La Ctld qui devait servir de lanceur pour le MSP s’est transformée en tombeau pour «les rêves de gloire» de la principale formation islamiste du pays.
Le MSP a perdu sa boussole. Il perd sur les trois tableaux. Il a perdu l’ancrage qu’il avait au sein du système où il avait, quoi qu’on dise, de l’influence, il n’a pas réussi à construire une alternative viable au sein de l’opposition dont il voulait camper le rôle de locomotive en s’associant à son aile laïque représentée par le RCD et il voit son discours en direction de l’opinion vidé de sa substance, après les dérives autocratiques de son principal modèle qui n’est autre que le président de la Turquie, Recep Tayyip Erdogan.
C’est le tableau que présente le MSP à la sortie de son université d’été. Les déclarations des leaders de l’opposition lors de cet événement politique ne pèseront pas grand-chose devant la détermination de nombreux cadres de la formation islamiste, lassés de voir leur parti faire du surplace et se contenter d’une attitude oppositionniste qui n’apporte rien au débat public et surtout, les enferme dans un carcan où personne ne peut exprimer ses talents ou tout au moins entrevoir des perspectives dans leurs carrières politiques respectives. Ce sont les membres du madjlis echourra, les élus nationaux et locaux qui, constatant l’enlisement de leur parti dans une sorte de stratégie d’attentisme élevée au rang d’objectif politique, qui font pression pour empêcher l’hypothèse de la politique de la chaise vide, synonyme d’une descente aux enfers pour un parti dont le credo a toujours été la professionnalisation de la pratique politique en Algérie.
En d’autres termes, les cadres du MSP n’entendent pas suivre la voie d’autres formations de l’opposition qui ont purement et simplement disparu de la scène politique, parce qu’elles ont adopté une posture radicale vis-à-vis du pouvoir en place.C’est justement l’offre qu’avait faite Abderrezak Makri au congrès du MSP qui, surfant sur la vague du printemps arabe pensait pouvoir rééditer «l’exploit» des Frères musulmans tunisiens et égyptien. Le discours du principal adversaire de Bouguerra Soltani à l’époque avait séduit un encadrement militant, pensant que le pouvoir était à portée de main. La perte d’influence lors des élections législatives de 2012 constituait un premier signal que les cadres du parti avaient vraisemblablement mal interprété. Ils avaient «automatiquement» misé sur l’aile radicale du parti, représentée par Makri, pour reprendre le terrain perdu, en agissant de l’extérieur du système.
Mais, les militants du MSP s’étaient rendus à l’évidence que la Ctld qui devait servir de lanceur pour le MSP s’est transformée en tombeau pour «les rêves de gloire» de la principale formation islamiste du pays. Dans son offre aux militants, Makri présentait le conglomérat de l’opposition comme un cadre idéal pour forcer la main au pouvoir et pourquoi pas, espérait-il, imposer une transition loin des urnes, histoire de faire sa «révolution».
Makri se voyait conduire une «opposition rénovée» qu’il ambitionnait de lui faire faire un pas historique et la mener à de nouveaux horizons. Mais la «grande opposition» est une lubie qui n’existe que dans la tête du président du MSP, qui a vraisemblablement souffert d’un manque flagrant de réalisme politique. Un défaut que n’a pas son adversaire Bouguerra Soltani qui a toujours adopté une stratégie d’entrisme reposant sur une analyse objective du système algérien. Soltani, qui tient son concept de professionnalisme en politique du leader historique du MSP, le défunt Mahfoud Nahnah, développe un discours plus proche de ce dernier que de Abderrezak Makri. La réalpolitik qui sous-tend le discours de Soltani fait de plus en plus de partisans au sein de la direction du parti et même à la base. L’ancien président du MSP gagne du terrain doucement, mais sûrement sur son concurrent. Il ne montre aucun signe d’empressement, bien au contraire.
Son propos est mesuré et l’on ne sent pas une velléité de déposer Makri. En fait, il attend patiemment que la base lui fasse appel. Le temps joue pour lui et contre Makri qui ne sait plus quoi dire aux militants et encore moins à l’opinion nationale, qui ne com-prend déjà pas l’admiration qu’il voue au système Erdogan, après la normalisation avec Israël et la purge qu’il a entreprise au sein de l’administration civile et militaire turque. Makri continue de critiquer vertement le gouvernement, mais n’a plus aucun modèle à lui opposer.De fait, les cadres du parti qui ont perdu beaucoup au titre de leurs carrières politiques et qui voient le parti tirer vers le bas par le boulet qu’est la Cltd, n’attendent qu’une bonne occasion pour faire faire au MSP un autre virage à 90° et l’aligner sur la trajectoire du pouvoir. Ils ont déjà un leader de remplacement, en la personne de Bouguerra Soltani, il leur manque le concours de circonstance pour basculer.