Le message est clair, résumé par François Hollande : l’Union européenne « n’a pas besoin de conseils extérieurs ».
Les dirigeants européens, François Hollande et Angela Merkel en tête, ont renvoyé Donald Trump dans ses cordes, après les déclarations choc du président américain élu contre l’Union européenne. Ils en ont profiter pour appeler dans le même temps l’Union européenne à davantage d’ »unité » et d’ »assurance », pour répondre par les actes aux critiques du futur président américain qui parie notamment sur une poursuite de la fragmentation de l’Union après le Brexit.
A cinq jours de sa prise de fonctions ce vendredi, le président élu des Etats-Unis a en effet multiplié les déclarations corrosives, dans un entretien accordé dimanche aux quotidiens britannique « Times » et allemand « Bild ». L’Otan qualifiée d’ »obsolète », Merkel responsable d’ »une erreur catastrophique » en ouvrant son pays aux migrants en 2015, le Brexit qualifié de « succès »… Donald Trump a pilonné l’Europe et l’Union européenne.
Les dirigeants européens ont tenu à lui répondre, ce lundi. Le message est clair, résumé par François Hollande : l’Union européenne « n’a pas besoin de conseils extérieurs ».
Hollande : l’UE « n’a pas besoin de conseils extérieurs »
François Hollande a attendu ce lundi soir pour répliquer à Donald Trump. Mais les propos sont fermes : « Je vous l’affirme ici : l’Europe sera toujours prête à poursuivre la coopération transatlantique, mais elle se déterminera en fonction de ses intérêts et de ses valeurs. Elle n’a pas besoin de conseils extérieurs pour lui dire ce qu’elle a à faire », a lancé le président.
« Au moment où s’installe une nouvelle administration à Washington, je voudrais rappeler que les relations entre l’Europe et les Etats-Unis ont toujours été fondées sur des principes et des valeurs. Ces valeurs s’appellent le respect, le soutien mutuel en cas de péril, mais aussi l’attachement à la démocratie, la défense des libertés, et cette égalité entre les femmes et les hommes, la dignité de l’être humain », a également souligné François Hollande.
« Nous partageons aussi depuis longtemps la même conception du droit d’asile pour celles et ceux qui fuient les persécutions et les conflits. Ce principe est d’ailleurs un de ceux qui a fondé la nation américaine. »
Le chef de l’Etat a également contredit le président élu américain en estimant que l’Alliance atlantique « ne sera obsolète que lorsque les menaces le seront devenues elles aussi ».
« Nous sommes attachés à nos alliances, mais nous sommes aussi capables d’être autonomes sur le plan stratégique. C’est ce que la France a toujours défendu, au nom de son indépendance. En pleine complémentarité avec l’Otan. »
Plus tôt dans la journée, Jean-Marc Ayrault avait plaidé pour l’unité des Européens : « La meilleure réponse à l’interview du président américain, c’est l’unité des Européens. »
Merkel : « Nous avons notre destin dans nos propres mains »
Même réponse pour Angela Merkel, qui a refusé de répondre aux attaques de Donald Trump en détails, mais a profité d’une conférence de presse pour appeler les Européens à travailler « ensemble »:
« Je pense que nous les Européens avons notre destin dans nos propres mains. Je vais continuer de m’engager pour que les 27 États membres travaillent ensemble vers l’avenir […] face aux défis du 21e siècle », a-t-elle déclaré.
Avant elle le vice-chancelier, le social-démocrate Sigmar Gabriel, avait souligné l’importance pour l’Europe de « ne pas tomber dans une profonde dépression », et de défendre avec « assurance » ses propres intérêts.
Mogherini : « Je pense que l’Union européenne va rester unie »
La chef de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini, s’est de son côté déclaré « 100% convaincue » que l’UE résisterait :
« Je pense que l’Union européenne va rester unie, je suis 100% convaincue de cela », a-t-elle déclaré, lors d’une conférence de presse à Bruxelles.
La diplomate a ensuite tenu à calmer les ardeurs de Donald Trump et Boris Johnson, après l’annonce par Donald Trump de vouloir conclure « très rapidement » un accord commercial avec le Royaume-Uni, saluée par le chef de la diplomatie britannique Boris Johnson.
Dès lors que le Royaume-Uni est encore membre de l’UE, « il n’y pas de négociations de manière bilatérale sur un quelconque accord commercial avec un tiers. [ …] C’est dans les traités », a rappelé Federica Mogherini lors d’une conférence de presse à Bruxelles.
Pour Federica Mogherini, un tel accord est impossible, « c’est absolument clair du côté de l’Union européenne », a-t-elle affirmé à l’issue d’une réunion des ministres des Affaires étrangères des 28 pays de l’UE.
Elle a aussi assuré que Boris Johnson – qui participait à la réunion – avait convenu de cette impossibilité, alors que le Royaume-Uni « reste membre » de l’UE sept mois après le référendum du 23 juin au cours duquel les Britanniques ont décidé d’en sortir.
Kerry : « C’était déplacé »
Le secrétaire d’Etat américain sortant, John Kerry, est lui aussi monté au créneau pour dénoncer les « propos déplacés » de son futur président, lors d’une interview à CNN International lundi à Londres. Une déclaration en forme de soutien aux dirigeants européens.
« Je pense très franchement qu’il était déplacé pour le président élu des Etats-Unis de s’immiscer dans les affaires d’autres pays de manière aussi directe », a déploré John Kerry réfutant les propos de Donald Trump sur la politique d’accueil migratoire de la chancelière allemande, qualifiée de « catastrophique ».
Donald Trump « l’a qualifiée de la sorte. Moi je pense qu’elle [Mme Merkel] a été extrêmement courageuse et que (sa politique) ne correspond absolument pas à cette description », a ajouté John Kerry qui faisait étape à Londres avant de se rendre au Forum économique mondial à Davos mardi.
« Je pense qu’il faut être très prudent avant de dire qu’un des dirigeants les plus puissants d’Europe […] a fait une erreur », a insisté le secrétaire d’Etat lors de son dernier passage à Londres, où il devait dîner avec son homologue britannique Boris Johnson.
John Kerry a prévenu que les ennemis de l’Europe, dont la Russie, essayaient de diviser l’Occident et rappelé que le président américain sortant Barack Obama était opposé à la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.