Des écrivains et des artistes étaient présents à cette rencontre en hommage au poète et journaliste Tahar Djaout, décédé le 2 juin 1993.
C’est en présence d’une assistance avertie et dans une ambiance conviviale que s’est déroulée dernièrement une rencontre culturelle au boulevard de la Villette, dans le 10e arrondissement de Paris, et ce dans le prolongement du festival “Awal” qui s’est déroulé fin mars à Azeffoun. Les organisateurs ont tenu à en rapporter des images à ceux qui, retenus en France, n’avaient pu effectuer le déplacement en Algérie. La projection d’une vidéo, ainsi que les interventions d’artistes et d’écrivains ont permis de restituer l’essentiel du contenu de l’évènement culturel d’Azeffoun. Le public a écouté avec intérêt la lecture magistrale, par le grand comédien et homme de théâtre Sid-Ahmed Agoumi, d’un texte par lequel Rachid Oulebsir nous transporte à travers “les territoires d’awal”, synthèse de toutes les valeurs ancestrales et leurs connexions avec les préoccupations présentes de l’humanité.
Mais c’est l’hommage à Tahar Djaout qui a fortement marqué cette rencontre qui coïncide avec l’anniversaire de sa disparition, victime d’un attentat terroriste le 26 mai 1993 à Alger où il décédera le 2 juin 1993. L’ombre du poète était fortement présente, tant son nom, aussi universel soit-il, est attaché à cette magnifique contrée d’Azeffoun où il repose pour l’éternité à Oulkhou, village où il est né le 11 janvier 1954. Se pouvait-il qu’il en fût autrement quand on parle d’awal, le mot, le verbe, la parole ? N’est-ce pas ce poète et écrivain courageux qui a laissé le fameux message : “Si tu parles, tu meurs. Si tu te tais, tu meurs. Alors, parle et meurs”. Mais un poète peut-il mourir ? Non, suggère Abderrezak Larbi-Chérif dans son excellent documentaire consacré à l’auteur de l’Exproprié et dont un résumé a fait l’objet d’une projection lors de la rencontre. Le film rappelle les horreurs du terrorisme des années quatre-vingt-dix et l’assassinat d’intellectuels, militaires, policiers, journalistes, cadres de l’État…
Cette époque où des extrémistes à l’ignorance crasse assassinaient des personnes à la tête pleine, des sommités intellectuelles. La bêtise au service de la violence contre l’intelligence. Tahar Djaout en fut l’une des premières victimes pour avoir eu le courage de se dresser contre les intégristes et de refuser de leur céder un pouce de sa liberté de penser et de dire. Les images de milliers de personnes l’accompagnant à sa dernière demeure a inspiré le poète Arezki Rabia qui a composé un poème très émouvant dans lequel, touché par les balles assassines, Tahar s’adresse à sa mère. L’abattement et le désespoir, certes, mais du combat et du sacrifice de Tahar Djaout et de tant d’autres a surgi le courage de la résistance qui a conduit à la victoire sur le terrorisme. L’écrivain Kamal Bencheikh a lu à l’assistance un témoignage sur son ami Tahar Djaout, texte qu’il a eu d’ailleurs l’occasion de présenter à Awal d’Azeffoun.
Il y retrace le parcours de l’auteur de Le dernier été de la raison, son apport à la culture algérienne et ses combats jusqu’à l’ultime minute de sa vie. La séance a été rehaussée par la présence d’artistes et d’écrivains de renom, à l’instar du compositeur et parolier Kamal Hamadi, du comédien Sid-Ahmed Agoumi, de la conteuse et chanteuse Nora At Brahim, du journaliste et réalisateur Abderrezak Larbi Cherif, des écrivains Kamel Bencheikh et Hedia Bensahli, de la vitrailliste Dalila Ammari Chaïeb et de bien d’autres. C’est par ce type de rencontres que les Algériens vivant à l’étranger révèlent leur attachement puissant à leur culture d’origine, conscient qu’un arbre ne grandit, ne s’épanouit et ne fleurit que s’il est enraciné profondément dans sa terre féconde.
ALI BEDRICI