Par Nadia BENAKLI
Cette spirale a chamboulé sérieusement la chronologie du temps. Même les observateurs de la scène politique sont dépassés par le rythme effréné des changements.
L’opinion publique a eu droit à une semaine spectaculaire en événements. Des décisions sont tombées en cascade défrayant ainsi l’actualité nationale. Des «News» qui laissent tout le monde en émoi. Comment ne pas l’être lorsqu’on apprend au détour d’un interrogatoire des frères Kouninef que d’anciens Premiers ministres et d’importants ministres ont pris part à des activités délictuelles. Des noms et des affaires qui défrayaient la chronique, il y a quelques années, sont ressortis cette semaine et cette fois, par le canal officiel de la justice.
Depuis l’arrestation des plus grosses fortunes du pays, l’on n’est plus dans les «divagations», mais dans des faits visiblement avérés, au vu des convocations de la gendarmerie qui tombent et, à chaque fois, font ressortir l’ampleur du «réseau». Avant même de retourner jusqu’aux affaires «historiques» de l’autoroute Est-Ouest, Sonatrach ou encore celle de Khalifa, les enquêteurs disent avoir de nouvelles charges contre plus de 11 grands patrons hauts fonctionnaires et ministres qui défileront bientôt devant le juge. Le mal semble donc profond et la détermination de la justice est à sa hauteur.
La semaine qui annonce un vendredi particulier a été rythmée par des limogeages de hauts responsables, des interpellations d’anciens ministres et des incarcérations à l’encontre d’hommes d’affaires. Les annonces se multiplient dans la forme et dans le fond. Des sentences qui ont sérieusement provoqué un séisme dans les milieux politiques et des affaires. «On dort sur une information et on se réveille sur une autre», commente un sexagénaire, confondu par la succession des événements dans une discussion à bâtons rompus. Ce ne sont ni des rumeurs ni des fake news. Les annonces sont suivies illico presto par des actes concrets. Depuis le début de la semaine, la machine judiciaire carbure à plein rythme. Des têtes et des personnes, que tout le monde croyait intouchables, ont été interpellées à la barre, voire même incarcérées. Cette spirale a chamboulé sérieusement la chronologie du temps, donnant du fil à retordre aux discussions des cafés et des plateaux télévisés. Même les observateurs de la scène politique sont dépassés par le rythme effréné des changements. N’assistons-nous pas à un véritable déluge qui risque d’emporter tout le monde sur son passage? Les choses ne sont a priori qu’au commencement.
L’opération d’assainissement de l’entourage politique et économique, gangréné par la corruption n’en finira pas de surprendre l’opinion publique. Aucune partie ne sera épargnée par ce torrent. Mardi soir, le P-DG de la compagnie nationale Sonatrach, Ould Kaddour a été limogé de son poste. Ce dernier a été remplacé par Rachid Hachichi, ancien directeur de la production. L’info a été avancée par un communiqué de la présidence de la République. Or, ce limogeage n’est pas un simple fait du hasard. Mais bien au contraire, il est étroitement lié à l’implication du désormais ex-patron de Sonatrach dans des affaires de corruption. L’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, accusé et poursuivi en 2013 pour des affaires de corruption, est également rattrapé par la justice.
La Cour suprême a été chargée d’ouvrir deux affaires dans lesquelles il est impliqué pour non-respect du règlement dans l’octroi des marchés à des entreprises étrangères.
Après Ahmed Ouyahia et Mohammed Loukal, respectivement ex-Premier ministre et ministre des Finances, qui ont été convoqués par le tribunal de Sidi M’hamed et les procédures engagées contre les anciens commandants de Régions militaire suivies de l’arrestation de l’homme d’affaires Issad Rebrab et des frères Kouninef ainsi que la levée de l’immunité du sénateur Ould Abbès, la liste sera, sans doute, prolongée dans les quelques jours à venir. La fameuse liste des personnes frappées par l’interdiction de quitter le territoire national n’a pas livré tout son contenu. L’opération de déballage va emporter dans son lot pas uniquement du menu fretin. De grosses têtes du système sont sur la sellette. Même au niveau local, les choses commencent à bouger. à El Bayadh, le juge d’instruction près la cour d’El Bayadh a placé, mardi dernier, les directeurs de l’action sociale et de la Maison de la culture et neuf autres fonctionnaires sous contrôle judiciaire.
Selon les services de la sûreté de wilaya, les poursuites judiciaires contre les suspects interviennent suite à des enquêtes menées auparavant au sujet de détournement et de dilapidation de deniers publics. Par ailleurs, ce qu’il y a lieu de relever est que même la nature a contribué, de son côté, à cette spirale. L’effondrement d’un immeuble à la casbah d’Alger, provoquant le décès de cinq personnes, a précipité le départ du wali d’Alger, Abdelkader Zoukh. Si ce dernier a résisté à la fameuse affaire El Boucher, qui a fait tomber des têtes, le drame de la Casbah ne l’a pas épargné.