Si Le ministre de l’Industrie passe pour un bourreau de travail, c’est certainement en raison de l’importance du défi qu’il doit relever.
Le nouveau modèle économique, endossé avant-hier par le Conseil des ministres, repose en grande partie sur le secteur de l’industrie et des mines. La baisse de la facture d’importation, la stimulation des exportations n’auront de sens qu’avec la réussite des nombreux gros projets initiés ou accompagnés par le département de Abdessalem Bouchouareb. Les derniers contrats en date, pesant quelque 4,5 milliards de dollars, témoignent du rôle stratégique dévolu au département de l’industrie et des mines, locomotive d’une relance économique qui devra impérativement passer par une réindustrialisation du pays, au pas de charge et avec un volontarisme à toute épreuve. Ce sont là deux signes distinctifs du ministre Bouchouareb, conscient de devoir faire vite et bien pour que le pays puisse être au rendez-vous de l’émergence. Le train du développement économique est en gare. L’Algérie n’y est pas encore véritablement montée et c’est tout le souci du ministre pour qui le temps est le pire ennemi de l’Algérie. Il faut faire vite pour ne pas rater le train et on sent cette ferveur dans le discours et les comportements du ministre.
Ses collaborateurs reconnaissent qu’il est très difficile de suivre le rythme qu’il leur impose. Abdessalem Bouchouareb doit certainement connaître l’ampleur du sacrifice de ses cadres, mais il sait tout autant que des dizaines de milliers de jeunes attendent du travail, que des milliers de pères de familles craignent de retomber dans la crise de la fin des années 1980, que des centaines de milliers de travailleurs ont peur pour leurs postes d’emploi. Dans l’esprit de Bouchouareb, l’équation est on ne peut plus simple et consiste à mettre l’industrie du pays sur les rails, et dans la foulée, lever la pression des importations, favoriser les exportations et créer une synergie publique-privée qui soit durable et créatrice de richesse et de croissance. Tout un programme.
Course contre la montre
Si Bouchouareb passe pour un bourreau de travail, c’est certainement en raison de l’importance du défi qu’il doit relever. Mais surtout parce qu’il est aux commandes d’une nouvelle «révolution» industrielle. Même si celle-ci n’a pas le même fondement idéologique que celle menée par Belaïd Abdeslam, elle poursuit le même objectif, à savoir donner à l’Algérie les moyens de son indépendance vis-à-vis de la manne pétrolière. Comme son aîné qui a été à la tête du secteur durant les années 1970, Bouchouareb recrée presque de toutes pièces un tissu industriel algérien, avec la différence que cette fois, on n’est pas dans la logique du clés en main, mais du partenariat avec les étrangers. L’on peut rappeler que le destin est un grand metteur en scène. Deux Abdessalem à 40 ans d’intervalle, ça ne passe pas inaperçu.
Les innombrables pistes ouvertes dans les filières mécanique, sidérurgique et minière, apportent à l’économie nationale la visibilité nécessaire à même de se consolider et d’envisager une réelle intégration. L’approche globale et cohérente de la stratégie de relance économique est certainement le fruit de l’expérience de Bouchouareb qui, en plus d’avoir sans doute fait le diagnostic de la première tentative d’industrialisation, a occupé le poste de président du Conseil national économique et social en 1994. Un poste d’observation idéale qui a complété une carrière de chef d’entreprise privée durant les années 1980, couronnée par la fondation de la Confédération générale des entrepreneurs et opérateurs algériens (Cgeoa). Une expérience patronale qui lui sera d’une grande utilité pour apprécier, sur le terrain, les difficultés que rencontrent les hommes d’affaires algériens. Ce passage a sans doute pesé dans la confection de la loi sur les PME et le nouveau Code des investissements, deux piliers du nouveau modèle économique et véritable «bras armé» de l’économie algérienne.
Avec ces instruments, le pays, affirme Abdessalem Bouchouareb, est bien outillé pour parvenir à monter dans le train de l’émergence. Mais encore faut-il faire vite et il nous donne l’exemple à travers le marathon qu’il court depuis sa nomination à la tête du ministère de l’Industrie et des Mines. Un poste qu’il occupe après un assez long passage dans la direction du RND à des postes qui lui ont permis de bien mûrir sa réflexion et affiner sa stratégie. Dire qu’à travers ce parcours, ce fils de famille aisée, n’a pas perdu son temps, est une juste appréciation pour ce chirurgien-dentiste de formation qui a conservé des attaches fort intéressantes avec sa région d’origine. En témoignent les expressions de soutien formulées à son égard par la population de son village natal, dans la daïra de Aïn M’lila après les attaques haineuses et injustifiées qu’un député a eues à son encontre. Abdessalem Bouchouareb n’est pas à une attaque près. Mais il encaisse bien et, il nous dira, dans un entretien qu’il nous avait accordé, que la noblesse de la mission que lui a confiée le président de la République transcende tous les coups bas des politiciens. En effet, il n’est pas besoin d’énumérer les peaux de bananes mises sur le parcours du ministre. Des discours déstabilisateurs, aux accusations gratuites en passant par des campagnes de presse bien orchestrées, Abdessalem Bouchouare aura été le bouclier du gouvernement sur lequel sont venus s’échouer toutes les charges des importateurs, des tenants de l’économie parallèle et les corrompus de tous genres.
Il faut bien se rendre à l’évidence que compte tenu des actions qu’il entreprend pour la modernisation de l’industrie nationale, il est devenu la cible des milieux maffieux qui n’apprécient visiblement pas le programme de production substitution aux importations, lequel faut-il le rappeler, a déjà asséché quelques filières à l’import à l’image de celle du ciment et bientôt l’acier, à voir la série d’ambitieux projets initiés ces deux dernières années.
Couplées à l’obligation faite aux concessionnaires de véhicules d’investir dans l’industrie mécanique, les initiatives gouvernementales assumées par le ministre de l’Industrie ont sérieusement déstabilisé les tenants de la nage en eaux troubles. Ces derniers ont actionné tous les leviers qu’ils contrôlent pour freiner la dynamique Bouchouareb.
Une guerre féroce
La violence des attaques et les procédés indignes utilisés par ces milieux sont du genre à laisser des traces. L’opinion nationale est certainement affectée par le tapage quotidien et le déversement de haine, visiblement inexpliquée, mais qui s’explique tout de même par les intérêts que dérange la politique suivie par Bouchouareb. L’homme, nous disait-il, savait ce qui l’attendait. Il était conscient, et il l’est toujours, d’être engagé dans une guerre où le mot pitié a été rayé du dictionnaire des adversaires. On frappe avec toute la force qu’on peut déployer. Et des salves assassines, Bouchouareb en a tellement reçues, qu’il ne les compte plus.
Aujourd’hui, deux jours après l’adoption par le gouvernement du nouveau modèle de croissance économique, le ministre de l’Industrie et des Mines n’en a certainement pas fini avec les attaques. Il sait que la guerre n’en sera que plus féroce dans le futur. Les lignes bougent certes et au profit de l’Algérie qui bâtit, contre celle qui affectionne l’économie de bazar, mais d’innombrables batailles restent à mener pour consolider la production nationale et sortir définitivement le pays de l’influence d’une caste d’affairistes rétrograde, mais financièrement puissante.
La mission de Abdessalem Bouchouareb n’est pas de tout repos, mais le parcours assez remarquable qu’il a eu plaide en sa faveur et les victoires déjà engrangées dans nombre de filières industrielles finiront par lui donner raison, contre ses contradicteurs. L’opinion nationale, premier et dernier juge de l’action du gouvernement, sanctionnera d’une manière ou d’une autre le gouvernement qui lui a donné rendez-vous pour 2019. Les promesses sont entendues et Bouchouareb en a formulées pas mal: faire baisser sensiblement la facture d’importation, ébaucher une véritable industrie mécanique, relancer la filière textile et développer sérieusement l’industrie minière. Tous ces projets sont en chantier et ça se voit. Il reste à cueillir les premiers fruits en 2019. le peuple appréciera le moment venu.
Deux rendez-vous cruciaux pour le ministre
Le ministre de l’Industrie et des Mines a rencontré, hier, le nouveau représentant-résident de la Banque mondiale en Algérie, Demba Ba et l’ambassadeur d’Allemagne en Algérie. Ces deux entretiens ont permis à Abdessalem Bouchouareb d’attirer l’attention du représentant de la BM sur l’évolution substantielle de l’économie nationale qui n’est pas prise en charge par les études de conjoncture de l’institution de Breton Woods. Le ministre a ainsi saisi cette occasion pour présenter au représentant de la BM les réformes économiques engagées par l’Algérie depuis deux ans et plus particulièrement celles découlant de la Constitution révisée «qui a tranché définitivement sur l’orientation de l’économie nationale». Quant à l’autre tête-à-tête, avec l’ambassadeur d’Allemagne en Algérie, les deux parties ont évoqué la mise en place d’un mécanisme de suivi des relations économiques et industrielles entre l’Algérie et l’Allemagne pour «donner une impulsion aux investissements productifs» en vue d’accompagner les entreprises des deux pays dans la mise en oeuvre de leurs projets.