrite de cette directive personnelle. Il a évoqué un « camouflage linguistique minutieux » sur ordre de cette note, qui incluait également la méthode d’interrogatoire. « C’est le cas pour de nombreuses instructions du général Salan, mais cette instruction en particulier était difficile à dévoiler (…) les mots avaient été choisis avec soin pour éviter des accusations infamantes et des poursuites judiciaires si le cadre politique venait à changer« , affirme l’auteur de l’enquête.

Dans le détail, Médiapart révèle que les interrogatoires devaient être « aussi durs et intenses que possible« , et ce, pour infliger une douleur extrême à ces Algériens et les faire céder. L’enquête rappelle que l’armée française employait ces méthodes, incluant des chocs électriques et des simulations de noyade, depuis la guerre d’Indochine.

Après les ordres de Salan, le tortionnaire Massu passe à l’action

L’enquête baptisée « Guerre d’Algérie : ordres militaires pour généraliser la torture«  a révélé qu’avant même la publication de l’instruction de Salan, le 10 mars 1957, Massu avait émis une instruction similaire à la 10e division de parachutistes qu’il dirigeait en Algérie.

Par ailleurs, quelques jours après, notamment le 23 mars 1957, le général Allard a également suivi les directives de Salan et de Massu concernant la généralisation des méthodes employées à Alger. De plus, les opérations de « disparition temporaire et soudaine de certains habitants par sélection aléatoire ou identification comme suspects pour les interroger » ont été documentées, jugeant que « tout Algérien pouvait être exploité pour sa connaissance potentielle des activités des moudjahidines, s’il n’était pas lui-même impliqué« .

L’investigation a reconnu la responsabilité de la France dans le recours à la torture, une pratique qui avait l’aval de l’autorité politique, incarnée par le gouvernement socialiste de Guy Mollet. Dans ce cadre, l’auteur de l’enquête a rappelé l’adoption, à une large majorité en mars 1956, de la « loi sur les pouvoirs spéciaux« , qui conférait aux militaires français une « autorité exorbitante » de désigner, arrêter et interroger qui ils voulaient comme « suspects« .

Selon Médiapart, en raison de cette décision politique, le nombre de victimes, sans distinction de sexe, d’âge ou d’origine, a atteint des dizaines de milliers jusqu’en 1962. « Dès le lendemain des accords d’Évian, l’État français dirigé par de Gaulle s’autoamnistia de ces crimes par décret« , conclut le quotidien français.

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