Les guerres commerciales en cours impliquant les États-Unis, la Chine, la Zone Euro, le Canada et le Mexique sont devenues depuis le 20 janvier 2025 une caractéristique déterminante du paysage économique et géopolitique actuel. Alimentées essentiellement par des hausses des droits de douane, la mise en place de barrières commerciales et l’adoption de politiques protectionnistes (notamment sous l’approche « America First » de l’administration Trump), les guerres commerciales en cours redéfinissent l’économie mondiale et affectent les principaux pôles de croissance (États-Unis, Chine et Zone euro) ainsi que les autres pays du monde.
Implications Géopolitiques et Économiques
Loin de causer uniquement des perturbations économiques, ces affrontements commerciaux influencent les alliances politiques, les relations internationales et les structures et dynamiques de pouvoir mondiales. Les États-Unis ont imposé récemment des augmentations de droits de douanes à plusieurs de leurs partenaires, ce qui a déjà conduit à modifier les projections de croissance, d’inflation et des exportations de ces dernières et à tendre les relations commerciales internationales.
Impact Sectoriel et Dynamiques Économiques
Si certains secteurs devraient bénéficier de ces manipulations des droits de douane, a contrario, d’autres, en particulier le secteur manufacturier, devront faire face à une hausse de leurs coûts de production, à la perturbation des marchés et à un affaiblissement du leadership des États-Unis sur la scène mondiale.
La Position de la Chine
La Chine, au cœur de ces guerres commerciales, fait désormais face à un ralentissement économique, la poursuite de la déflation et une dépréciation du yuan. En réponse, la Chine vise désormais la construction d’une autosuffisance technologique et à mener une compétition idéologique avec les États-Unis. Cette rivalité est un frein pour le commerce mondial et le multilatéralisme ainsi qu’un puissant combustible pour les tensions géostratégiques.
La Réponse de la Zone Euro
Prise en tenaille entre les politiques américaines et chinoises, la zone euro ne manquera de subir des perturbations au niveau des chaînes d’approvisionnement mondiales, affectant une économie qui tire sa croissance des exportations. En réaction, la zone euro opte d’ores et déjà en faveur d’une plus grande intégration interne, cherche à forger de nouveaux accords commerciaux avec d’autres pays et régions du monde et se positionne comme un défenseur du multilatéralisme tout en appelant à des réformes au niveau des institutions mondiales telles que l’OMC.
Perspectives Globales
Globalement parlant, les guerres commerciales pourraient fragmenter l’économie mondiale en deux zones distinctes sous influence américaine et chinoise, forçant la zone euro à tisser naviguer entre les deux superpuissances. L’économie mondiale est en pleine effervescence dans un contexte de recomposition géostratégique aux contours incertains. Discutons de tous ces points.
Projections Économiques et Impact Macroéconomique
L’économie mondiale entame une autre phase de ralentissement du fait de la nouvelle politique tarifaire protectionniste de Trump. Les guerres commerciales sont en train d’imprimer leurs marques sur les agrégats macroéconomiques de nombreux pays. Le Mexique devrait entrer en récession, avec une contraction du PIB de 1,3 % en 2025 et de 0,6 % en 2026, un recul important par rapport aux prévisions de croissance précédentes. Le taux de croissance du Canada devrait également ralentir, atteignant seulement 0,7 % en 2025 et 2026, bien en deçà des 2 % initialement projetés.
En revanche, la zone euro pourrait enregistrer une légère accélération, avec une croissance de 1,0 % en 2025 et de 1,2 % en 2026, bien que ces chiffres soient également révisés à la baisse par rapport aux prévisions antérieures. La Chine, quant à elle, verra sa croissance ralentir, passant de 4,8 % en 2025 à 4,4 % en 2026. L’OCDE prévoit en outre que les tensions commerciales intensifieront les pressions sur l’inflation mondiale. Une augmentation de 10 points de pourcentage des droits de douane pourrait entraîner une hausse de l’inflation mondiale de 0,4 point par an au cours des trois prochaines, forçant les banques centrales à maintenir des taux d’intérêt élevés sur une période prolongée.
Le pôle de croissance des Etats-Unis : une politique protectionniste à hauts risques économiques et politiques comme le montre l’histoire.
Des projections de croissance et d’inflation révisées pour 2025. Ce mercredi 19 mars 2025, la FED a révisé à la baisse ses prévisions de croissance aux États-Unis et relevé ses prévisions d’inflation, craignant que les droits de douane imposés par le président Donald Trump et les importantes réductions des dépenses publiques ne nuisent à l’économie américaine. La FED anticipe désormais une croissance du PIB de seulement 1,7 % cette année, avec une inflation atteignant 2,7 %. Ces prévisions révisées marquent un changement significatif par rapport à décembre, où la FED tablait sur une croissance de 2,1 % pour 2025 et anticipait une inflation des dépenses de consommation des ménages (PCE) à 2,5 % en fin d’année.
La banque centrale a maintenu son taux directeur inchangé dans une fourchette de 4,25 % à 4,5 %. La FED a souligné que les politiques tarifaires de Trump et leurs incertitudes avaient : (1) considérablement influencé ses nouvelles projections en matière d’inflation et de croissance économique ; (2) contribué à reculer toute baisse des taux d’intérêt ; (3) et favorisé l’annonce d’un ralentissement de son programme de resserrement quantitatif (réduisant le montant de la dette du Trésor qu’elle autorise à sortir de son bilan chaque mois, de $25 à $5 milliards à compter d’avril). Suite à ces mesures, les actions américaines ont bondi, le S&P 500 progressant de près de 1 %, tandis que la valeur des bons du Trésor se redressait, faisant baisser le rendement des bons du Trésor à 10 ans de 0,02 point de pourcentage à 4,26 %.
Leçons Historiques : La Grande Dépression de 1929 et les Dangers du Protectionnisme
La situation actuelle rappelle les tensions commerciales des années 1930 suite à la mise en place des droits de douane Smoot-Hawley sous la présidence de Herbert Hoover. Initialement adoptés pour protéger les agriculteurs américains, ces droits de douane ont fait l’objet d’une surenchère et d’un lobbying au Congrès, conduisant ainsi à une forte hausse des droits de douane sur les importations au nom de la protection des industries nationales. Cette mesure avait conduit à un effondrement du commerce mondial, contribuant, entre autres, à l’émergence de la Grande Dépression.
Les guerres commerciales déclenchées en janvier 2025 par l’administration du président Donald Trump, rappellent les mêmes mesures protectionnistes prises dans les années 1930s, avec des droits de douane additionnels imposés sur les importations en provenance du Canada, du Mexique, de la Chine et de la zone euro. Au-delà de l’impact économique direct, la guerre commerciale actuelle va fracturer les démocraties mondiales et mettre sous forte tension les relations internationales.
Dans les années 1930, la Grande-Bretagne et Cuba avaient fait face aux hausses des droits de douane américains par la formation de blocs commerciaux rivaux et l’attisement de sentiments anti-américains, des trends qui risquent d’émerger de nouveau aujourd’hui. Un autre point à noter est la capacite d’une politique douanière protectionniste à brouiller l’orientation de la politique monétaire. Dans les années 1930, l’étalon-or qui dominait le système monétaire international avait été miné et son abandon par les pays avait ouvert la voie à des droits de douane encore plus élevés et à des restrictions commerciales.
Dans le contexte présent, le dollar joue un rôle similaire en tant que monnaie de réserve mondiale, et du fait de la montée des politiques protectionnistes, des questions se posent quant à l’avenir du commerce international et à la capacité et la volonté des États-Unis à continuer de stabiliser l’economie mondiale en jouant le rôle de soutien financier mondial (point fondamental que nous développerons à la fin de cet articlé)
Politique monétaire américaine : Les défis du protectionnisme de Trump
Impact des droits de douane sur l’inflation et l’économie
La politique protectionniste de Trump et ses incertitudes compliquent l’orientation de la politique monétaire des Etats-Unis. La hausse des droits de douane et le ralentissement de la croissance économique représentent des défis majeurs pour la politique monétaire américaine, compliquant le double mandat de la FED qui est de maîtriser l’inflation et maximiser l’emploi. Si le contexte actuel de stagflation persiste, la FED sera face à un dilemme : doit-elle réagir à une faible croissance en baissant les taux d’intérêt, ou à une hausse de l’inflation en les relevant ? Pour l’instant, il semble qu’il n’y aura pas de baisse des taux cette année, tandis que les investisseurs anticipent entre deux et trois baisses d’un quart de point d’ici fin 2025. Trois points à souligner :
Conséquences des droits de douane sur l’inflation
Les droits de douane, qui sont essentiellement des taxes sur les biens importés, ont tendance à peser sur l’inflation, car les importateurs répercutent souvent les coûts supplémentaires sur les consommateurs par le biais d’une hausse des prix. La FED régionale de Boston a estimé que des droits de douane supplémentaires sur les biens en provenance du Canada, du Mexique et de Chine pourraient augmenter l’inflation sous-jacente d’au moins 0,5 point de pourcentage. Une politique tarifaire plus étendue, telle qu’un droit de douane de 60 % sur les importations chinoises et de 10 % sur les importations en provenance du reste du monde, pourrait potentiellement faire grimper l’inflation sous-jacente jusqu’à 2,2 points de pourcentage. Le Comite Monétaire de la FED a pris note que la hausse des droits de douane avait contribué en grande partie aux récentes hausses de prix.
Inquiétudes sur la croissance économique
À l’inverse, des droits de douane plus élevés peuvent freiner la croissance économique en augmentant l’incertitude et le coût des intrants pour les entreprises nationales qui dépendent des matières premières importées. Une récente enquête de la FED indique que les droits de douane sont désormais considérés comme la principale menace pour l’économie américaine et la révision à la baisse de la croissance en 2025. Sur ce trend, une hausse de 60 % pour la Chine pourrait réduire le niveau à long terme du PIB américain de 1,6 %.
Dilemme de la politique monétaire
La réponse habituelle de la FED à la hausse de l’inflation consiste à relever les taux d’intérêt, ce qui peut ralentir l’activité économique en renchérissant les emprunts. Cependant, dans un contexte de croissance déjà atone, une hausse des taux pourrait freiner davantage l’activité économique et potentiellement conduire à une récession. À l’inverse, une baisse des taux d’intérêt pour stimuler l’économie pourrait exacerber l’inflation, compromettant ainsi le mandat de stabilité des prix de la Fed. Les experts suggèrent que cette incertitude incitera probablement la banque centrale à attendre davantage de précisions avant d’agir.
Réponses politiques potentielles
Face à ces pressions contradictoires, la FED pourrait choisir d’ignorer les effets des droits de douane sur les prix, se concentrant plutôt sur les tendances inflationnistes à long terme. Une autre approche consisterait à neutraliser l’effet des droits de douane sur les prix en resserrant (ou en assouplissant) sa politique monétaire. Pour l’heure, la FED prend note du ralentissement de la croissance et de la hausse de l’inflation et adopte une attitude prudente pour éviter d’aggraver ces deux problèmes.
Le dollar américain : Un objectif complexe
Trump souhaite à la fois protéger l’industrie manufacturière nationale et maintenir le dollar comme monnaie de réserve mondiale, deux objectifs contradictoires. Renverser des décennies de politique américaine favorisant un dollar fort, perçu comme dans l’intérêt national, ne sera pas facile. L’administration Trump semble penser qu’un dollar plus faible pourrait favoriser l’industrie américaine, créant ainsi un dilemme. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre les nouvelles politiques commerciales protectionnistes et l’affaiblissement du dollar par rapport au yen et à l’euro. La question est de savoir comment concilier ces deux objectifs ?
Contexte historique et défis monétaires
Dans les années 1960s, la demande croissante de dollars (monnaie de réserve internationale) de la part des pays devant financer leurs échanges commerciaux ne pouvait être satisfaite que par des déficits persistants du compte courant de la balance des paiements des États-Unis, entraînant ainsi une surévaluation du dollar. Un dilemme qui avait conduit à une série de bouleversements au niveau du système monétaire international, y compris : (1) la suspension en août 1971 par Nixon de la convertibilité or du dollar et de la mise d’un système de contrôle des prix et des salaires ; (2) la conclusion subséquente des Accords du Plaza de 1985 (visant à déprécier le dollar américain pour améliorer la compétitivité des exportations américaines) et du Louvre en 1987 (devant stabiliser les taux de change après la dévaluation du dollar, en s’accordant sur des limites plus flexibles) ; et (3) l’effondrement du système de Bretton Woods des taux de change fixes et leur replacement par des taux flottants.
Stratégies et dilemmes actuels
Trump soutient désormais que le rôle du dollar comme monnaie de réserve entraîne un déficit courant élevé et affaiblit l’industrie manufacturière américaine. De ce fait, il souhaite garder le rôle du dollar comme monnaie de réserve internationale (pour disposer de financement à moindre coût) et redevenir une puissance industrielle. Un dilemme que les Etats-Unis pourraient surmonter par : (1) un affaiblissement du dollar à travers un resserrement de la politique budgétaire (réduction des dépenses publiques ou augmentation des impôts) et un assouplissement de la politique monétaire (abaissement des taux directeurs ou hausse de la masse monétaire). Toutefois, cette approche entrerait en conflit avec une des promesses de Trump de prolonger les baisses d’impôts de 2017 pour stimuler la croissance ; (2) un affaiblissement du dollar par la FED par une baisse des taux d’intérêt au prix d’une inflation excessive, comme dans les années 1970 ; et (3) un recours aux droits de douane pour renforcer le dollar à court terme en réduisant les importations, ce qui rendrait les exportations américaines plus chères.
Perspectives et risques potentiels
Alternativement, l’administration Trump pourrait de nouveau recourir à des stratégies non conventionnelles pour affaiblir davantage le dollar, y compris l’imposition d’une taxe sur les détenteurs étrangers d’obligations du Trésor américain et/ou la conversion des emprunts à court terme en emprunts à très long terme en persuadant les détenteurs étrangers d’acheter des obligations perpétuelles en dollars. Ce changement de politique pourrait menacer le rôle du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale, avec des répercussions importantes sur les marchés mondiaux et la politique monétaire américaine.
Le pôle de croissance chinois : un nouveau plan stratégique manquant d’ambition et l’exportation de la déflation
Les grandes lignes et les points faibles du nouveau plan stratégique
La Chine est actuellement confrontée à d’importants défis économiques, notamment une crise immobilière prolongée, des pressions déflationnistes et des tensions commerciales persistantes avec les États-Unis. En réponse, le gouvernement prévoit de privilégier la consommation intérieure pour stimuler la croissance et de cibler un objectif de croissance du PIB de 5 % pour 2025 et un objectif d’inflation annuelle de 2 %. En appui de ces objectifs, la Chine veut mettre en place un mix macroéconomique combinant une politique budgétaire proactive et une politique monétaire prudente.
Pour stimuler la consommation intérieure, un plan de relance global comprend des mesures visant à augmenter les revenus des ménages, à stabiliser les marchés immobilier et boursier et à améliorer les systèmes de santé et de retraite. Ce « plan d’action spécial » met l’accent sur l’augmentation des revenus, la réduction des charges financières des résidents et la mise en place de subventions pour la garde d’enfants. Ajoutons également des initiatives en faveur de l’emploi, de la mobilité de la main-d’œuvre, du relèvement du salaire minimum et de l’éducation afin de relever les défis démographiques du pays.
Toutefois, les marchés financiers restent circonspects sur l’efficacité du plan de relance au vu de nombreuses contraintes, y compris des pressions déflationnistes persistantes, un secteur immobilier atone et une dette lourde accumulée par les collectivités locales. De plus, les tensions commerciales avec les États-Unis risquent d’affecter les exportations et les investissements directs étrangers. Ces mêmes marchés financiers auraient souhaité que le plan de relance soit axé sur des politiques budgétaires plus ambitieuses, des réformes structurelles fortes et des mesures d’incitation à l’innovation pour soutenir la croissance économique.
L’exportation de la déflation : des années 1990 à aujourd’hui
Exportation de l’inflation dans les années 1990 et 2000
Dans les années 1990, la Chine exportait l’inflation principalement en raison de son industrialisation rapide et de son intégration croissante à l’économie mondiale. Plusieurs facteurs avaient contribué à cette tendance : (1) l’explosion de la demande en pétrole, acier et cuivre au fur et à mesure de l’industrialisation de la Chine et du développement de ses infrastructures, explosion qui faisait grimper les prix mondiaux des matières premières et contribuait à l’inflation mondiale ; (2) le passage de la Chine d’une économie planifiée à une économie de marché avait provoqué une hausse des salaires et des coûts de production qui ont été répercutés au niveau des produits finis vendus sur les marchés mondiaux. Si la dévaluation du renminbi en 1994 avait renforcé la compétitivité des exportations chinoises, a contrario la croissance de l’économie chinoise et la hausse des salaires avaient alourdi le coût de ses exportations et mettaient ainsi une forte pression à la hausse sur les prix mondiaux ; et (3) si la délocalisation de l’industrie manufacturière en Chine a initialement réduit les coûts mondiaux, la hausse des coûts de main-d’œuvre et de production en Chine à la fin des années 1990 a commencé à faire grimper les prix à l’échelle internationale. Par ces canaux, la Chine exportait de l’inflation.
La nouvelle spirale déflationniste
Le processus inverse est désormais en place puisque la Chine fait face depuis la réouverture de l’économie en janvier 2023. La nouvelle spirale déflationniste reflète plusieurs facteurs internes : (1) des politiques publiques privilégiant la production à la consommation ; (2) des taux d’épargne élevés liés à l’incertitude économique et la crise immobilière ; et (3) des mesures de relance domestiques qui ont conduit à la création de surcapacités, une baisse des prix à l’exportation et, par conséquent, une déflation exportée vers les marchés mondiaux.
Impacts de la déflation des exportations chinoises
Cette déflation des exportations chinoises a des effets mitigés sur les économies mondiales. Du côté positif, la baisse des prix chinois profite aux pays importateurs qui bénéficient d’une chute des prix à l’importation, en particulier les pays en développement qui dépendent des produits chinois. Elle contribue en outre à maîtriser l’inflation et à réduire le coût des intrants industriels et des biens de consommation.
Du côté négatif, notons d’abord une baisse des revenus des exportateurs de matières premières du fait de l’affaiblissement de la demande de matières premières de la part de la Chine. En second lieu, le risque de désindustrialisation des pays dont les industries nationales sont fragilisées par les importations chinoises bon marché. En troisième lieu, le ralentissement économique chinois dû à la déflation pourrait freiner la demande mondiale, affectant de nombreux pays à travers le monde. L’impact global dépend de l’équilibre entre la réduction des coûts d’importation et la perte de recettes d’exportation, en particulier pour les pays dépendants des matières premières.
Le pôle de croissance de la zone Euro : défis et perspectives
Contexte géopolitique et économique
Le pôle de croissance de la zone Euro reste fragilisé par les impacts durables de la guerre en Ukraine, la politique protectionniste de Trump et le besoin de prendre en charge sa propre sécurité. Alors que les effets déstabilisateurs de la guerre en Ukraine continuent de se faire sentir et d’affaiblir l’economie de la zone euro, cette dernière doit absorber deux nouveaux chocs : la hausse des droits de douane de la part des Etats-Unis et le besoin de se réarmer face à des menaces croissantes et à la perspective d’une réduction du soutien américain.
Perspectives économiques pour 2024-2025
L’économie de la zone euro a terminé l’année 2024 dans un état fragile, marquée par une contraction de l’activité globale pour le deuxième mois consécutif en décembre. La modeste reprise du secteur des services n’a pas suffi à compenser un ralentissement plus prononcé du secteur manufacturier. Bien que janvier 2025 ait connu une légère reprise, les incertitudes majeures liées aux politiques intérieures et commerciales continuent d’assombrir les perspectives de croissance.
Au quatrième trimestre 2024, l’activité économique de la zone euro a progressé de 0,1 %, la contribution positive de la consommation privée et publique ayant été contrebalancée par la baisse des exportations. L’indice composite des directeurs d’achat (PMI) a atteint 50,2 en janvier 2025, en hausse par rapport à une moyenne de 49,3 au quatrième trimestre 2024, indiquant une croissance modeste soutenue par le secteur des services.
La Banque centrale européenne (BCE) prévoit une croissance annuelle moyenne du PIB réel de 0,9 % pour 2025, suivie de 1,2 % en 2026 et de 1,3 % en 2027. L’inflation globale devrait ralentir légèrement en 2025 avant de se stabiliser autour de l’objectif de 2,0 % fixé par la BCE à partir du premier trimestre 2026. En décembre, la BCE a abaissé ses taux d’intérêt pour la quatrième fois, laissant la porte ouverte à de nouveaux assouplissements.
L’économie de la zone euro reste freinée par l’instabilité politique intérieure et la menace d’une guerre commerciale avec les États-Unis. Selon un sondage Reuters, la BCE pourrait abaisser ses taux d’intérêt d’au moins 100 points de base supplémentaires en 2025. La demande extérieure de la zone euro devrait ralentir, passant de 3,4 % en 2024 à 3,2 % en 2025. La persistance d’une forte incertitude géopolitique et politique continuera de peser sur la croissance économique, freinant la reprise attendue. Le solde budgétaire de la zone euro devrait rester globalement stable, avec un déficit projeté de -3,3 % du PIB en 2027.
L’Europe et le réarmement : défis économiques et financiers
Contexte historique et nouveaux défis
L’Europe fait face à des défis économiques majeurs alors qu’elle passe d’une période de faibles dépenses de défense à un réarmement nécessaire en réponse à des menaces croissantes et à une réduction du soutien américain. Cette transition exige des choix budgétaires difficiles, car l’augmentation des dépenses de défense pourrait entraîner des coupes dans les programmes sociaux ou une hausse de l’endettement, impactant à la fois les contribuables et les bénéficiaires des aides sociales.
Historiquement, les pays européens ont maintenu des dépenses militaires faibles, s’appuyant sur la protection des États-Unis. Toutefois, l’Europe est désormais sous pression pour augmenter ses investissements dans la défense, avec des discussions visant à atteindre un objectif de 3,5 % du PIB, contre moins de 2 % actuellement. Par exemple, le Royaume-Uni a consacré 2,3 % de son PIB à la défense en 2023 et aurait besoin de 35 milliards de dollars supplémentaires par an pour atteindre ces objectifs.
Stratégies nationales et financement
Cette évolution nécessite de réallouer des ressources des programmes sociaux et des investissements privés vers les dépenses militaires, suscitant déjà des résistances populaires, comme le montre la mobilisation en France contre la réforme des retraites.
Afin de financer ces hausses, certains pays envisagent de recourir à l’emprunt. L’Allemagne a récemment dévoilé un important plan de réarmement de sa défense en réponse à la montée des tensions géopolitiques, notamment avec la Russie. Ce plan prévoit une augmentation substantielle des dépenses de défense afin d’atteindre l’objectif de 2 % du PIB fixé par l’OTAN, la modernisation des moyens militaires et l’amélioration de la préparation. Il marque un tournant par rapport à la dépendance antérieure de l’Allemagne à l’égard de l’OTAN et des États-Unis pour sa sécurité.
Si ce plan renforce les capacités militaires de l’Allemagne, il pose également des défis, notamment d’éventuelles pressions budgétaires et des inquiétudes du public quant à son impact économique. La réussite de ce plan dépendra de la capacité à concilier les besoins de défense avec la stabilité économique et l’opinion publique.
Variations nationales et perspectives
L’Union Européenne a suggéré que les emprunts de cette dernière en matière de défense pourraient être exemptés des règles de dette et de déficit. Cependant, des pays comme l’Italie, avec une dette publique élevée, pourraient faire face à des coûts d’emprunt plus élevés.
Les approches nationales varient : le Royaume-Uni prévoit de porter ses dépenses de défense à 2,5 % du PIB d’ici 2027, financées par des réductions de l’aide internationale, et la Pologne prévoit d’allouer 4,7 % de son PIB à la défense en 2025.
Certains analystes soulignent que l’Europe a tardé à moderniser ses forces armées, et que cette augmentation des dépenses nécessitera des compromis difficiles dans les budgets publics. De plus, l’augmentation de l’endettement public pourrait affecter la confiance des investisseurs, et des réductions des dépenses sociales pourraient provoquer des mécontentements populaires.
Analyse Économique Mondiale en 2025
Les BRICS et la Suprématie du Dollar
Les BRICS ne sont pas en mesure de menacer la suprêmatie du dollar et les menaces de Trump de les pénaliser ne servent à rien. Le président Donald Trump a menacé à plusieurs reprises d’imposer des droits de douane de 100 % aux pays qui tenteraient de réduire la domination du dollar américain sur la finance mondiale, ciblant en particulier les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), ainsi que d’autres pays explorant des alternatives au dollar. Les menaces de Trump visaient à décourager ces pays de créer une nouvelle monnaie ou de soutenir d’autres monnaies pour remplacer le dollar dans le commerce international.
Malgré ces menaces, le dollar américain demeure la monnaie mondiale dominante grâce à la stabilité macroéconomique des États-Unis, à la profondeur de leurs marchés financiers et à la transparence de leur système financier. Bien que des discussions soient en cours au sein des pays BRICS sur la réduction de leur dépendance au dollar, aucune menace sérieuse ne pèse actuellement sur sa suprêmatie. Les efforts des BRICS pour établir une monnaie ou un système de paiement alternatif au dollar américain ont peu de chances d’aboutir. De ce fait, toute imposition de droits de douane de la part des Etats-Unis serait inutile et contreproductive pour tous les pays concernés.
Le Marché Pétrolier en 2025
Le marché pétrolier en ce début 2025 est affaibli par l’incertitude économique, les tensions géostratégiques et les intentions de l’OPEP+ d’opter pour une stratégie de parts de marché. Les contrats à terme sur le Brent se négocient près de 70 dollars le baril. L’OPEP+ prévoit de commencer à défaire les réductions de production volontaires en avril, mais l’augmentation réelle de l’offre pourrait être inférieure à l’augmentation nominale.
Diverses entités prévoient que les prix du pétrole se situeront entre $70 et $80 le baril en 2025, les tensions géopolitiques pouvant ajouter $10 le baril. La croissance de la demande mondiale de pétrole devrait dépasser légèrement 1 million de barils par jour en 2025, tirée par l’Asie. La production hors OPEP+ devrait augmenter de 1,5 million de barils par jour, tirée par les Amériques.
L’Agence Internationale de l’Energie prévoit que le Brent atteindra en moyenne $74 le baril en 2025 et $66 le baril en 2026, tandis que Fitch Ratings prévoit $70 en 2025, $65 en 2026 et 2027 et $60 en 2028. La croissance de la demande mondiale de pétrole devrait ralentir d’ici 2028, mais la demande devrait rester sur une trajectoire ascendante car les alternatives à faible émission de carbone ne sont pas encore compétitives.
Trajectoire Incertaine de l’Économie Mondiale
Une trajectoire de l’économie mondiale incertaine pour le moment. Les marchés financiers ont connu un tournant majeur, bouleversant le consensus qui prévalait jusqu’à début février 2025. Les principales sources d’inquiétude sont l’économie américaine, les changements potentiels de politique économique en Europe et la réponse de la Chine aux défis économiques mondiaux.
Aux États-Unis, les préoccupations concernant la croissance, la volatilité des politiques publiques et les tensions commerciales ont provoqué une chute des marchés boursiers, des rendements obligataires et une faiblesse du dollar. En réaction à cette incertitude, l’Europe envisage un changement majeur de politique économique, particulièrement en Allemagne. De son côté, la Chine annonce un renforcement de ses mesures de relance et de réformes pour contrer sa stagnation économique.
Deux scénarios s’offrent à l’économie mondiale : un scénario optimiste où l’Europe et la Chine rattraperaient les États-Unis, stimulant ainsi la croissance mondiale et un scénario pessimiste marqué par une stagflation causée par des retards dans les politiques allemandes, des difficultés chinoises et un ralentissement américain. Bien que la situation reste incertaine, les marchés semblent anticiper une convergence favorable de la croissance à long terme.
Risques de Récession et Tensions Commerciales
Aux États-Unis, les craintes de récession en 2025 se renforcent, les grandes banques augmentant leurs prévisions de récession. Parmi les facteurs contribuant à cette situation figurent les politiques commerciales, les droits de douane et l’incertitude économique, des éléments susceptibles d’affecter les marchés mondiaux.
Une récession américaine pourrait avoir des répercussions négatives sur l’économie mondiale, notamment sur la zone euro. Toutefois, certains estiment qu’une croissance soutenue en Chine pourrait atténuer les risques de récession mondiale. Les gouvernements et banques centrales pourraient réagir par des politiques budgétaires et monétaires pour limiter les effets de la crise, bien que les guerres commerciales et l’augmentation des barrières douanières compliquent la reprise économique.
Qui Devra Stabiliser l’Économie Mondiale ?
Depuis janvier 2025, l’économie mondiale est entrée en zone de turbulence et d’incertitude avec des tensions commerciales persistantes entre les États-Unis, la Chine, le Canada, le Mexique et l’Europe qui ne manqueront pas de se traduire par une réduction des échanges bilatéraux, un affaiblissement des consommateurs et de graves perturbations des chaînes d’approvisionnement. Cela pourrait ralentir la croissance mondiale et nuire aux marchés émergents, en particulier si les barrières commerciales continuent de se renforcer.
Si les tensions géopolitiques font craindre un risque croissant de découplage entre les deux superpuissances, ce dernier infligera des coûts élevés pour les deux économies. Une escalade des tensions pourrait entraîner un ralentissement économique mondial et perturber la diffusion des nouvelles technologies, ce qui pourrait remodeler le paysage économique mondial.
En raison de ces risques majeurs, l’économie mondiale a besoin de stabilisation, une tâche qui, historiquement, avait souvent incombé aux États-Unis. En tant que première économie mondiale, les États-Unis ont joué un rôle essentiel pour assurer la stabilité économique mondiale, notamment en temps de crise.
Si la Chine et les États-Unis ne parviennent pas à prendre des mesures coordonnées pour stabiliser l’économie, les conséquences pourraient être graves : elles affecteraient les consommateurs, les producteurs et la productivité mondiale. Cet échec pourrait également perturber les chaînes d’approvisionnement, freiner la croissance économique et nuire aux marchés financiers. Des différends commerciaux non résolus pourraient miner la confiance des investisseurs, ralentissant ainsi les échanges et les investissements.
Les crises financières mondiales passées ont montré que le manque de coordination internationale en période de ralentissement économique ne fait qu’aggraver la situation économique.
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