“C’est la première fois qu’on voit que la parole est revenue au peuple, et qu’aujourd’hui, il y a une redistribution des cartes, il était temps d’examiner l’avenir en se libérant des carcans dans lesquels on nous a toujours enfermés”, a expliqué Hend Sadi.
Trois figures du combat identitaire, à savoir Tassadit Yacine, Hend Sadi et Arab Aknine, ont été, jeudi, les invités d’une table ronde organisée par “Les débats de l’UMMTO” ayant pour thème “La nécessité des savoirs culturels comme fondements d’une démocratie pluraliste”. Ils se sont accordé à estimer qu’il était temps de rebattre toutes les cartes et d’ouvrir le débat autour de toutes les questions “taboues” qui ont été “à l’origine du divorce brutal entre ce qui est devenu l’Algérie officielle, d’un côté, et toute la richesse culturelle du peuple, de l’autre”, comme l’a indiqué Hend Sadi.
“Le débat sera difficile car le pays traîne un passif de 57 ans d’exclusion, de marginalisation et de non-prise en considération de la culture du peuple qu’il faut aujourd’hui revisiter avec une grande ouverture d’esprit”, a plaidé Hend Sadi estimant que le moment est venu de reposer toutes les questions. “Ce que nous vivons aujourd’hui est miraculeux, c’est la première fois qu’on voit que la parole est revenue au peuple, et aujourd’hui qu’il y a une redistribution des cartes, il était temps d’examiner l’avenir en se libérant des carcans dans lesquels on nous a toujours enfermés”, a-t-il expliqué, à ce titre, avant de mettre le doigt sur certaines perversions et manipulations qui ont jalonné l’histoire et le débat autour des questions essentielles depuis le mouvement national jusqu’aux dernières constitutions, passant par l’appel du 1er Novembre 1954, le congrès de la Soummam, la Constitution de 1963, le congrès de Tripoli, la Charte d’Alger et d’autres épisodes encore qui ont débouché sur l’occultation de l’identité nationale et la marginalisation même de ceux qui ont écrit avec leur sang l’épopée nationale. Une marginalisation sur laquelle, Tassadit Yacine s’est longuement étalée en mettant l’accent sur le sort réservé à certaines personnes de culture telles que les Mammeri, Feraoun, Amrouche et Kateb qui font la mémoire du peuple, mais que l’Algérie officielle a toujours occultées et marginalisées. “Lorsqu’on ne reconnaît pas la culture de ces hommes, c’est qu’on ne reconnaît pas le peuple dont ils sont issus”, a-t-elle considéré non sans donner raison à ceux qui disaient que l’Algérie n’est pas indépendante en obtenant son indépendance politique et qu’elle ne le sera que lorsqu’elle obtiendra son indépendance culturelle.
Intervenant à la même occasion, Arab Aknine a préféré déborder sur la brûlante actualité de ces derniers jours pour expliquer les erreurs du passé, afin d’éviter, dit-il, qu’elles ne se reproduisent. “L’institution militaire a toujours été responsable des fausses solutions imposées depuis 1962 et, aujourd’hui encore, la balle est dans son camp si on ne veut pas voir ce qui s’est produit en 1962 et en 1988, entre autres, se reproduire”, a-t-il souligné, estimant, dans ce même sillage, que “la place du militaire est dans la caserne et non pas dans la politique”. “Il faut sortir de la martingale vécue depuis 92, il faut que le champ politique soit définitivement libéré pour permettre l’émergence d’une véritable élite politique et nous sommes aujourd’hui devant l’occasion rêvée d’envisager une transition qui nous conduira à un véritable État de droit et de démocratie”, a-t-il suggéré précisant, toutefois, que l’armée doit fixer quelques principes qui feront que demain, les militaires et la religion n’auront rien à faire dans la politique, que l’indépendance de la justice sera consacrée et que toutes les libertés et les droits de la femme seront protégés.
Samir LESLOUS