Hollande, le Ronaldo de la politique française ?

Hollande, le Ronaldo de la politique française ?

ronaldo-660x330.jpgOn se souvient qu’à l’Euro 2016, Ronaldo a réussi, avec l’équipe du Portugal, l’exploit d’arriver en finale sans gagner un seul match, et même de quitter la finale avant la fin du match pour blessure, tout en brandissant la coupe devant le public du Stade de France. Hollande s’apprête-t-il à réussir le même exploit en 2017 ? Plus que jamais, la question est posée.

Par Éric Verhaeghe :

En lisant les vraies-fausses confidences publiées dans l’ouvrage Conversations privées avec le président paru chez Albin Michel, le citoyen ordinaire pensera être victime d’hallucinations. La description de l’état d’esprit moyen que François Hollande prête à ses potentiels électeurs montre sa profonde rupture avec la réalité du pays. On retiendra entre autre sa conviction d’être à la tête d’une » belle France » : » Je suis regardé comme le président d’une belle France « . Manifestement, son isolement dans le Triangle d’Or parisien le déconnecte magistralement de l’angoisse ordinaire des Français face à l’avenir collectif.

COMME RONALDO, SUR LES STARTING-BLOCKS

Dans ce curieux monde imaginaire où il évolue, François Hollande ne pense qu’à sa réélection. C’est le principal sujet de préoccupation d’un homme qui a consacré sa vie à la politique. La parution d’un ouvrage de confidences, supposé le rendre plus proche des Français et le remettre dans sa dimension normale, constitue une étude évidente dans ce cheminement. Le fait que l’ouvrage paraisse durant la trêve estivale répond bien à une minutieuse stratégie de reconquête électorale. Dans la torpeur de l’été, le livre a fait le buzz et se prêtait tout à fait à la lecture sur les plages. Plus que jamais, le candidat est donc en marche.

HANDICAPÉ PAR SON IMMENSE IMPOPULARITÉ

Sur sa route, François Hollande se heurtera très vite à un problème qu’il connaît mais qu’il semble mésestimer : son impopularité, qui est immense et intrinsèquement liée à sa personnalité. Hollande s’est présenté comme un candidat normal, et cette normalité est devenue son principal point de faiblesse. Les premiers mois de son quinquennat, et notamment les polémiques lancées par Valérie Trierweiler, ont en effet démontré que la différence, en politique, entre normalité et médiocrité est parfois difficile à cerner. Les ratés de sa politique économique et les innombrables couacs de communication n’ont pas aidé à renverser la tendance.

AIDÉ PAR SES ENNEMIS DE GAUCHE

Cela signifie-t-il que la bataille soit perdue pour Hollande en 2017 ? Je ne le crois pas, et rien ne démontre aujourd’hui que les éléments soulignés il y a quelques semaines, soient diamétralement différents. En dehors de luimême, Hollande compte en effet peu d’ennemis dont il doive se méfier. Il peut même se féliciter de l’aide inattendue apportée par tous ceux, de droite comme de gauche, qui veulent le détrôner. C’est particulièrement vrai à gauche, où le grand nombre de candidats qui se bousculent au portillon fera forcément le jeu du sortant. Qui est de taille, aujourd’hui, à prétendre pouvoir rassembler sur son nom autant que François Hollande ne l’a fait en 2012 ?

L’INCONNUE MÉLENCHON

Au sein du Parti socialiste, il est à peu près acquis aujourd’hui que l’abondance de candidats (Montebourg, Hamon, Lienemann, Filoche, et la liste n’est certaine- ment pas close) devrait conforter par avance la position de Hollande. Les candidatures annexes de Benhamias et de Rugy rajouteront un peu de confusion et ruineront définitivement la carrière de Cécile Duflot, elle-même candidate à la primaire écologiste. La seule candidature susceptible de gêner Hollande est celle de Jean-Luc Mélenchon, dont on peine aujourd’hui à mesurer l’impact sur l’opinion. Il n’est pas impossible que ce flou dure longtemps, et que Mélenchon crée une surprise dans un sens (un score élevé au premier tour) comme dans un autre (une raclée à gauche par peur du Front National).

HOLLANDE FACE AU SECOND TOUR

Après le processus des différentes primaires de gauche, Hollande a donc toutes les chances d’être investi par le principal parti de gouvernement, le Parti socialiste. Il trouvera probablement à ses côtés une Cécile Duflot promise à un score groupusculaire au premier tour, et Mélenchon qui pourrait constituer un nonévénement. Dans l’hypothèse, invérifiable aujourd’hui tant le temps est changeant à mesure que l’on se rapproche du rivage électoral, d’une arrivée de Hollande au second tour, il devra affronter dans un face-à-face probablement très tendu soit Marine Le Pen, soit le candidat des Républicains. En l’état actuel de l’opinion, Hollande peut estimer qu’il aura de bonnes chances de gagner.

HOLLANDE FACE À MARINE LE PEN

Cette configuration est celle qui peut rassurer le plus fortement François Hollande, dans la mesure où Marine Le Pen ne pourra s’appuyer sur toutes les voix des Républicains et des Centristes au second tour. Certains électeurs du centre et de la droite préféreront Hollande au Front National. Cette inclination se vérifiera d’autant mieux que le programme économique du Front National n’est pas connu, mais risque d’incommoder la frange libérale de l’électorat. Sur ce point, les orientations étatistes défendues par un Florian Philippot risquent de fortement désavantager la candidate dans un duel avec Hollande. Ce dernier ne sera en effet pas gêné pour faire de la surenchère » sociale » auprès de l’électorat populaire.

HOLLANDE FACE À SARKOZY

Dans l’hypothèse d’un duel Hollande- Sarkozy au second tour, la situation sera plus tendue, mais les handicaps de Hollande pourraient ne pas être insurmontables, surtout si François Bayrou se déclare candidat et appelle une nouvelle fois à voter Hollande au second tour. Avec un Front national renforcé depuis cinq ans, Nicolas Sarkozy ne pourra compter que sur une base ténue. Il en a parfaitement conscience, puisqu’il mène campagne sur les terres du Front national, dans la perspective d’un débordement à sa gauche par le Modem. Il n’ignore pas que Marine Le Pen a capté sa réserve de voix.

HOLLANDE FACE À JUPPÉ

Dans l’autre hypothèse, celle d’un duel Hollande-Juppé au second tour, on peine à imaginer une victoire des Républicains. Juppé suscite en effet un fort rejet de la part du Front national. S’il peut compter sans véritable réserve sur l’appoint des centristes, il devra en revanche renoncer à attirer à lui les voix de Marine Le Pen, qui pourrait appeler à l’abstention, voire à faire battre un candidat jugé trop complaisant avec les boucsémissaires du Front national. De ce point de vue, Juppé a commis de lourdes erreurs de communication ces derniers mois, notamment dans la foulée de l’attentat de Nice où il a brillé par son absence. Pour toutes ces raisons, la candidature Juppé paraît aujourd’hui avoir mangé son pain blanc et risque bien de ne plus faire long feu.

COMME RONALDO, UNE VICTOIRE PAR DÉFAUT

Aujourd’hui, rien n’exclut donc que Hollande ne remporte une victoire à la prochaine présidentielle, qui serait une victoire par défaut. Au fond, comme en 2012, Hollande construira son discours en creux par rapport à celui de Sarkozy. Ce dernier apparaîtra comme le candidat douloureux qui en appelle à l’énergie des Français pour redresser la barre, et Hollande se targuera d’un bilan en proposant de s’en satisfaire et de ne plus réformer. Comme on le sait, ce discours-là fait toujours des émules. Cela ne signifie pas que la victoire de Hollande soit assurée. En revanche, le candidat Hollande a de bonnes raisons de l’envisager.