Humour, civisme… Comment les manifestants évitent la violence

Humour, civisme… Comment les manifestants évitent la violence

Si la colère est bien réelle, le mouvement de protestation contre un cinquième mandat du président Bouteflika n’a pour l’heure été entachée d’aucun incident majeur.

Malgré la mise en garde contre les risques de « chaos » brandis par le régime, une marée humaine a de nouveau déferlé ce vendredi dans le centre d’Alger et ailleurs dans le pays, comme à Oran, Constantine ou encore Béjaïa, en Kabylie. Pour le troisième vendredi consécutif, les manifestants protestent contre un cinquième mandat du président sortant, Abdelaziz Bouteflika. Si la colère est réelle, elle reste néanmoins contenue. Le mouvement se veut d’abord et avant tout pacifiste. Si quelques blessés sont à déplorer à chaque fois, aucun incident majeur n’a été recensé dans le pays.

Les « 18 commandements » du manifestant

Sur les réseaux sociaux, tournent d’ailleurs en boucle les appels au calme et à ne pas tomber dans le piège de la violence et des provocations. Parmi ceux-ci, « Les 18 Commandements du marcheur pacifiste et civilisé ». Ces arguments ont été écrits par Lazhari Labter, 67 ans, un journaliste, poète, écrivain et éditeur algérien. Les voici :

1) « Pacifiquement et tranquillement je marcherai,

2) En Homme digne et civilisé je me comporterai,

3) D’eau et de vinaigre je me munirai (pour se nettoyer le visage en cas de tirs de gaz lacrymogènes, NDLR),

4) A aucune provocation je ne répondrai,

5) Les baltaguias (nom donné aux casseurs payés par le pouvoir pour créer des violences) j’isolerai et à la police je les remettrai,

6) Pas une pierre je ne jetterai,

7) Pas une vitre je ne briserai,

8) Pas un mot déplacé je ne prononcerai,

9) Aux personnes et aux biens je ne toucherai,

10) Au policier et au gendarme je sourirai,

11) À la femme, une rose j’offrirai,

12) À celui qui a soif, mon eau je partagerai,

13) Sur les vieux, les femmes et les enfants je veillerai,

14) Avec détermination je marcherai,

15) Contre vents et marées j’irai,

16) Digne héritier des Novembristes (militants indépendantistes algériens de la première heure, qui déclenchèrent l’insurrection anticoloniale le 1er novembre 1954) je serai,

17) Après la marche, les rues et les places je nettoierai,

18) Au monde qui m’observe, une leçon je donnerai et un exemple je serai,

Car je sais que La Liberté au bout du chemin m’attendra et dans ses bras ouverts elle m’accueillera. »

Des « brassards verts » pour encadrer les marches

Dans les cortèges, des œillets blancs sont distribués aux policiers afin de souligner le caractère pacifique du mouvement. D’ailleurs, chaque fois que les cortèges butent sur des rangs de forces antiémeutes le slogan « pacifique, pacifique » sort de centaines de bouches.

À Alger, se sont organisés sur les réseaux sociaux des groupes de « brassards verts ». Ces volontaires sont chargés d’orienter et d’encadrer les marcheurs, de prévenir les risques de bousculades, d’apporter quelques premiers soins, notamment en cas de projection de gaz lacrymogènes et de nettoyer les rues à l’issue de chaque manifestation.

L’humour, l’autre arme des Algériens

L’humour est également au coeur de la contestation, depuis plusieurs semaines. Une vidéo est d’ailleurs devenue virale sur les réseaux sociaux. La scène a été filmée lors de la marche du 22 février. On y voit un groupe de jeunes réclamer à tue-tête du shampoing face aux canons à eaux des forces de l’ordre.

Les HUG ont également eu le droit à un détournement de leur fiche Wikipédia. « Depuis l’annonce […] que Bouteflika est hospitalisé au 8e étage, les Algériens harcèlent les standards du centre hospitalier provoquant ainsi le débranchement de l’ex-président algérien ! Et la délivrance de tout un pays », a trollé un internaute, selon L’Express. Enfin, nombre de commentaires ironiques ont fleuri sur la page Facebook de l’hôpital. « Ils ont soigné Bouteflika et c’est un miracle. Il est toujours vivant », a persiflé un internaute.