Il semblerait que tous les anciens cadres de la Khalifa Bank (qu’il s’agisse de ceux qui sont encore en détention ou de ceux qui ont purgé leur peine) se soient donné le mot. Revenir sur les propos tenus devant le magistrat instructeur, durant toute la phase de l’enquête ou pendant le procès de 2007.
On se souvient que les désormais ex-chefs d’agences et directeurs à différents niveaux avaient chargé Rafik Abdelmoumène Khalifa (RAK) en indiquant que toutes les opérations de transferts ou de sortie d’argent qui se faisaient sans documents l’étaient sur ordre express du PDG. Des ordres qui n’étaient nullement discutables ou opposables. Khalifa était, rappelons-le en fuite. Mais depuis le 4 mai, ils ont retourné casaque si l’on excepte Akli youcef, le directeur général adjoint chargé de la caisse principale qui a maintenu ses dires, ils nient avoir reçu une quelconque instruction verbale, écrite ou par téléphone et encore par l’envoi de personne de procéder à des retraits d’argent pour son propre compte. Une situation que Antar Menouar n’a pas manqué de relever, non pour disculper RAK, mais plutôt pour confondre les concernés qui tentent de le dédouaner de toutes les accusations, ayant été à un certain moment leur bienfaiteur. « On ne crache pas dans la soupe », devaient-ils se dire.
Propositions alléchantes
Il a fait le tour des banques, dont la dernière était la BDL, occupait plusieurs responsabilités avant d’atterrir à Khalifa Bank. Un banquier chevronné en somme qui a claqué la porte du public motivé selon lui par le salaire qu’offrait l’établissement privé (il est passé de 55.000 à 150.00 DA). Mokadem Tahar avait déjà comparu devant le tribunal criminel en 2007 dans le cadre de l’affaire de la caisse principale de Khalifa Bank (KB). Il avait été condamné à huit ans de prison ferme. Il se pourvoit en cassation avant de se raviser et préfère purger sa peine, dans l’espoir de bénéficier d’une grâce présidentielle. Il a comparu aujourd’hui en tant que témoin sans prestation de serment.
Mokadem Tahar avait rapidement grimpé les échelons au sein de Khalifa Bank. De chef d’agence de Chéraga, il est promu en moins de deux ans, directeur d’exploitation. Il rejoint ensuite l’agence de Blida pendant six mois avant d’intégrer la direction des sports, alors qu’il n’était en aucune manière spécialiste en la matière. Devant l’étonnement du juge Mokadem Tahar expliquera qu’il a été gagné par la fatigue après tant d’années d’activités. « Et c’est à la direction des sports u sein du groupe Khalifa que vous comptiez vous reposer », interroge le juge. Le témoin s’en défend et explique qu’il s’occupait uniquement de la gestion des contrats du sponsoring, tout le reste était du ressort de Maâmar Djebbour. Il indiquera que son parcours au sein de Khalifa Bank (KB) ne s’arrêtait pas en si bon chemin. Il a été chargé par la direction du groupe du recouvrement des créances. Le président de l’audience lui demande si l’entreprise Digimex, cliente de l’agence de Blida de KB, n’était pas débitrice de 100 millions DA. Il nie.
Compte de transit très particulier
Le juge lui demande d’expliquer le versement dans son compte de la somme de 2,3 millions de dinars. « J’ai utilisé mon chèque personnel pour acheter trois véhicules, deux pour les DG et un pour le vice-président d’El Khalifa Bank », répond l’inculpé devenu témoin sans pour autant justifier pourquoi il a servi de faire-valoir.
Valse des bons de caisses
Le témoin reconnaîtra avoir bénéficié de largesses de Khalifa en termes de ce que tous les cadres de cette ex-banque appellent prêts sociaux. Confondu, non comme accusé mais témoin, il dira : « J’ai utilisé mon chèque personnel pour acheter trois véhicules, deux pour les DG et un pour le vice-président d’El Khalifa Bank ». Le juge lui demande s’il avait contracté un prêt. Il acquiesce en précisant qu’il avait obtenu un crédit véhicule de 600.000 DA, contracté auprès de la DRH. « Je l’ai remboursé à travers les ponctions sur salaire. Le juge l’interroge sur les autres 2 millions de dinars libellés en bons de caisse. « Ils m’appartiennent, je les avais placés et au moment où je voulais acheter le logement, je les ai retirés. Une autre somme de 2,3 millions de dinars a été contractée auprès de KRG Pharma, j’ai acheté un logement à Chéraga auprès de l’agence foncière intercommunale de Douaouda. Mais il se trouve que le logement était au 4e étage ce qui n’était pas dans les capacités de ma mère. Je l’ai alors revendu et gardé celui de Kouba à 4 millions de dinars. Sur instruction de RAK.
« De main à main »
A qui vous avez remboursé le crédit, demande le président de l’audience? » Au gérant de KRG Pharma. Ce n’est pas ce que vous avez déclaré au juge d’instruction, relève Antar Menouar. Devant le juge vous avez dit avoir remboursé RAK de main en main…
Le témoin « s’emmêle les pinceaux » et revient sur ses propos tenus devant le magistrat instructeur. Le président le confond, quand bien même il comparaît comme témoin : « Avez-vous un document prouvant que vous l’aviez remboursé au gérant. » Non, répond M. Mokadem. Et précise que jamais il n’a signé de document de reconnaissance de dette quand il emprunte chez un particulier. « Et donc vous estimez qu’il faut se comporter de la même manière avec une administration », relève le juge très peu convaincu des arguments avancés. Lequel ajoute : « Avez-vous reçu 300.000 DA de la part du directeur de l’administration générale, Zizi Abderezzak ? », Il m’a appelé pour me dire qu’il avait besoin de 300.000 DA en attendant de percevoir son prêt. Après il m’a viré la somme dans mon compte.
Amalgame entre crédits et facilités de caisse
Qu’en est-il des 18 millions de dinars ? », demande le tribunal criminel. « On m’a présenté une personnalité qui avait des bons de caisse anonymes souscris à la BDL, il voulait les mettre à KB, je les ai fait passer par mon compte puis versés en bons de caisse ». Le témoin se gardera de citer le nom de ladite personnalité arguant que les bons de caisses anonymes devaient le rester, même après la fin de l’obligation de réserve. Mais il ne dira pas qui est cette personnalité.
Me Meziane avocat de KB en liquidation : Est-ce que la caisse principale était sous la tutelle de l’agence de Chéraga ? Non. Et Akli Youcef ? Oui lorsqu’il était caissier de l’agence.
Y a-t-il eu passation de consigne avec Mir Omar ? demande Me Meziane, avocat de Khalifa Bank en liquidation ? « C’était avec mon adjoint à qui j’ai donné les clés du coffre. Mais il n’y a pas eu de Procès-verbal et donc on ne savait pas comment était gérée l’agence », a-t-il répondu.
Interrogé sur le démarchage de la mutuelle des PTT, Mokadem dément avoir accompagné Chachoua et Benouis à la mutuelle des PTT présidée par le défunt Berber. Mais il se ravise en disant que ceux qui ont démarché la mutuelle des PTT n’étaient pas banquiers, dès lors ils lui ont demandé de les accompagner sur le plan technique.
Le témoin confondu par le procureur général reconnaîtra qu’il a été à l’origine du recrutement de plusieurs membres de sa famille dans les différentes structures du groupe Khalifa
Aucune commission pour les entreprises déposantes
Guers Hakim est détenteur d’une licence en sciences financières et un magister Banques. Il a été directeur de l’agence d’Oran à Khalifa Bank.
Il sera particulièrement interrogé par le juge sur les supposées commissions versées aux entreprises publiques ayant effectué des dépôts. Ms aussi sur les supposées instructions de RAK pour lui envoyer de l’argent personnellement. « Khalifa ne m’a jamais demandé de lui envoyer de l’argent pour lui personnellement. En revanche Faouzi Baichi directeur de la monnaie et du crédit venait souvent à Oran, « mais je ne sais pas si c’est RAK qui le missionnait ou pas. Je lui remettais de l’argent. » Le juge lui rappelle ce qu’il a dit devant le magistrat instructeur. « Selon vous, RAK vous disait qu’il vous donnait instruction de lui envoyer 50 millions de centimes sans documents et demandait de les régulariser avec la caisse principale. » Mais il ne m’a pas dit que c’était RAK qui l’envoyait.
L’énigmatique Baïchi en fuite
« Pourquoi lui donner l’argent ». Parce qu’il faisait le tour pour collecter les fonds. Il était directeur de la trésorerie. » Tu as dit que RAK t’a demandé de lui envoyer 2 millions DA. « Cet argent était destiné au sponsor de l’association la radieuse ?». Je ne connaissais pas la personne et il n’a pas décliné sa personnalité. Ce dernier venait souvent et je lui remettais à chaque fois de l’argent. Cela a duré jusqu’à 2003. Ceux qui venaient, ce sont les convoyeurs de fonds. Baichi prenait des devises. RAK m’a contacté et m’a demandé de lui envoyer 1 million de francs à travers Baïchi. Comment avez-vous inscrit tout cela ? A travers les EES dont il m’a accusé réception. RAK t’a dit d’exécuter ses instructions et celles de Baichi. Le témoin ne répond pas.
« Un accident est vite arrivé »
Vieux routard dans le secteur bancaire, Benyoucef Yousfi a été recruté à Khalifa Bank. Lequel se rend très vite compte que tout ne tournait pas rond dans cette banque. Il l’apprendra d’ailleurs à ses dépens lorsqu’il s’avisera, selon lui à faire le travail pour lequel il a été recruté dans la banque de RAK. « Ils ne me supportaient pas à la BA parce que je faisais mon travail. Je faisais des rapports que j’envoyais à la direction sans réponse. A l’époque, c’était une véritable anarchie. L’oncle de Khalifa, Kebèche Ghazi, m’a appelé et m’a dit d’arrêter les écritures : « Tu vas mettre en péril le groupe », indique le témoin. Qui poursuit : « Il m’a menacé en me disant que les cageots pouvaient provoquer des accidents. »
Faouzia Ababsa