Le 23 décembre 2015, le révolutionnaire et opposant algérien Hocine Ait Ahmed rendait l’âme dans un hôpital à Lausanne, en Suisse. Il était le dernier survivant des neuf chefs révolutionnaires qui ont déclenché la guerre d’Algérie le 1er novembre 1954.
Natif des entrailles de la majestueuse montagne de Djurdjura, Dda l’Hocine, comme le surnommait respectueusement les siens, est né le 20 août 1926 à Aït Yahia (Ain El Hammam), dans la wilaya de Tizi Ouzou. Quelques années plus tard, les germes de la révolution et du désir de la résistance ont poussé en lui.
Depuis, il n’avait jamais retrouvé une vie normale en Algérie. Dans un témoignage livré en 1989 le politicien affirmait : « Je suis l’un des premiers maquisards de l’Algérie, puisque j’ai pris le maquis en 1945 et depuis 45, je n’ai pas retrouvé jusqu’à ce jour une vie normale en Algérie ».
Le déclic ayant poussé le fervent engagement à naitre au plus profond de l’ême de l’Héro national qu’est devenu Ait Ahmed, c’était bien les massacres du 8 mai 1945 à Sétif et Kharrata. En effet, il affirmait qu’il avait quitté ses études au lendemain des événements de Sétif ».
« La tragédie de Sétif a été tellement forte que personnellement, j’étais convaincu que penser à son avenir personnel, à sa carrière personnelle n’avait pas de sens » avait-il témoigné dans le documentaire réalisé en 1989.
Le combat pour le pluralisme et la démocratie d’après l’indépendance
Une fois l’indépendance acquise en 1962, il décida de rompre avec ses frères d’armes pour livrer son combat au pluralisme et la démocratie. Sa première action était donc de quitter le gouvernement provisoire (GPRA), ainsi que tous les organes du nouveau pouvoir.
Or, il continuait son combat acharné pour le pluralisme et la démocratie en gardant son mandat de député à l’Assemblée constituante. Une année plus tard, il créa le plus vieux parti de l’opposition de l’Algérie indépendante ; le Front des forces socialistes (FFS).
Alors qu’il s’est à peine débarrassé des affres du colonialisme, Hocine Ait Ahmed retrouve la vie du maquisard à l’ère de l’indépendance. En 1964, il fut arrêté et condamné à mort par le régime de l’époque. Deux ans plus tard, soit le 1er mai 1966, il s’évade de la prison d’El Harrach.
Il s’exile ensuite en Suisse pour ne retourner dans le pays qu’après les évènements de 1988. Au lendemain de l’assassinat du président Mohamed Boudiaf, en 1992, il décide de reprendre le chemin de l’exile. Il retourne dans le pays à maintes reprises pour le quitter à nouveau au lendemain de l’élection de Bouteflika.
D’ailleurs, il convient de rappeler qu’il s’était porté candidat à ces élections avant de se retirer aux côtés de quatre autres candidats. Son retour en 2004 à l’occasion du 50e anniversaire du déclenchement de la révolution fut marqué par le lancement de plusieurs initiatives politiques de sortie de crise. Ces dernières étaient, sans surprise aucune, rejetées et ignorées par le pouvoir en place.
Lors d’une conférence de presse qu’il avait alors tenue, il s’est demandé : « J’aimerais bien savoir tout d’abord, avant de me renseigner, est-ce qu’il reste quelque chose des valeurs de novembre pour les jeunes ? ». Cette génération qui « n’a pas connu la guerre et qui vit dans des problèmes inextricables », avait-il précisé.
Funérailles nationales au « protocole » populaire
Le 23 décembre 2015, le père de l’opposition rend l’âme à Lausanne, en Suisse, à l’âge de 89 ans. Le premier janvier 2016, il aura droit à des funérailles populaires dignes d’un chef d’État, mais conformément à ses dernières volontés.
En effet, le dernier membre des neuf chefs ayant déclenché la guerre de libération nationale, est enterré auprès des siens dans son village natal Ath Ahmed à Ain El Hammam, aux côtés de sa mère et de son aïeul, Cheikh Mohand Oulhoucine.
Des dizaines de milliers de personnes ont assisté, le 1er janvier 2016, à l’enterrement de Hocine Aït Ahmed, à Aït Yahia, à 160 km au sud-est d’Alger. Ces funérailles ont été au-delà de toutes les attentes.
« Un jour, la parole reviendra au peuple. Même si la nuit semble longue, le jour et le soleil finiront par se lever sur l’Algérie », disait le visionnaire qu’était Da L’Hocine, suscitant ainsi de l’espoir auprès de ses semblables.