Le ministre de la Justice Belkacem Zeghmati a présenté, hier, le projet de loi modifiant le code de procédure pénale, lors d’une séance plénière de l’Assemblée populaire nationale (APN). Pour la défense de ce texte qui annonce le retour entre autres des « services » dans l’action judiciaire, le garde des Sceaux a rendu justice à l’ex-DRS – victime selon lui d’une purge politique au bénéfice d’une seule personne – l’ancien ministre de l’Energie Chakib Khelil – et plaidé pour une formation de qualité pour les magistrats…
« Comment peut-on former en trois ans plus de 416 magistrats ? Est-ce sérieux ? Est-ce raisonnable ? Est-ce faisable ?», a-t-il lancé aux députés, avant d’enchaîner : « Vous allez me dire qu’en trois ans nous pouvons transmettre des règles juridiques ainsi que tout ce qui peut concerner de près ou de loin la mission du magistrat ? » Ce qui relève du domaine de l’impossible, s’écrie le ministre de la Justice. Et pour cause, beaucoup de choses ont changé du temps où les magistrats étaient formés à l’Ecole nationale d’administration, où il y avait à peine 10 à 13 magistrats par section. De son avis, « la formation des magistrats en Algérie est à revoir dans sa totalité car, actuellement, on mise beaucoup plus sur la quantité que sur la qualité. «Quand je dis cela, on me taxe d’être contre les magistrats. Ce n’est pourtant pas vrai », lance-t-il, avant de poursuivre : « Je suis avec la justice, avec les magistrats, mais avec une justice de qualité. » « Les gens nous insultent aujourd’hui. Notre justice n’est pas compétente, disent-il. Si je rejette catégoriquement ces accusations, il faut reconnaître tout de même que c’est nous qui avons prêté le flanc à toutes ces accusations », soutient-il. Dans le même ordre d’idées, le ministre a soutenu que
« c’est aux magistrats d’endosser la responsabilité des doutes qu’expriment les citoyens à propos de leur justice et sur la corruption ». De l’avis du ministre de la Justice, il faut investir dans la « qualité » de la formation pour regagner la confiance des citoyens. Pour lui, « il est temps que le citoyen retrouve la confiance en sa justice ».
Les raisons de la privation de l’ex-DRS du pouvoir de police judiciaire
Le ministre de la Justice, qui a détaillé le contenu du projet de loi, relatif aux procédures pénales, n’a pas manqué d’expliquer les raisons de la décision, prise en 2015, de priver l’ex-Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS) du pouvoir de police judiciaire pour enquêter sur la corruption. Sur cette question précisément, il a lancé aux députés que « l’empêchement des officiers de la sécurité de l’armée, d’enquêter sur la corruption dont l’amendement de la loi sur les procédures pénales en 2015, était destiné à protéger les gestionnaires des poursuites judiciaires». Seule une requête expresse des organes sociaux et de contrôle d’une entreprise pouvait ouvrir la voie à une action en justice contre son ou ses gestionnaires, a-t-il soutenu. Avant de préciser : « Cet amendement est le fruit d’une concertation entre les ministères de la Justice et de la Défense nationale ». Par ailleurs, et s’agissant des nouveautés inhérentes au code pénal présentées hier, le ministre a fait observer que ses dispositions ont pour ambition « la poursuite des efforts déployés par l’Etat pour préserver les deniers publics, grâce à la consolidation et au renforcement du cadre juridique de lutte contre la criminalité, et l’abrogation des dispositions faisant obstacles à l’action de la Police judiciaire, lors de l’accomplissement de ses missions ». Dans cet objectif, le texte de loi se propose d’abroger les articles 6 bis, 15 bis, 15 bis 1 et 15 bis 2 du Code de procédure pénale relatifs aux conditions de mise en mouvement de l’action publique pour les crimes, en lien avec les deniers publics, ainsi que les attributions et missions des officiers de la Police judiciaire relevant des services militaires de sécurité. Dans le même temps, il est question de la révision de l’article 207, relatif au contrôle par la chambre d’accusation de l’activité des officiers de Police judiciaire, notamment par la révision des mesures mises en place en vertu de la loi de mars 2017, portant habilitation des officiers de Police judiciaire à l’exercice effectif des attributions liées à cette qualité. Les mesures prévues par le Code de procédure pénale de juillet 2015 ont vu l’introduction de la condition de la plainte préalable des organes sociaux de l’entreprise économique pour la mise en mouvement de l’action publique à l’encontre des dirigeants des entreprises économiques, dont l’Etat détient la totalité des capitaux ou à capitaux mixtes, pour des faits de gestion entraînant le vol, le détournement, la dégradation ou la perte de deniers publics ou privés. Selon M. Zeghmati, cet article, qui se voulait une sorte de protection des dirigeants des entreprises économiques, tenus à l’abri des poursuites judiciaires qui pourraient être infondées au regard de la nature de leur travail, avait des répercussions « très négatives » sur la mise en mouvement de l’action publique pour les crimes en lien avec les deniers publics.
NADIA BELLIL