Dans cet entretien Hadj Brahim Aouf, coordinateur de wilaya du Conseil des lycées d’Algérie à Ghardaïa, relate les circonstances de son séjour en prison avec le défunt Kamal-Eddine Fekhar.
Liberté-Arabi : Hadj Brahim, comment vous portez-vous aujourd’hui ?
Hadj Brahim : Je continue de suivre un traitement depuis ma sortie de prison, le 30 mai, pour une anémie due à un microbe au foie non encore déterminé. Actuellement, je ne peux pas sortir de la maison et je ne peux pas marcher plus de cinq ou dix minutes. Les médecins m’ont prescrit un traitement d’une durée d’un mois et après je dois faire encore d’autres analyses médicales.
On parle d’un virus grave contracté par Kamal-Eddine Fekhar qui a entraîné sa mort. N’est-ce pas la même infection que la vôtre ?
Les médecins m’ont dit que j’avais un microbe et non un virus.
C’est-à-dire que vous ne souffrez pas d’une hépatite ?
Non, les médecins m’ont assuré que je n’ai pas cette maladie.
Fekhar a-t-il contracté le virus de l’hépatite ?
Oui, comme il l’a indiqué aux médecins. Le premier jour de notre arrivée à la prison de Ghardaïa, nous nous sommes adressés au docteur qui a posé des questions sur notre état de santé, et Kamal-Eddine Fekhar l’avait alors informé qu’il souffrait d’une hépatite virale. Le médecin, qui était une femme, l’avait mentionné dans son dossier
médical.
Vous étiez proche de Fekhar. Avait-ilcontracté ce virus à l’intérieur ou à l’extérieur de la prison ?
Je ne peux ni confirmer ni infirmer cela. Le médecin qui le soignait est censé le savoir, car nous avons été transférés à l’hôpital un mois après notre entrée en prison.
Pendant la grève de la faim, Kamal-Eddine Fekhar a-t-il été soigné pour sa maladie ?
Il recevait un traitement, mais je ne peux pas me prononcer sur cela. Je ne sais pas s’il recevait le bon traitement.
Pouvez-vous maintenant nous parler du vécu en prison ?
Ce sont des conditions normales, comme toutes les prisons algériennes, mais parfois très inhumaines, tels le surpeuplement et l’absence de soins. Les soins étaient prodigués seulement lorsque nous étions en danger. Une fois ce stade atteint, nous avions des contrôles de santé et un suivi tous les jours ou tous les deux jours.
Au sujet du surpeuplement, combien y avait-il de prisonniers dans la cellule ?
Au début nous étions quatre, ensuite deux : Kamal et moi. Notre cellule était une pièce de deux mètres de long sur un mètre de large avec les toilettes à l’intérieur. C’était donc un WC et non une chambre.
Avez-vous d’autres souvenirs qui vous ont particulièrement marqué ?
Oui, nous avons été particulièrement marqués par la période de notre grève de la faim. Car, on nous considérait comme des criminels et le code pénal algérien n’inscrit pas la grève de la faim dans la catégorie des sanctions pénales. Ils nous ont d’ailleurs mis dans des cellules individuelles.
Y avait-il d’autres prisonniers en grève de la faim ?
Il y avait d’autres grévistes, mais de courte durée, et à chaque fois qu’un groupe s’arrêtait, un autre reprenait, et cela durait environ dix jours, mais nous deux, nous avons continué.
Vous ont-ils annoncé le décès de Fekhar le jour même ?
Ils me l’ont dit le jour même, le mardi, et le jeudi, j’ai fait une demande au procureur de la République pour assister à l’enterrement et je lui ai précisé que s’il ne me donnait pas l’autorisation, je reprendrais la grève de la faim. J’avais à cette période arrêté la grève pour m’occuper de Kamal qui était dans un état critique. Après sa mort, je n’avais aucune raison de poursuivre la grève.